Pour Les Républicains (LR), il y a la bonne et la mauvaise communication politique. Le déplacement du ministre de l’Intérieur, jeudi 21 mars dans le Rhône, serait à ranger dans la seconde catégorie. Paluches de policiers serrées, discours rodé sur la lutte contre le trafic de drogues, Gérald Darmanin conclut avec sa petite phrase qui claque avant de filer : «On doit taper encore plus fort, à la marseillaise.» Dans la foulée, Beauvau annonce le lancement de l’opération «Place nette XXL» à Lyon. Du «baratin», du «cinéma», matraque alors le patron de la droite, Eric Ciotti.
Bien ficelé
Six jours après Darmanin, c’est au tour de LR de venir montrer les muscles contre les dealers. Même département, autre ville : Oullins-Pierre-Bénite. En milieu de matinée, Eric Ciotti déboule dans un commissariat du centre-ville, avec Laurent Wauquiez et la tête de liste LR pour les européennes du 9 juin, François-Xavier Bellamy. Tout est bien ficelé. Le maire, Jérôme Moroge, est un lieutenant de Wauquiez au conseil régional, chef de file de la majorité. Face à une brochette de policiers, il assure : «Les dealers n’ont plus peur de rien ni de personne. Le trafic, c’est tous les jours, toute la journée. On a le soutien de la région, mais on se sent quand même seuls, démunis. […] On a besoin d’une réponse extrêmement forte de l’Etat.» En lice pour 2027, Wauquiez n’a plus qu’à acquiescer. Le maire réclame aussi la verbalisation des clients. Ça tombe bien, Ciotti reparle de sa volonté de «sanctionner les consommateurs». Cognant à son tour sur les «opérations de communication éphémères» de Darmanin, Bellamy avance, lui, son idée d’une «police européenne» contre le trafic de drogues.
Une petite heure plus tard, le convoi se fait déposer dans le quartier Haute-Roche, où la police municipale lutte contre quelques points de deal. Aux pieds des tours, quelques habitantes, membres d’une association locale venant en aide aux mères de famille, patientent. Avant de témoigner, face au petit attroupement, de leur vie quotidienne. «On a pris l’habitude de vivre avec [les dealers], soupire Khaoula Faivre. On a peur de faire des remarques, par peur des représailles, des voitures cassées.» La mère de famille s’interroge : «Les parents, ils sont où ?»
A Ciotti, elle répond par l’affirmative quant à l’idée de taper les familles au porte-monnaie. Du tout cuit pour LR, qui préconise de sucrer les allocations familiales aux parents de délinquants. «Il y a beaucoup plus de bon sens dans tout ce que vous avez dit que dans les politiques pénales menées ces dernières années», résume Wauquiez. Un communicant du parti se charge de filmer le témoignage d’une des femmes. Ciotti, Wauquiez, Bellamy et ses deux colistiers, Céline Imart et Christophe Gomart, marchent quelques mètres dans le quartier, puis s’expriment face aux caméras.
«Ce qui les intéresse, c’est l’argent facile»
Quelques minutes pour étriller le gouvernement en place et la liste Renaissance, conduite par Valérie Hayer, pour les européennes. Bellamy : «On est au cœur d’un quartier qui est gangrené par le trafic de drogue. On ne luttera pas contre le trafic de drogue avec de la communication.» «La tête de liste d’Emmanuel Macron a expliqué qu’à 90 %, elle votait la même chose que les socialistes à Bruxelles, martèle à son tour Wauquiez. Avec François-Xavier Bellamy, vous avez la possibilité d’avoir un message d’une droite solide, claire.» Eurosceptique en 2019 – il a longtemps voulu sortir de l’espace Schengen –, Wauquiez assure aujourd’hui «qu’on a besoin d’Europe, mais d’une Europe qui protège, avec des frontières. […] Contrairement à ce que pense le RN, ce n’est pas avec moins d’Europe qu’on y arrivera». Un journaliste de Quotidien lui demande au passage si tout cela ne ressemble à un exercice de com bien léché. Réponse de Wauquiez : «Je suis dans l’opposition et mon rôle, c’est de tirer les sonnettes d’alarme quand les choses ne se passent pas bien. […] Je ne suis ni président de la République, pour l’instant, ni ministre de l’Intérieur.»
En retrait, les mères de l’association regardent la scène. Elles racontent la vie dans le quartier, les jeux pour les enfants rénovés, les espaces verts. Les patrouilles, régulières, de policiers. «On vit bien, dit l’une d’elles, mais tout est sali par le trafic.» Investit dans la vie du quartier, Robert Faivre, 43 ans, connaît ces jeunes qui, dans les cages d’escalier, vendent de la drogue la nuit comme le jour : «Ces jeunes, on les a vus grandir. Mais ils n’ont pas de cadre. Ce qui les intéresse, c’est l’argent facile.» «Ils sont polis, ils aident à porter la poussette», raconte aussi une jeune femme. Les mêmes, poursuit-elle, affichent les tarifs de cocaïne sur des panneaux en bas des tours. En bas des barres HLM, on parle aussi de cohésion sociale, du rôle des associations, de l’insertion des jeunes par l’emploi. Les candidats LR, eux, repartent. La séquence politique emballée.
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