La France va autoriser les produits à base de CBD, la molécule non psychotrope du cannabis, mais elle va maintenir l’interdiction de la vente des fleurs. Pour les acteurs de la filière en Creuse, c’est l’incompréhension.
Publié le 26/05/2021
Il est le précurseur de la culture de cannabis bien-être en Creuse : Jouanny Chatoux, cet agriculteur de Pigerolles qui s’est lancé en 2017 dans la culture de chanvre à visée thérapeuthique, ne cache pas sa déception face au projet de nouveau décret : « Nous, on le prend très mal, car ce décret ne prend pas du tout en compte le travail de la commission parlementaire de Jean-Baptiste Moreau, qui avait fait vingt propositions pour mettre en place une vraie filière de cannabis bien-être en France. Ce décret est à contre-courant du sens de l’histoire ! »
Oui aux produits dérivés du CBD, non aux fleurs
En novembre dernier, la Cour de justice de l’Union européenne avait invalidé l’interdiction française de ce « cannabis light », au nom de la libre circulation des marchandises. Les juges avaient considéré que le CBD – la molécule non psychotrope du cannabis – n’est pas un stupéfiant et que Paris ne pouvait pas interdire la vente de plantes et de produits autorisés dans d’autres pays d’Europe.
Depuis six mois, la nouvelle réglementation était en cours de réécriture. C’est désormais officiel : la France va autoriser les produits à base de CBD (aliments, huiles, cosmétiques, e-cigarettes, etc…), à condition que leur teneur en THC soit inférieure à 0,2%.
Mais – et pour les acteurs de la filière, c’est bien le problème – la France prévoit de maintenir l’interdiction de la vente des fleurs brutes de cannabis, pour des raisons d’ordre public, au motif qu’il est impossible de déterminer sans analyse leur composition.
Un manque à gagner
Pour Jouanny Chatoux, qui a réalisé en septembre dernier sa deuxième récolte de cannabis, sans avoir encore l’autorisation de l’exploiter, l’obligation de transformer la fleur pour la vendre représente un manque à gagner considérable : « Ce qu’on nous propose, c’est une filière destinée à la production industrielle de molécules et pas une filière française de qualité avec des produits sains et bio, et la possibilité pour les agriculteurs de faire des marges. On ne sera pas en position de lutter avec nos voisins européens. »
Le président de la communauté d’agglomération du grand Guéret, Eric Correia, farouche défenseur du cannabis bien-être et thérapeutique, considère cette nouvelle réglementation comme une injustice à l’échelle européenne : « On dit : ça suffit ! Il faut que l’on puisse faire en France ce qui se fait déjà dans 21 pays européens, c’est-à-dire planter, transformer la fleur, mais aussi la vendre comme ça. Car aujourd’hui le cannabis thérapeutique ou bien-être doit pouvoir se prendre sous quelque forme que ce soit. L’inhalation de la fleur de cannabis, par exemple, permet d’apaiser de fortes douleurs en moins d’une minute. »
Le CBD aura pignon sur rue
La nouvelle réglementation française aura au moins le mérite de clarifier la situation des nombreuses boutiques qui ont vu le jour ces derniers mois, mais exerçaient jusqu’ici dans le flou en risquant des poursuites judiciaires. Un commerçant de Limoges avait été poursuivi pour « trafic de stupéfiants » et frôlé la fermeture, avant qu’intervienne la décision de la Cour de justice de l’Union européenne rendant illégale l’interdiction du CBD.
Ces boutiques devraient donc, désormais, avoir pignon sur rue. Même si pour Fanny Brigeon, responsable de l’ « OCBD shop » de Guéret, l’interdiction de vendre des fleurs séchées pour des tisanes par exemple représente là-aussi un manque à gagner : « Cela représenterait une perte de chiffre d’affaire de 70% environ, des produits en moins à pouvoir proposer aux clients qui cherchent à consommer des choses douces comme des tisanes, ou cuisiner la plante. C’est quand même une grosse perte. »
Le chemin semble donc encore long avant de pouvoir parler d’une véritable filière du cannabis bien-être en France, et notamment dans la Creuse.
Source : France3-régions.francetvinfo.fr