Il a débarqué au CIRC en 1993 et nous a beaucoup appris sur l’art de cultiver du cannabis. Son savoir, il l’a acquis en multipliant les voyages à Amsterdam, en s’abreuvant des ouvrages publiés par Ed Rosenthal et autres cannabiculteurs, des conseils avisés de Wernard Bruining, le fondateur de Positronics, de Ben Dronkers, le créateur de Sensi Seeds ou encore de Mila Jansen connue pour avoir conçu le Pollinator.
Éric était un joyeux drille, un plaisantin, un créateur éclectique. Il a travaillé sur un jeu de cartes dont le thème était, vous l’avez sans doute deviné, l’art de planter du chanvre Il s’était aussi lancé dans la traduction de « Culture en placard » de Ed Rosenthal et il était toujours prêt à donner un coup de main aux jardiniers en herbe débutants.
Lors des réunions hebdomadaires du CIRC, nous demandions à Éric d’attendre que celles-ci soient bien entamées avant de rouler son premier pétard, beaucoup de beuh et peu de tabac, des pétards qui nous mettaient la tête à l’envers. La soirée se terminait en général dans un restaurant chinois de Belleville, le Président, à une grande table où sous les pâles d’un ventilateur, Éric roulait joint sur joint, des joints que nous partagions parfois avec d’autres clients qui n’en revenaient pas.
Éric était de tous les événements cannabiques. De la première Cannabis Cup européenne à la French Cannabis Embassy organisée conjointement par Fabienne (alors présidente du CIRC Paris) et par Michka que l’on ne présente plus. Son inlassable curiosité et sa « science » lui ouvraient les portes de tous les activistes amsterdamois.
En 1994, Éric qui a toujours eu un temps d’avance sur nous tous fonde Paka, une association dont le but était « la promotion du chanvre et de ses dérivés, ses filières agro-industrielles, mais aussi son potentiel thérapeutique ou son inscription dans le cadre du débat pour la régulation de sa consommation récréative ».
Passionné par l’horticulture, il l’était aussi par la nourriture. Il se lance alors dans la production de barres de céréales à base de graines de chanvre et plus tard il s’inventera brasseur commercialisant sous le petit nom de Rudéralix une bière chanvrée.
En 1998, Éric ouvre la première boutique française consacrée au chanvre dans tous ses états : Chanvre et cie, laquelle a suscité de nombreuses vocations. Le succès est foudroyant. Pied de nez à la police et bras d’honneur aux prohibitionnistes, le magasin situé à Montreuil, se trouvait en face d’une gendarmerie.
Éric organisera plusieurs festivals du chanvre dont le dernier se déroulera dans une salle de la Cité des Sciences et de l’Industrie du parc de La Villette à deux pas de la pelouse où le CIRC se réunit chaque année pour fêter « l’ Appel du 18 joint ».
Éric avait de l’humour et des projets plein les poches. Il adorait provoquer et n’avait peur de rien. C’est ainsi qu’il crée une banque de graines (Grainaoizo) une première en France, les célèbres « graines à oiseaux de compétition qui mettent un coup de turbo dans vot’ moineau », graines qu’il vendait sous le comptoir de Chanvre et cie, boutique qui à ses heures fleurait bon le cannabis.
Difficile de parler d’Éric sans évoquer ses migraines qui le terrassaient et son rapport problématique avec l’alcool dont il abusait. Mais ce ne sont pas les souvenirs que nous en garderons. Éric était un pionnier, un ambassadeur (il nous a tant appris) d’un sujet cher à nos cœurs de militants : la cannabiculture.
Jean-Pierre Galland