Le 1er décembre, Arnaud Daguin, ancien chef étoilé, expert en stratégie alimentaire, nous gratifiait d’une excellente chronique à l’occasion de l’émission On va déguster intitulée Plein champ sur le chanvre. Chronique cependant censurée par la rédaction de France Inter, mais que son auteur nous a gentiment communiqué pour publication. Un grand merci à lui !
Le Chanvre
L’avez-vous entendu, l’autre jour, ce fougueux serviteur de l’État ?
Celui qui a résumé en 5 lettres le joli nom du chanvre indien ?
Cet hommage au général Cambronne, en avez-vous apprécié le style ?
Le style, euh… comment dire ? Jean-Marie bigarré ?
Je cite : « Le cannabis c’est de la merde. On va pas légaliser cette merde. »
Aaah ! En voilà un cri qui vient de l’Intérieur !
Et bien moi, monsieur le ministre, je l’avoue publiquement, je suis scatophile ! Je suis coprophage !
Je suis usager du cannabis, ainsi que des millions de gens partout dans le monde Des gens qui ne sont ni punks à chien, ni zadistes à sarouel.
Cette merde, figurez-vous, a adouci les douleurs de mon père avant le grand plongeon et soulage depuis les insomnies de ma vieille maman.
Cette merde aide ma voisine à retrouver l’appétît entre 2 chimios, et parfois même à rire de se voir si chauve en ce miroir.
Mon père n’est pas Jimmy Hendrix, ma mère n’est pas Janis Joplin, ma voisine n’a rien d’Amy Winehouse.
Et pourtant tous ces gens bien comme il faut s’infligent quotidiennement cette merde.
Savez-vous qu’elle ne s’administre pas seulement via ces cônes puants que l’on fait tourner dans les chambres de bonnes ?
Elle s’applique en crème apaisante, s’ingère en gélule relaxante, s’inhale en vaporisation analgésique.
Elle se déguste aussi en petits gâteaux qui stimulent les rêves, allègent les pensées et même, bien souvent, ressuscitent la libido de nos ainés !
Il ne faut pas la balancer sans nuance dans les cabinets de la vertu et tirer sur elle la chasse de l’ignorance !
Interdire un produit, c’est mépriser les gens, c’est refuser d’instruire, c’est générer la peur, donc la violence.
Mais surtout, bien plus grave, la prohibition crée une économie dantesque et le crime organisé qui va avec.
De fait, le prohibitionniste est l’allié objectif du trafiquant. Et je me doute que les plus gros d’entre eux se félicitent tous les jours de votre fermeté car elle est le meilleur gage de leur prospérité.
Cette merde, pardon, cette plante était là bien avant nous, Monsieur le ministre, et il y a de fortes chances qu’elle nous survive.
Mais voilà, la connaissance des plantes, la botanique donc, ne s’enseigne plus à l’école.
Pourquoi ? Qu’y a-t-il de si dangereux à apprendre le Vivant ? Qu’y a-t-il de si menaçant dans le fait de connaître les vertus et les dangers des plantes ?
Ça serait bien pourtant que nos gamins sachent séparer le bon grain de l’ivraie, le CBD du THC.
Et surtout qu’ils aient en tête que le poison, c’est la dose. Correctement dosée, cette merde ne défonce pas la tronche, elle soigne.
Dois-je vous rappeler que de nombreux pays, et pas les plus merdiques, loin d’être gouvernés par Snoop Dog et Bob Marley, l’ont légalisée ?
Et puis, Monsieur le ministre, quand bien même vous persisteriez à maintenir l’ensemble des produits cannabiques dans l’illégalité, peu importe !
Ça pousse comme du chiendent ! On marche dedans ! Ça porte bonheur ! Alors monsieur le ministre je vous le dit tout net:
Nous autres darons et grands darons, leucémiques, insomniaques, éclopés….
Nous, la bande de délinquants à charentaises et cathéter, nous allons continuer à cultiver cette merde.
Sur nos balcons, entre le géranium et le canari, dans le jardinet de nos pavillons, derrière le massif d’hortensias et le puit en pneu, on fera pousser notre Jamaïque.
Redoute-t-on d’être hors la loi ? Pas vraiment !
Nous connaissons tous les gestes bucco-génitaux qui effacent les casiers judiciaires.
Et pour finir, Monsieur le ministre, je vais pomper… (toussotement) Je vais pomper mon ami Boris Vian :
Si vous nous poursuivez
Dites à vos gendarmes
Que nous n’aurons pas d’arme
Et qu’ils pourront tirer.
Arnaud Daguin