La légalisation de l’usage récréatif du cannabis, en 2016, était censée mettre un terme au trafic, à la violence et aux dégâts environnementaux. C’est tout le contraire : du nord au sud de cet État américain, la culture illégale de marijuana et son cortège de criminalité ont explosé, selon ce très long format du “Los Angeles Times”. Un récit édifiant à lire in extenso ou par chapitre.
Chapitre I – La loi et la réalité
Au coucher du soleil, depuis le sommet de Haystack Butte, des milliers de lumières scintillent dans le désert : ce sont des plantations illégales de cannabis. À cette heure-ci et à cette distance, l’enclave rocailleuse de Mount Shasta Vista se pare de tonalités douces. L’atmosphère est pourtant tendue dans cet ensemble de camps de culture saisonniers gardés par des chiens et des hommes en armes, où le ballet quotidien des camions-citernes d’eau est parfois interrompu par des descentes de police, des braquages et des morts.
Les serres en plastique ont si bien proliféré dans cette vallée californienne proche de la frontière de l’Oregon que, l’année dernière, la production locale représentait à elle seule la moitié du marché californien de cannabis légal.
Des trafiquants armés jusqu’aux dents
La Proposition 64, le référendum d’initiative populaire qui a légalisé l’usage récréatif du cannabis en 2016 en Californie, avait séduit les électeurs en promettant qu’un marché légal signerait la fin du trafic illégal de cette drogue et mettrait ainsi un terme aux violences et aux dégâts environnementaux qui y sont associés.
Au lieu de quoi, cette initiative a favorisé une recrudescence de la culture illégale du cannabis, qui a atteint une échelle sans précédent.
Les centres de culture clandestins comme à Mount Shasta Vista envahissent désormais des localités éparpillées d’un bout à l’autre de l’État, et empiètent jusque dans le désert Mojave, sur les flancs escarpés des montagnes de la côte nord, sur les plateaux désertiques et les forêts de la Sierra Nevada.
Les habitants de ces localités disent vivre dans la terreur du voisinage de ces campements gardés par des hommes armés jusqu’aux dents. Des organisations criminelles y exercent en toute impunité ou presque, louant à des particuliers des terres sur lesquelles elles s’empressent de construire des complexes comptant jusqu’à une centaine de serres. La police est dépassée et ne parvient à détruire qu’une infime partie de ces exploitations qui, de toute façon, relancent leurs activités en quelques jours.
Lors de leurs descentes, les autorités arrachent des plants et arrêtent des ouvriers agricoles sous-payés, tandis que les cerveaux, qui opèrent souvent grâce à des financements venus de l’étranger et se dissimulent derrière des intermédiaires et des prête-noms, échappent à toute sanction.
L’exploitation de la main-d’œuvre y est monnaie courante, et les conditions de travail ont parfois des conséquences mortelles. Le Los Angeles Times a recensé plus d’une douzaine de cultivateurs et d’ouvriers agricoles morts par intoxication au monoxyde de carbone.
D’incommensurables dégâts sur l’environnement
Cette crise a pris des proportions gigantesques. En analysant des images satellitaires couvrant des centaines de milliers d’hectares en Californie, le Los Angeles Times a constaté une expansion spectaculaire des plantations de cannabis dans les régions où le foncier est bon marché et où les forces de l’ordre sont trop dispersées pour faire face.
Ce formidable essor s’est accompagné d’un changement de méthode de culture : les récoltes annuelles sur des parcelles en plein champ ont fait place à d’immenses tunnels chenille recouverts de plastique qui permettent de réaliser de trois à cinq récoltes par an.
Cette croissance fulgurante s’est avérée lourde de conséquences. Les plantations illégales ont exacerbé les violences liées à la culture de la marijuana, multipliant les fusillades, les braquages, les enlèvements et, de temps à autre, les assassinats. Certains paysans de la région, se sentant cernés, n’osent même plus se risquer sur leurs propres terres.
Les ouvriers agricoles travaillent la plupart du temps dans des conditions déplorables et dangereuses et voient souvent leur salaire rogné. Depuis la légalisation, dans quatre comtés seulement, le monoxyde de carbone dégagé par des compresseurs et des poêles à charbon a tué sept personnes qui travaillaient ou essayaient de se tenir au chaud dans les serres hermétiques de plantations illégales, et huit autres dans des bâtiments inhabitables.
La culture intensive provoque en outre d’incommensurables dégâts sur l’environnement. En période de forte sécheresse, des millions de litres d’eau sont prélevés dans les aquifères et détournés des puits des riverains qui s’assèchent. Des engrais chimiques douteux et des pesticides mortels interdits sont par ailleurs utilisés.
Les cultures illégales se sont développées à si grande échelle qu’elles ont engendré une surproduction qui, l’année dernière, a provoqué l’effondrement des prix de gros, mettant en péril jusqu’aux producteurs du marché légal. Faute de pouvoir écouler leur récolte, de petits cannabiculteurs agréés ont été précipités dans la faillite.
Des forces de police dépassées
Sur le papier, la Proposition 64 promettait de formidables avantages : elle devait mettre fin aux lois sanctionnant la possession de drogues, qui pénalisaient surtout les pauvres et les personnes de couleur, et créer un marché commercial qui, en 2021, a généré 5,3 milliards de dollars [5 milliards d’euros] de ventes taxées.
Mais l’État de Californie n’avait pas prévu que la décriminalisation d’un vaste secteur illégal extrêmement juteux ouvrirait la porte à un afflux de bandes organisées criminelles et d’opportunistes du monde entier.
- 1996 : La Californie devient le premier État américain à autoriser l’usage thérapeutique du cannabis.
- 2012 : Le Colorado et l’État de Washington sont les deux premiers États à légaliser la consommation de cannabis à des fins récréatives.
- 2016 : Le vote de la Proposition 64 légalise l’usage récréatif du cannabis en Californie.
- Novembre 2022 : Au total 21 États américains ont légalisé l’usage récréatif du cannabis. Les deux derniers États à l’avoir fait sont le Maryland et le Missouri, à l’issue de référendums d’initiative populaire soumis au vote lors des élections de mi-mandat du 8 novembre.
L’allègement des sanctions pénales entériné par la Proposition 64 n’a fait qu’encourager les contrevenants à poursuivre leur activité à moindre coût et à moindre risque. Bien qu’il n’existe aucune donnée précise sur l’ampleur du marché parallèle, il pèse indiscutablement beaucoup plus lourd que le marché réglementé.
Une analyse des images satellitaires montre que, dans les plus grandes zones de culture de Californie, notamment dans les comtés de Trinity et de Mendocino [dans le nord de l’État], les sites de culture clandestins sont dix fois plus nombreux que les fermes sous licence. Les autorités de Californie n’ont pas fait grand-chose pour remédier à cet état de fait : la répression du marché illégal est répartie entre différentes agences étatiques qui manquent de moyens et ont des priorités divergentes.
Sous l’impulsion du gouverneur démocrate Gavin Newsom, farouche partisan de la légalisation, la Californie est partie du principe, défendu par la filière, selon lequel les forces du marché finiraient par évincer les producteurs illégaux. Cette année, lorsque les cannabiculteurs agréés se sont plaints qu’ils ne pouvaient plus soutenir la concurrence, le gouverneur leur a accordé des réductions d’impôt, et son administration a mis en place des mesures d’incitation pour développer le marché en subventionnant les communes qui autorisent la vente du cannabis.
Les forêts et les vallées escarpées du comté de Mendocino, au cœur du fameux “Triangle d’émeraude” de Californie, réputé pour la qualité et la quantité de sa production de marijuana, compteraient près de 5 000 plantations illégales. Les sites de culture vont de la petite ferme familiale jusqu’aux dangereuses entreprises de trafic de drogue, comme celle où, ce printemps, la police a retrouvé une Kalachnikov AK-47 bricolée.
Pour lutter contre le cannabis illégal, le shérif local ne dispose que d’un sergent de police et d’un shérif adjoint à temps partiel. Cette petite équipe s’efforce de repérer les plus gros trafiquants, fait appel aux agents des comtés voisins pour effectuer des descentes et ne s’occupe pas des plus petits poissons. “Cela revient à affronter une immense armée avec un couteau de poche”, résume le shérif Matt Kendall.
Chapitre II – Le “pionnier hippie”
La ferme agréée de Noel Manners avait un problème : elle cultivait trop de cannabis.
En 2020, les contrôleurs lui ont envoyé des photos satellitaires de sa propriété du comté de Mendocino qui révélaient la présence de longs tunnels chenille, interdits dans le cadre de sa licence de culture.
Or Manners savait que ces plants surnuméraires sous serre ne lui appartenaient pas.
Une vaste plantation illégale était venue s’installer subrepticement au cœur de ses 325 hectares de terres forestières.
Manners a attendu l’hiver, lorsqu’il savait que le site serait à l’arrêt, et a escaladé la colline. Des arbres avaient été abattus pour dégager une clairière de 2 000 m2, dans laquelle il a découvert trois gigantesques tunnels recouverts de plastique et des engrais chimiques répandus au sol – ce qui était d’autant plus révoltant que ce cultivateur historique avait été à l’avant-garde de la production de marijuana bio.
Manners a démonté l’installation et a balancé le tout derrière sa clôture à l’aide d’un minibulldozer. Lorsqu’il est revenu, au printemps suivant, il a repéré d’inquiétants signes de reprise d’activité.
Des bulles de savon moussaient dans son étang de montagne. La nuit, des coups de feu retentissaient. Puis, en arpentant ses terres par un jour de pluie, il a senti une drôle d’odeur. “Le sol était jonché de trucs blancs qui ressemblaient vaguement à des fleurs”, raconte-t-il. Il était en fait sur un champ de papier toilette.
Camp Cool, paradis de la cannabiculture
À 63 ans, Manners était un pionnier de la cannabiculture, qui avait tenu un magasin de vélos et portait des tee-shirts à l’effigie des Grateful Dead. Il avait quitté la ville de Sacramento trente ans auparavant pour venir s’établir avec sa famille dans cette montagne reculée surplombant la Round Valley.
Il avait ainsi rejoint une génération de cultivateurs qui bravaient la loi tout en reconstituant un tissu économique et social venu combler le vide laissé par l’effondrement de l’industrie forestière.
Quand, en 1996, la Californie a été le premier État américain à légaliser le cannabis à usage thérapeutique, il s’est lancé avec d’autres cultivateurs sur un marché gris qui favorisait les prescriptions médicales bidon et les plantations de 99 plants – un de moins que la limite fédérale exposant à une peine de cinq ans de prison ferme.
Manners a bien négocié tous les changements intervenus dans le paysage instable du cannabis californien. Il a mis au point des variétés qui sont à la base de la filière industrielle actuelle. High Times, la revue de contre-culture consacrée à la marijuana, a salué sa ferme autonome de Camp Cool, considérée comme l’une des meilleures plantations de cannabis en plein champ du pays.
Un homme seul face aux intrus
Les intrus qui s’étaient immiscés sur sa montagne l’inquiétaient. Lorsque le site était occupé, il évitait de s’en approcher. Mais il ne pouvait pas les ignorer. Il a croisé un jour des cultivateurs qui coupaient par la forêt. L’un portait un fusil d’assaut, un autre avait le visage à moitié caché derrière un bandana.
“‘Vous êtes sur mes terres’, leur ai-je dit. Puis je leur ai demandé quand ils comptaient avoir fini et déguerpir de ma propriété. ‘Oh, d’ici à une dizaine de semaines’, m’ont-ils répondu. ‘Ça me va.’ Là-dessus, j’ai compris que je ferais mieux de ne pas traîner dans les parages.”
En juillet 2021, les adjoints du shérif du comté de Mendocino ont enfin perquisitionné le site.
Manners est retourné sur les lieux l’hiver dernier, et il a constaté que l’exploitation était toujours là. Trois énormes tunnels chenille étaient prêts. Trois immenses piscines hors sol étaient installées pour mélanger l’eau chargée de produits chimiques destinée à la fertirrigation.
“Ils s’apprêtaient à agrandir encore leur site de culture”, nous a expliqué le propriétaire.
Manners est décédé brutalement, début avril, d’une chute avec traumatisme crânien à la suite d’un infarctus. Son fils a, par la suite, retrouvé sur la table de chevet de son père un objet qui ne lui ressemblait guère : un revolver de calibre 44 Magnum. Et juste en dessous, sur l’étagère, une cartouchière.
Chapitre III – “Les Hmong et le flic”
Anticipant la vague qu’allait déclencher le référendum d’initiative populaire de 2016 sur la légalisation du cannabis en Californie, Mouying Lee a pris les devants.
Il a quitté la ville de Fresno pour s’installer dans le haut désert du comté de Siskiyou, où il a racheté à bas prix des dizaines de parcelles d’un ancien centre de vacances désaffecté appelé Mount Shasta Vista – guère plus qu’un labyrinthe de pistes en cendrée dégagées au bulldozer dans un paysage de roche volcanique et de buissons de genévriers.
Après quoi, Lee a revendu la plupart des parcelles vides et poussiéreuses à d’autres membres de sa communauté, les Hmong. Des centaines de Hmong venus des quatre coins des États-Unis ont afflué dans cette région essentiellement peuplée de producteurs fourragers et d’éleveurs de bétail, tous blancs.
L’homme d’affaires disait vouloir créer un centre culturel hmong pour son peuple : des réfugiés laotiens persécutés dans leur pays pour avoir combattu aux côtés des États-Unis durant la guerre du Vietnam.
Une enclave communautaire
Mais dans la vallée volcanique aride, accablée de soleil et balayée par des vents brûlants, les nouveaux venus n’ont construit pratiquement aucune maison. Ils vivaient dans des cabanes ou sous des bâches et cultivaient des petits lopins de 99 plants de cannabis, soit un de moins que la limite fédérale exposant à des peines de prison. Aux premières neiges, ils disparaissaient avec leur récolte.
D’autres enclaves similaires composées de petites fermes de cannabis sont apparues en Californie du Nord, portant souvent le nom de “montagnes” ou de “champs de bataille laotiens”. Elles ne faisaient pas l’unanimité dans la communauté hmong, mais même leurs détracteurs reconnaissaient que ces petites exploitations assuraient un revenu régulier à une population d’immigrants qui avait du mal à s’en sortir.
Selon M. Lee, la plupart du cannabis cultivé à Mount Shasta Vista étaient à usage personnel et utilisé comme “remède traditionnel” en infusion ou dans des bains de vapeur. Il ne comprenait pas que les habitants du comté de Siskiyou puissent accuser les Hmong venus s’installer en ces lieux d’appartenir à des organisations criminelles.
La police interceptait souvent des paquets de 45 kilos de cannabis envoyés depuis les fermes de Mount Shasta Vista. La patrouille du shérif organisait des descentes à l’aube, et le conseil de surveillance du comté a pris des arrêtés interdisant non seulement le cannabis commercial mais aussi les livraisons d’eau destinées à l’arrosage des plants.
M. Lee a toujours défendu qu’il s’agissait d’un malentendu culturel, sinon de racisme pur et simple.
Le cerveau d’un vaste réseau
Les archives judiciaires révèlent que Lee était en réalité le cerveau d’un vaste réseau de trafic de cannabis. Les enquêteurs qui ont perquisitionné chez lui ont trouvé des calendriers de livraisons d’eau et des reçus de cotisations à une association forte de 534 membres. Les dossiers recensaient également les cartes de marijuana thérapeutique et les cartes d’électeurs des membres de l’association, ainsi que des mandats de perquisition exécutés par le shérif. Un des enquêteurs pense que l’organisation assurait même ses membres contre les pertes consécutives aux descentes de police. Selon les procès-verbaux judiciaires, Lee faisait office d’intermédiaire pour vendre des centaines de kilos de cannabis à des acheteurs éloignés.
Avec l’ouverture du marché du cannabis récréatif, Lee a étendu son activité au-delà de sa clientèle hmong. Il a acheté de grands terrains autour de Mount Shasta Vista et a si bien rasé 250 hectares au bulldozer que la cicatrice est aujourd’hui visible depuis l’espace. Surnommé “Cinder Pit” (“la Fosse de cendrée”) par la police, le terrain était subdivisé en 82 parcelles, chacune équipée d’une serre et d’une cabane. Les locataires arrêtés lors des descentes antidrogue ont expliqué à la police qu’ils louaient leur parcelle pour 10 000 dollars par saison.
Ce n’est toutefois pas le shérif mais un agent du fisc qui a mis un terme à l’irrésistible expansion de l’activité de Lee.
En 2020, les autorités du comté ont inculpé Lee pour blanchiment d’argent et fraude fiscale, l’accusant d’avoir dissimulé près de 1,5 million de dollars de revenus non déclarés. Lee a plaidé non coupable. Le parquet a demandé à un juge de fixer sa caution à 3 millions de dollars, mais Lee a été libéré sur parole.
Malgré son éviction, les fermes de cannabis ont continué à s’étendre à Mount Shasta Vista, attirant d’autres groupes qui se sont dispersés dans toute la vallée de Juniper Flat.
Industrialisation galopante
Les lopins familiaux ont laissé place à des serres tournant sur plusieurs saisons. Certains ont construit des complexes à échelle industrielle à côté desquels les campements hmong faisaient pâle figure.
“Je n’aurais jamais pensé que cela prendrait de telles proportions”, confiait ce printemps M. Lee en arpentant nerveusement le balcon du tribunal, attendant que son avocat arrive pour négocier un accord avec le procureur du comté.
La nuit, les camps de cannabiculture scintillent comme une petite ville. L’année dernière, le Los Angeles Times a recensé plus de 1 300 fermes à Juniper Flat. La surface de leurs serres couvrait une dizaine d’hectares, ce qui représente une augmentation de 4 200 % depuis 2018.
C’est la plus forte concentration connue de cultures illicites de cannabis en Californie.
La vallée, naguère occupée par des éleveurs et des retraités, a pris des allures de jungle. Aux abords des sites, des sentinelles sont postées en bordure des routes. Les braquages sont fréquents. En 2018, les forces de l’ordre ont saisi sept armes à feu lors de raids sur des sites de culture illégaux. L’année dernière, ils en ont trouvé 66. Ce printemps, la police a été appelée dans une ferme pour récupérer deux intrus que le propriétaire avait attachés à un poteau.
Menaces et fusillades
Le mois dernier [en août 2022], quatre hommes d’une trentaine d’années ont encerclé un photographe du Los Angeles Times qui s’était garé sur le bas-côté de la route menant à Mount Shasta Vista pour prendre des photos, au loin, d’une noria de citernes d’eau venues se réapprovisionner dans le puits d’un agriculteur. L’un d’eux a attrapé un cric et s’est mis à cogner la voiture du photographe.
Un autre l’a averti :
“Si tu n’as pas encore une balle dans la tête, c’est simplement parce que tu es en train de me parler.”
Il y a deux ans, des assaillants masqués ont attaqué un producteur de Mount Shasta Vista et ses compagnons, les ont ligotés et ont tué le cultivateur. La police pense qu’il s’agissait d’une exécution. À ce jour, l’affaire n’a pas été élucidée.
Ce même été [2020], trois hommes de Californie du Sud, armés de fusils d’assaut de type AR-15, ont également essayé de braquer des cannabiculteurs. Une fusillade a éclaté. L’un des malfaiteurs a été tué, tandis que ses deux complices se sont enfuis à pied parmi les sites de culture rocailleux et ont fini par appeler le numéro d’urgence du 911 pour que la police vienne à leur secours. Ce meurtre n’a pas été élucidé non plus.
Pas plus que celui de deux femmes hmong originaires de Milwaukee, en 2019. Elles ont été assassinées sur une ferme de cannabis près de la frontière avec l’Oregon, une zone dans laquelle la police ne s’aventure que rarement.
Par ailleurs, depuis 2016, au moins huit cultivateurs de cannabis du comté de Siskiyou sont décédés par intoxication au monoxyde de carbone en essayant de se réchauffer avec des poêles à charbon et des groupes électrogènes. Le corps d’une neuvième victime asphyxiée au monoxyde de carbone a été retrouvé l’an dernier, abandonné sur le bas-côté de la route Interstate 5, enveloppé dans son sac de couchage. La police n’a aucune idée du lieu de son décès, mais elle suppose qu’il s’agissait d’une ferme de cannabis. Six de ces victimes étaient des Hmong.
Le travail de Sisyphe de la section antidrogue
Le lieutenant de police Cory Persing dirige la section antidrogue du comté et, outre le cannabis, il doit lutter contre la production de fentanyl, de méthamphétamines et autres substances dérivées. Sa section, qui était à l’origine composée de cinq personnes, n’en compte plus que deux – Persing et un autre inspecteur –, ils doivent donc faire appel à des volontaires issus des rangs de gardiens de la prison du comté pour participer aux descentes.
La Proposition 64 a considérablement réduit les coûts de fonctionnement des producteurs illégaux en requalifiant l’infraction grave de culture illicite, passible d’emprisonnement, en un simple délit sanctionné d’une amende de 5 000 dollars, quelle que soit la taille de l’exploitation. Pour pouvoir réclamer la fermeture d’une ferme, le ministère public de l’État doit donc faire valoir d’autres chefs d’accusation. Et pour cela, il faut des enquêteurs. Or le lieutenant de police Persing n’en a pas.
Il en est réduit à émettre indéfiniment des mandats de perquisition et à faire inlassablement arracher les plants. Neuf plantations sur dix passent entre les mailles du filet. Il lui est arrivé de retourner sur des sites trois jours après son intervention pour constater qu’ils avaient repris leur activité.
Par une journée ensoleillée d’octobre, l’équipe de Persing est tombée sur quatre petits camps de culture. Alertés par les sentinelles, les exploitants avaient pris la fuite avant l’arrivée de la police. Il ne restait qu’un chien enfermé dans une cage qui grognait et aboyait, avec une pile de croquettes au sol qu’on lui jetait à coups de pied à travers les barreaux, comme si même ses propriétaires avaient peur de l’approcher.
Les agents ont rasé au minibulldozer les plants d’une serre bricolée avec des tuyaux de PVC, pendant que Persing allait fouiller l’une des cabanes de contreplaqué utilisée comme habitation. Il a laissé le mandat de perquisition et un reçu pour sa saisie de 70 kilos de marijuana sur un matelas posé sur une palette, à côté d’un étui à fusil vide.
Un ancien calendrier d’arrosage était accroché au mur. Il y avait également dans la cabane des documents personnels d’au moins quatre personnes et une offre d’achat d’un terrain de 28 hectares dans l’est de l’Oklahoma, où l’on assiste à la même ruée sur les terres pour cultiver illégalement du cannabis. Une poubelle et un seau en plastique évoquaient vaguement une douche, et un réchaud à gaz indiquait que l’on avait cuisiné là, même s’il n’y avait aucune trace de nourriture.
Debout sur la route de crête, les lunettes de soleil vissées sur son crâne ras, Persing pointe un index vers Mount Shasta Vista. Puis, d’un geste ample du bras, il balaie l’extension du site depuis 2019. En contrebas, dans la vallée, les formes blanches des tunnels s’étirent sur des kilomètres.
“Tout ça, ce sont les nouvelles serres”, commente-t-il.
Quelques camps de cannabiculture vident leurs toilettes directement dans la terre et leurs déchets dans d’autres trous. Quand le vent se lève, des sacs vides d’engrais s’enroulent autour des clôtures. Les cultivateurs ont totalement défriché des parcelles au bulldozer, et la terre est entaillée de profondes marques d’érosion jonchées de bidons d’eau et de tas d’ordures qui ne cessent de s’amonceler. Avec l’effondrement du marché, certaines serres sont abandonnées, et les chiens qui gardaient autrefois les fermes rôdent maintenant en meutes et attaquent le bétail.
“Tout cela est totalement illégal. Et c’est à croire que tout le monde s’en fiche”, soupire Persing avec une pointe d’exaspération dans la voix. Mis à part la police routière et les gardes forestiers chargés de la protection de la faune qui donnent parfois un coup de main, “aucun organisme d’État ne nous aide vraiment”, conclut-il.
Chapitre IV – La cultivatrice menacée de faillite
Les petits cannabiculteurs sous licence qui, comme Mary Gaterud, tirent le diable par la queue se sentent eux aussi abandonnés.
Mary est issue de la mouvance contre-culturelle qui a donné le coup d’envoi de l’industrie californienne du cannabis. Titulaire d’une maîtrise en psychologie existentielle obtenue dans les années 1990, elle a décidé de tout plaquer pour cultiver de la marijuana. Elle a créé une petite ferme de cannabis à ciel ouvert dans le comté de Humboldt, sur les bords de la rivière Eel.
Ses plantes sont naturellement fertilisées par un sol riche en matières organiques et protégées en hiver par un paillis de fèves. Elle a passé des années à mettre au point des variétés parfumées qu’elle a elle-même élevées à partir de semences. Lorsqu’elle ouvre une cuve de séchage dans l’ancien cellier qui abrite son installation dûment inspectée par l’État, une forte odeur d’ananas et de noix de coco se dégage.
Victime de la surproduction
Sa récolte a été victime d’une surproduction de cannabis qui a fait chuter les prix de gros. Une livre de fleurs séchées, qui, il y a quelques années, se vendait en Californie à plus de 2 000 dollars [1 900 euros], valait désormais moins de 300 dollars [285 euros]. Mais encore fallait-il qu’elle trouve preneur.
Vers la fin de l’année dernière, alors que Mary Gaterud ramassait sa récolte d’été, son distributeur de Los Angeles lui a renvoyé celle de 2020, restée invendue et tellement abîmée par un mauvais stockage que la productrice n’était même pas certaine que ce soit bien la sienne.
Elle n’avait d’autre choix que d’expédier ses plantes de premier choix à un distillateur qui les broierait pour les transformer en huile générique.
Comme beaucoup d’autres petits exploitants, Mme Gaterud est aujourd’hui au bord de la faillite. “C’est à peine si j’arrive à joindre les deux bouts”, dit-elle.
La surproduction a été provoquée par deux facteurs : la croissance exponentielle des cultures illégales et la délivrance de licences étatiques permettant de cultiver plus de cannabis que n’en consomment les Californiens.
Nicole Elliott, directrice du Département du contrôle du cannabis (DCC), l’autorité de régulation californienne, estime que la production de cannabis légal atteint près de 1 600 tonnes, dans un État qui en consomme moins de 900 tonnes.
D’après notre analyse des registres des licences étatiques et de la production, la récolte réglementée de 2021 dépassait largement les 3 000 tonnes.
“Nous ne restons pas les bras croisés”
Mme Elliott déclare que sa grande priorité est le marché légal. Elle estime que d’autres organismes de l’État sont mieux équipés pour combattre les cultures illicites. Cela étant, ajoute-t-elle, “nous ne restons pas les bras croisés”.
En juillet, dans un communiqué de presse, le DCC s’est félicité des prouesses en matière de saisie de cannabis illicite sur le marché légal, mais des registres détaillés des mandats de perquisition montrent que la plupart des saisies ont été réalisées par d’autres services de police. Depuis juillet 2021, les 59 agents assermentés du DCC n’ont exécuté que 26 des mandats qu’ils ont eux-mêmes émis à l’encontre des producteurs illicites.
La division concentre son action sur les zones urbaines et le sud de la Californie. Au cours de la même période, les actions de répression du DCC dans le comté de Mendocino – confronté aux violences d’immenses exploitations criminelles – se sont limitées à une seule journée de descentes dans quatre petites fermes le long d’un ruisseau, à la demande des gardes forestiers. Les agents n’ont procédé à aucune arrestation.
Les autres moyens de lutte de l’État de Californie contre la marijuana illégale sont éparpillés et limités dans leurs missions. Des équipes de la Garde nationale poursuivent, certes, leurs campagnes d’éradication en été, mais elles déplantent moins d’un quart des récoltes par rapport à ce qu’elles arrachaient dix ans plus tôt. Les Services de gestion des eaux de Californie ont été les premiers à prendre la mesure de la menace environnementale que présentait le cannabis, mais quand, en 2020, les revenus issus des droits des permis de culture se sont avérés inférieurs aux prévisions budgétaires, ils ont réduit de moitié leurs équipes de lutte contre le cannabis.
Le principal acteur étatique de la lutte contre le cannabis illicite est le Service de la pêche et de la faune, qui étudie de près les répercussions de la production sur les cours d’eau et la faune.
Lorsque la culture du cannabis met en danger l’une ou l’autre de ces ressources naturelles, elle garde sa qualification d’infraction grave. Mais les 68 agents de terrain du Service de la pêche et de la faune affectés à la lutte contre le cannabis et qualifiés pour documenter ces infractions sont trop peu nombreux : neuf agents couvrent à eux seuls les sept comtés qui concentrent près de 40 % des cultures illégales.
Depuis 2019, les autorités de régulation de l’État sont habilitées à infliger des amendes allant jusqu’à 30 000 dollars [28 700 euros] par jour aux producteurs non autorisés et à réclamer des pénalités administratives pouvant dépasser les 300 000 dollars par jour.
Bien que l’État ait sanctionné des producteurs agréés qui ont enfreint les réglementations, le procureur général de l’État n’a jamais imposé de pénalités pour les cultures illégales. Le DCC n’a eu recours à cet outil qu’une seule fois – contre un concierge d’école du comté de Shasta et sa femme, coupables d’avoir loué leur terrain pour l’installation de neuf serres clandestines.
D’autres États dans lesquels la production clandestine est endémique ont pris des mesures plus radicales. Dans l’Oregon, le problème a poussé le Parlement local réuni en séance extraordinaire à intensifier les descentes de police et l’assistance aux travailleurs agricoles exploités.
“Trahie par l’État de Californie”
Dans sa ferme nichée au cœur des montagnes du comté de Humboldt, Mary Gaterud dit se sentir trahie par l’État de Californie et elle est furieuse d’essuyer de tels déboires alors que ceux qui bafouent la loi courent toujours.
Elle raconte que les régulateurs ont exigé à plusieurs reprises des plans détaillés de sa ferme et sont venus l’inspecter neuf fois. Elle estime avoir dépensé 100 000 dollars en travaux de mise en conformité de son exploitation pour répondre aux exigences locales et nationales.
Quand les pluies hivernales sont arrivées, elle en a été réduite à emprunter de l’argent à des amis et à sa famille pour vivre. Pour joindre les deux bouts, elle a pris un emploi en ligne à temps partiel de coordinatrice d’une école d’astrologie.
Son distributeur lui a renvoyé sa récolte de 2021, également invendue.
“Si je reçois encore une mauvaise nouvelle, je crains de n’avoir pas d’autre choix que de vendre ma propriété et de renoncer à mon rêve, à ma vie, à tout ce pour quoi je me suis battue”, déplore-t-elle.
Chapitre V – Les Amérindiens et les travailleurs clandestins
Dans la combe d’une belle et tragique vallée bordée par la rivière Eel, dans le comté de Mendocino, se trouve le petit village de Covelo.
C’est là qu’a eu lieu le plus grand massacre d’État en Californie – une campagne qui, en 1856-1859, a vu plus d’un millier d’Amérindiens de la tribu des Yuki se faire assassiner –, et c’est là aussi qu’a abouti la marche forcée de cinq autres tribus amérindiennes emmenées par l’armée américaine [en 1863].
Ce village reculé déclinait inéluctablement depuis la crise de l’industrie forestière et la fermeture de la minoterie locale. Mais Covelo a été sauvé par le cannabis.
L’invasion des 4×4 rutilants
Avant la légalisation de l’usage récréatif du cannabis, la mosaïque de terres privées, de terres fédérales et de terres appartenant à la réserve amérindienne de la Round Valley était déjà émaillée de petites plantations de cannabis de plein champ. Le comté de Mendocino et les tribus étaient tolérants, même si le Bureau américain des affaires indiennes n’approuvait pas.
Après la légalisation, des étrangers ont débarqué à bord de 4×4 rutilants et ont entrepris de louer des terres aux membres des tribus.
À l’été 2021, la ville était encerclée. La vallée comptait 1 033 maisons et 2 423 serres à cannabis, soit pratiquement une par habitant.
Plus de la moitié de ces sites opèrent sans permis d’exploitation. Les tunnels de culture envahissent non seulement les terrains agricoles, mais aussi les arrière-cours et les jardins. Les serres se dressent près des écoles, derrière le magasin de pièces automobiles, à côté de la chapelle catholique.
“Nous avons été totalement dépassés, reconnaît James Russ, directeur des tribus indiennes de la Round Valley. Pas uniquement dans cette réserve, mais aussi dans toute la vallée.”
Armes lourdes, violence et produits chimiques
Avec l’essor fulgurant de la culture illicite sont arrivés les armes lourdes, la violence et des produits chimiques mortels. En 2021, lors d’une descente, la police a trouvé des bouteilles de Metrifos, dont l’étiquette était marquée d’une tête de mort. Ce poison neurotoxique, retiré du marché américain en 2009, est toujours vendu au Mexique pour protéger les cultures des rongeurs. Le shérif a déclaré que l’un de ses adjoints était tombé malade à la suite de la perquisition et avait été hospitalisé pour des symptômes d’empoisonnement.
Les conditions de travail dans les fermes sont rudes. Les ouvriers agricoles parlent de journées de quatorze heures, vivent dans des tentes dépourvues d’installations sanitaires et doivent se procurer leur propre nourriture, avec la promesse qu’ils seront payés après la récolte, dans le meilleur des cas. Les salaires impayés sont si courants que les ouvriers font circuler des listes noires des fermes qui ne paient pas.
En 2019, José Ramón Mejía Ríos, un quadragénaire de la région, est mort dans la serre de cannabis dont il s’occupait. Selon le médecin légiste du comté, il a succombé à une intoxication au monoxyde de carbone. Une jeune femme vivant sur la propriété nous explique que Ríos faisait partie d’une équipe de cannabiculteurs qui louaient des terres à sa tante pour installer leurs serres illégales. Après ce décès, ils ont déguerpi, mais d’autres ont pris le relais, ajoute-t-elle.
L’année suivante, deux autres travailleurs sont morts dans un rayon de moins de 2 kilomètres, dans des conditions similaires.
“Méfiez-vous de Covelo !”
Osnin Noe Quintanilla-Meléndez, un Hondurien de 32 ans, est mort dans son sommeil dans une serre de cannabis où tournait un groupe électrogène. En face de la décharge locale, sur un site de 52 serres illégales, Wilson Andrés Rodríguez Villalobos, un ouvrier agricole colombien de 32 ans, a été retrouvé face contre terre dans une serre illégale chauffée par des torches au propane.
Quelques mois plus tard, dans la même ferme, un autre travailleur a disparu. La famille de Victor Medina, à San José, a reçu une demande de rançon de la part de ravisseurs incapables de prouver que leur proche était toujours en vie.
“Cuidado con Covelo, que está muy turbio. Aparecen muertos a cada rato” [“Méfiez-vous de Covelo, c’est très chaud, là-bas. Il y a tout le temps des morts”], peut-on lire sur un forum WhatsApp réunissant des ouvriers agricoles du cannabis.
À la fin de l’automne, un garde-chasse intrigué par l’odeur émanant d’une voiture abandonnée près de Covelo a ouvert le coffre et y a trouvé le cadavre décomposé de Marco Antonio Barrera Beltrán, un ressortissant mexicain de 51 ans qui vivait dans la Vallée centrale. Le shérif a déclaré qu’il travaillait sur un site de production de cannabis illégal à Covelo. Beltrán avait été abattu.
Dans le cadre de l’enquête sur ce meurtre, des perquisitions ont été menées dans une série de plantations de cannabis où un autre ouvrier était mort d’une intoxication au monoxyde de carbone l’année précédente. Mais l’affaire n’a jamais été élucidée.
Les habitants de Covelo qui ont accepté de nous parler ont demandé que leur nom ne soit pas cité, par peur des représailles.
Une résidente voit maintenant son puits s’assécher chaque année dès le mois de mai, car l’aquifère peu profond qui l’alimente a été tari par les pompages des énormes serres qui entourent sa maison sur trois côtés. Elle s’est résignée à laisser mourir son jardin, et en est arrivée à des extrêmes : recueillir les gouttes des robinets, compter sur le tuyau d’arrosage des voisins et sur un réservoir de stockage pour passer l’été. Les producteurs du voisinage font livrer leur eau par camions-citernes entiers. Leurs compresseurs tournent en permanence, les ouvriers font leurs besoins dans sa cour et, la nuit, elle doit placarder des cartons sur ses fenêtres pour bloquer l’éclairage criard des serres.
D’autres habitants racontent avoir trouvé un ouvrier du cannabis qui n’avait pas été payé et s’était perdu dans les collines, en pleurs et tremblant à l’idée que son employeur ne revienne le tuer. Lors d’une récente perquisition dans une ferme illégale, les adjoints du shérif ont rencontré deux ouvriers mexicains qui ont déclaré être détenus contre leur gré.
Le revers de la médaille
“Les ravages que je constate aujourd’hui dans ma vallée me fendent le cœur”, souligne Kat Willits, administratrice de l’école locale et ancienne membre du Conseil des tribus indiennes de la Round Valley.
Mme Willits a passé son enfance à Covelo, où elle venait voir sa famille, se promener dans la vallée et dans ses forêts et se baigner dans le ruisseau où les saumons venaient frayer. En revenant à l’âge adulte, elle est consternée de voir qu’autant de membres de la communauté n’ont plus d’autre choix que de louer leurs terrains à des producteurs illégaux.
“Certains disent que, maintenant, c’est le seul moyen de gagner de l’argent, explique-t-elle. Mais ils ne gagnent pas d’argent… Ils dévastent aussi leurs propres terres avec les sous-produits de la culture du cannabis.”
L’argent du cannabis a, selon elle, aggravé le déclin de Covelo, au lieu d’y remédier. Il y a davantage de voitures abandonnées, de maisons délabrées et de violence.
“Vous parlez d’une affaire, ironise-t-elle. Tout ça pour que des étudiants californiens puissent tirer sur des vaporisateurs stylos remplis d’un liquide à base de cannabis. Les gens qui considèrent cela comme une drogue inoffensive ou comme un médicament ne connaissent pas le revers de la médaille.”