Quand l’usage du guano de chauve-souris devient mortel : un avertissement pour les cultivateurs de cannabis.
Deux hommes sont morts après avoir inhalé des spores de champignons présents dans du guano de chauve-souris utilisé comme fertilisant pour cultiver du cannabis. Ces décès soulèvent des inquiétudes quant à la sécurité du guano naturel et des engrais disponibles dans le commerce, y compris en Europe et en France, où la culture du cannabis, bien que strictement interdite, attire de plus en plus d’adeptes, notamment pour des usages personnels ou médicaux.
Un risque également présent en Europe
En France et en Europe, l’histoplasmose reste rare mais non absente, notamment dans certaines régions où des colonies de chauves-souris abondent ou où les sols peuvent être contaminés par des déjections animales. Les spores du champignon Histoplasma capsulatum peuvent se retrouver dans des engrais naturels importés ou locaux, particulièrement lorsqu’ils ne sont pas correctement traités ou contrôlés.
Qu’est-ce que l’histoplasmose ?
L’histoplasmose est une maladie fongique causée par Histoplasma capsulatum, souvent associé aux sols enrichis par des excréments d’oiseaux ou de chauves-souris. Bien que cette maladie soit plus fréquente en Amérique, elle est aussi présente en Europe, en particulier dans les zones humides ou près de grottes abritant des colonies de chauves-souris. Les symptômes varient de troubles respiratoires bénins à des formes graves voire mortelles, notamment chez les personnes immunodéprimées.
Les deux décès signalés aux États-Unis illustrent les dangers potentiels liés à l’utilisation de fertilisants naturels, une pratique qui gagne également en popularité en France dans les cercles d’agriculture biologique et de permaculture, mais qui reste peu documentée en termes de risques sanitaires.
Updated graphic: Over 21,000 cases of coccidioidomycosis, histoplasmosis, & blastomycosis were reported in the US in 2019. These fungal diseases cause severe illness and may be more likely to affect men & people in some racial or ethnic groups. Learn more: https://t.co/GSSmmkJFRX pic.twitter.com/pbOqp4KKIT
— CDC (@CDCgov) September 2, 2022
Les détails des cas américains
- Premier cas : un homme de 59 ans, résidant à Rochester (New York), a acheté du guano de chauve-souris en ligne pour fertiliser ses plants de cannabis. Après avoir inhalé des spores de champignons présents dans le guano, il a développé une histoplasmose, une forme de pneumonie causée par Histoplasma capsulatum. L’homme souffrait déjà d’emphysème, une maladie pulmonaire chronique, et était un gros fumeur de tabac et de cannabis. Malgré un traitement antifongique à l’hôpital, il est décédé des suites de l’infection.
- Deuxième cas : un homme de 64 ans, également résident de Rochester, a été exposé à du guano trouvé dans son propre grenier après une infestation importante de chauves-souris. Prévu pour être utilisé comme fertilisant, ce guano contenait des spores du champignon Histoplasma capsulatum. Cet homme, également un gros fumeur avec des antécédents de maladies pulmonaires, a succombé à une histoplasmose disséminée malgré des traitements antifongiques.
Les chercheurs ont noté que ces deux cas marquent une tendance inquiétante, où le guano de chauve-souris est de plus en plus utilisé comme fertilisant dans la culture de cannabis, encouragée par des articles vantant ses propriétés comme un « superaliment naturel » pour les plantes.
Lire l’article de Forbes sur le sujet
Le guano de chauve-souris : un fertilisant naturel mais risqué
Le guano de chauve-souris est apprécié pour sa richesse en azote, qui favorise la croissance des plantes. Il améliore la structure des sols, stimule l’activité microbienne et optimise l’absorption de l’eau et des nutriments. En outre, il réduit les risques de champignons foliaires, encourage la production de résine et revitalise les sols. Il est également associé à des saveurs plus complexes dans le cannabis comparé aux engrais synthétiques.
Cependant, les spores d’Histoplasma capsulatum peuvent se développer dans le guano, entraînant des risques graves pour les cultivateurs, en particulier ceux dont le système immunitaire est affaibli.
Recommandations pour les cultivateurs français et européens
Le Collectif d’Information et de Recherche Cannabique (CIRC) appelle les cultivateurs, amateurs ou professionnels (CBD), à la prudence et préconise les mesures suivantes :
- Favoriser des sources certifiées : s’assurer que le guano de chauve-souris ou tout autre biofertilisant provient de fournisseurs garantissant des produits exempts de pathogènes grâce à des traitements thermiques ou chimiques adaptés.
- Équipement de protection individuelle : toujours porter des masques de type FFP2 ou FFP3, des gants et des lunettes lors de la manipulation de guano pour éviter l’inhalation de spores ou le contact direct avec la peau.
- Utilisation en extérieur ou dans des zones ventilées : manipuler le guano dans des espaces bien aérés pour minimiser l’exposition.
- Alternative aux biofertilisants risqués : privilégier d’autres engrais organiques locaux, comme le compost de qualité, les fumiers bien décomposés ou des engrais verts.
- Formation et sensibilisation : informer les cultivateurs sur les risques potentiels liés aux biofertilisants, notamment dans le contexte de la prohibition actuelle en France, en partenariat avec les institutions agricoles et environnementales. Cette sensibilisation est d’autant plus cruciale que le cadre légal complique l’accès à une information claire et à des produits sécurisés.
- Suivi médical adapté : les cultivateurs souffrant de maladies respiratoires chroniques ou utilisant des immunosuppresseurs, confrontés aux restrictions imposées par la législation prohibitive en France, devraient envisager des solutions pour un suivi médical sécurisé. Cela inclut l’utilisation de services de téléconsultation anonyme, le recours à des associations spécialisées pour un relais d’information médical, ou encore la sollicitation d’intermédiaires médicaux capables de garantir la confidentialité. De telles approches visent à prévenir les complications de santé tout en minimisant les risques légaux associés à leur activité.
Un cadre réglementaire nécessaire
Le CIRC souhaite encourager une meilleure réglementation des produits fertilisants en France, dans le contexte de l’augmentation notable de la cannabiculture malgré la prohibition. Il propose notamment des tests obligatoires pour les produits importés ou commercialisés, une certification des engrais naturels exempts de champignons pathogènes, ainsi qu’un renforcement des contrôles pour assurer la sécurité sanitaire. Cette démarche est particulièrement cruciale dans un cadre légal restrictif qui rend difficile pour les cultivateurs d’accéder à des informations fiables.
Conclusion
Bien que le guano de chauve-souris soit une ressource naturelle précieuse pour les cultivateurs, son utilisation comporte des risques sanitaires sous-estimés. Ces deux cas tragiques rappellent l’importance de protéger les utilisateurs et de réglementer les biofertilisants afin de prévenir de telles issues fatales. Une vigilance accrue et une meilleure éducation des cultivateurs sont indispensables pour conjuguer agriculture naturelle et sécurité
Références:
Sudnik, P., Passarelli, P., Branche, A., Giampoli, E. J., & Louie, T. (2024). Histoplasmosis Associated with Bat Guano Exposure in Cannabis Growers: Two Cases. Open Forum Infectious Diseases.
https://doi.org/10.1093/ofid/ofae711
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