L’Union des industriels pour la valorisation des extraits de chanvre (Uivec) navigue dans le flou juridique en France.
Pour sa première année de légalisation en France, la récolte de fleur de chanvre a couvert 300 à 500 hectares. Une modeste moisson que les cultivateurs ont pourtant du mal à écouler.
Bien sûr, certaines têtes brûlées n’avaient pas attendu le feu vert du gouvernement. Mais officiellement, la première récolte de fleur de chanvre française a eu lieu cet été. Et elle a couvert entre 300 et 500 hectares, selon le tout jeune syndicat professionnel de la filière (Uivec). Une modeste récolte, plutôt bien répartie sur le territoire, que les cultivateurs ont pourtant du mal à vendre.
En apparence, ce ne sont pas les clients qui manquent. Selon l’Uivec, qui organisait son premier congrès mi-novembre 2022, six millions de Français auraient déjà testé le cannabidiol (CBD), molécule extraite de la fleur pour ses vertus supposées relaxantes. Le plus souvent sous forme d’huile ou de fleur brute, vendues en magasins spécialisés, bureaux de tabac ou pharmacies.
La grande distribution aurait même dopé le marché français ces derniers mois, en misant sur l’alimentation enrichie en CBD, notamment les boissons, rapporte l’Uivec. Le marché alimentaire pourrait ainsi devenir le principal débouché de la filière, selon les professionnels. Le chiffre d’affaires s’élevait déjà à 200 millions d’euros en 2021, et se dirigerait vers 300 millions en 2022.
Importations américaines
Dans ce cas, pourquoi les agriculteurs français ont-ils du mal à écouler leur marchandise ? D’abord parce qu’elle est concurrencée par les importations américaines, des isolats de CBD « trois à quatre fois moins chers »,
indique l’Uivec. Pour y faire face, le syndicat travaille, notamment avec Interchanvre et l’Afnor, à la création d’un label de CBD français, qui miserait sur une qualité et une traçabilité supérieures.
Ensuite parce que la filière navigue dans le flou juridique, qui gêne davantage les opérateurs français – souvent nouveaux sur ce marché en raison de l’autorisation tardive dans l’Hexagone – que les entreprises étrangères – déjà bien installées dans leurs pays, où le CBD est parfois commercialisé depuis plusieurs années, comme aux États-Unis.
En France, deux décisions sont attendues : le Conseil d’État doit se prononcer dans les prochaines semaines sur la légalité de l’arrêté de décembre 2021 qui a autorisé la récolte de fleur de chanvre et la commercialisation de CBD en France. Et d’ici deux à trois ans, l’Autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa) doit statuer sur les demandes d’autorisation de la molécule comme ingrédient alimentaire.
En attendant, la présence de CBD dans des boissons ou autres gommes est réputée tolérée. Pour rassurer la filière, « des mesures transitoires »
sont en cours de négociation avec l’administration française, selon l’Uivec. Son président, Ludovic Rachou, a bon espoir d’obtenir une « doctrine de contrôle »
pour 2023.
Pour l’heure, les entreprises agroalimentaires restent très prudentes face à la première moisson de fleurs françaises. « En l’absence de cadre réglementaire stable, il est difficile de s’engager auprès d’un agriculteur »,
a expliqué Claire Guignier, responsable affaires publiques du Synadiet (compléments alimentaires), lors du congrès de l’Uivec.