Un cadre fermé pour les coffeeshops : une étape historique
À partir du 7 avril 2025, les coffeeshops des dix municipalités participant à l’expérimentation néerlandaise de la chaîne fermée de production et distribution de cannabis ne pourront vendre que des produits provenant de cultivateurs réglementés et agréés. Cette décision marque une rupture majeure avec le système hybride précédent, qui tolérait encore des approvisionnements illégaux via la « porte de derrière ».
L’annonce officielle a été faite cette semaine à la Deuxième Chambre par le ministre de la Justice et de la Sécurité, David van Weel, et la secrétaire d’État à la Santé, au Bien-être et aux Sports, Vincent Karremans. Selon eux, cette phase, qui s’étendra sur quatre ans, vise à examiner les impacts sanitaires, criminels et sociétaux d’un modèle pleinement réglementé.
De brief over de wietproef die minister @davidvanweel en staatssecretaris @vincentkar vandaag aan de Kamer hebben gestuurd: ‘Voortgang Experiment gesloten coffeeshopketen en aanbieding onderzoeksrapport procesevaluatie’ https://t.co/7eQkI57UG1 pic.twitter.com/xANRGfoQuS
— VOC Nederland (@vocnederland) December 10, 2024
Une phase d’expérimentation pour bâtir l’avenir
L’expérimentation repose sur un dispositif gradué mis en place depuis décembre 2023. Les coffeeshops de Tilburg et Breda ont été les premiers à vendre du cannabis réglementé. En juin 2024, le dispositif a été élargi à huit autres municipalités, dont Groningen, Zaanstad et Nijmegen, offrant un cadre de transition où les produits réglementés coexistaient avec ceux issus de circuits non contrôlés. Cette approche progressive a permis d’établir un équilibre initial entre les différents acteurs impliqués.
En avril 2025, trois cultivateurs supplémentaires rejoindront les quatre déjà en activité, portant à sept le nombre total de fournisseurs. Cette augmentation vise à répondre aux critiques des coffeeshops, qui déploraient une diversité de produits encore limitée. L’objectif est clair : stabiliser la chaîne d’approvisionnement et renforcer l’offre pour satisfaire les besoins des consommateurs.
Les enjeux de l’expérience : santé, sécurité et société
Une commission indépendante sera chargée d’évaluer les résultats de cette phase. Les recherches porteront notamment sur :
- L’impact sur la santé publique, en évaluant la qualité et la traçabilité des produits;
- La réduction de la criminalité liée aux marchés illégaux;
- Les effets sur les nuisances communautaires et l’ordre public.
Le modèle toléré mais non réglementé des Pays-Bas a montré ses limites : instabilité des approvisionnements, rôle des réseaux criminels et opacité des circuits de distribution. Avec ce projet, le gouvernement souhaite démontrer qu’une chaîne réglementée peut offrir un modèle plus sûr et plus transparent.
Une inspiration pour la France ?
Cette initiative néerlandaise résonne particulièrement en France, où le débat sur la légalisation et la réglementation du cannabis reste bloqué par des positions conservatrices. Le CIRC (Collectif d’Information et de Recherche Cannabique) milite pour un modèle basé sur les libertés individuelles, la réduction des risques et l’élimination des marchés criminels.
L’expérimentation néerlandaise pourrait fournir des enseignements précieux pour les décideurs français :
- Santé publique : Assurer une qualité des produits via une production légale et traçable;
- Impact social : Réduire les stigmatisations et les discriminations, notamment à l’encontre des usagers;
- Criminalité : Montrer qu’une réglementation peut affaiblir les réseaux illégaux.
Le modèle néerlandais ne doit cependant pas être transposé à l’identique. Comme le souligne le CIRC, la France pourrait opter pour un système incluant l’autoproduction et la création de Cannabis Social Clubs, garantissant une démocratisation de l’accès tout en respectant les droits fondamentaux. Parmi les propositions du CIRC figure également le concept de Cannabistrots, des lieux de vente et de consommation qui s’inspirent des coffeeshops mais avec une identité française.
Un chemin semé d’embûches politiques
Malgré cette avancée, l’avenir de la politique néerlandaise sur le cannabis reste incertain. Le soutien politique est fragmenté : seul le VVD (Parti populaire pour la liberté et la démocratie) soutient pleinement l’initiative. Les partis d’opposition, comme le PVV ou le NSC, restent sceptiques, soulevant des questions sur la pérennité de ce modèle.
En France, cet exemple doit servir d’élément moteur pour relancer un dialogue politique constructif sur la légalisation du cannabis. La Marche Mondiale du Cannabis 2025 (le samedi 3 mai à Paris), co-organisée par le CIRC, sera l’occasion de rappeler que la prohibition est intrinsèquement criminogène et que seule une réglementation pragmatique peut répondre aux enjeux de santé publique et de sécurité.
Conclusion : un modèle en évolution
L’expérimentation néerlandaise représente une opportunité unique de bâtir un modèle de réglementation inspirant et efficace. Elle met en lumière les avantages d’une chaîne d’approvisionnement transparente et contrôlée, tout en révélant les défis liés à sa mise en œuvre.
Les résultats de cette initiative auront des répercussions bien au-delà des frontières néerlandaises. Ils pourraient non seulement transformer la politique sur le cannabis aux Pays-Bas, mais aussi offrir une feuille de route à d’autres nations, comme la France, qui hésitent encore à franchir le pas vers une légalisation responsable. Il revient désormais aux gouvernements, aux associations et aux citoyens de s’appuyer sur ces expériences pour construire un futur libéré des méfaits de la prohibition.
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