Député La République en Marche de la Creuse et agriculteur de profession, Jean-Baptiste Moreau conduit une mission d’information parlementaire (Danièle Obono et Robin Reda) sur le cannabis. Le marcheur n’hésite pas à bousculer les idées reçues. Interview.
Paris Match. Pourquoi êtes-vous favorable à la légalisation du cannabis ?
Jean-Baptiste Moreau. On ne peut plus être dans le statu quo. La pratique en France est la plus élevée d’Europe alors qu’on a la politique la plus répressive. Ce qui est dangereux, c’est de consommer tout et n’importe quoi. Il faut mettre en place une vraie politique de prévention des produits légaux et sortir du dogme répressif. On a essayé la prohibition, c’est un échec. Aujourd’hui il faut changer cela et sortir des idées conservatrices.
A quoi sert cette mission parlementaire ? Sur quoi va-t-elle déboucher ?
Il va y avoir un rapport rendu début avril. Nous ferons un certain nombre de propositions. Mais avant tout, il faut un vrai débat de société. Légalisation ne veut pas dire dérégulation. D’ailleurs, je suis favorable à l’interdiction aux mineurs.
Pourquoi souhaitez-vous que ça reste interdit aux mineurs ?
Parce que c’est une drogue et que le cannabis a des effets catastrophiques sur des cerveaux en formation. Ça peut déclencher de la schizophrénie. Il y a un danger réel sur la consommation régulière et addictive, chez les adolescents.
Est-ce qu’en parler, ça fait vraiment avancer le débat ?
C’était le but de cette mission de donner des arguments réels et avoir des éléments objectifs pour avoir un débat apaisé au niveau de la société. Le courage politique, c’est d’évoluer sur la légalisation pour mieux contrôler et mieux préserver la santé publique.
Est-ce que vous vous appuyez sur des exemples à l’étranger ?
Oui le Colorado, le Canada, l’Uruguay, mais aussi le Portugal et la Suisse. Et les Pays-Bas, bien sûr. Au Colorado, on a assisté à une diminution de la consommation des mineurs depuis que c’est légalisé. Certes, la consommation globale chez les majeurs a augmenté, mais chez les mineurs, elle a baissé. Avec une légalisation, on pourrait avoir des politiques de santé publique à l’image de ce qu’on a pour le tabac ou pour l’alcool. Le but n’est pas de faire consommer du cannabis à tout le monde, mais de mieux contrôler. On a aussi un enjeu de sécurité. Cette économie parallèle du cannabis a créé un ordre public tout aussi parallèle avec des dealers et des trafiquants qui tiennent des quartiers. Les habitants se retrouvent otages de cette situation avec de l’insécurité et de la délinquance dans les halls d’immeubles.
Comment s’est passée votre collaboration avec vos collègues députés et néanmoins concurrents politiques ?
C’est une mission transpartisane. Cette préoccupation et cette volonté de sortir de la politique de l’autruche sont partagées par tous les partis, y compris à droite, puisque le président de la mission est Robin Reda, député LR. Nous avons très bien travaillé ensemble.
On pourrait très bien évoluer sur le cannabis thérapeutique et sur le CBD
La légalisation du cannabis sera-t-elle au programme du candidat Macron en 2022 ?
Je plaide pour ça. Mais on n’a pas encore commencé à travailler sur le programme de la prochaine présidentielle.
A titre personnel, avez-vous changé d’avis sur la question ?
Je n’étais pas favorable à la légalisation. Je ne dirais pas que j’étais contre, mais je n’avais pas forcément d’avis. J’ai mieux compris les enjeux. Et j’ai donc évolué dans ma façon de voir les choses.
Pourquoi est-ce à ce point un sujet tabou dans la classe politique ?
C’est une bonne question. Il y a toute une mythologie qui dit que c’est mal. On ne sait pas pourquoi, mais c’est mal. On pourrait très bien évoluer sur le cannabis thérapeutique et sur le CBD (cannbidiol, un cannabis sans THC, donc sans psychotrope) sans pour autant légaliser le récréatif. Mais vous avez raison, on fait une différence irrationnelle avec l’alcool par exemple. L’argument qu’on me donne est que l’alcool est culturel, mais pas le cannabis. Donc que le cannabis est dangereux. Alors que les deux en consommation addictive ont des dégâts catastrophiques.
Vous êtes élu d’un département rural (la Creuse), comment les habitants ont-ils accueilli votre proposition ?
L’opinion est partagée, comme au niveau national.
Pensez-vous que le cannabis peut devenir une nouvelle manne pour les agriculteurs ?
Oui, pourquoi pas. Ça pourrait être une source de diversification, notamment le cannabis bien être.
Avez-vous déjà consommé du cannabis ?
Oui, de façon occasionnelle, quand j’étais jeune. En soirée par exemple. Mais jamais de façon régulière.
Source : Parismatch.com