Pionnière dans l’exportation de cannabis de contrebande dans les années 1960-1970, elle entend désormais s’emparer du marché légal.
Dans les serres de Clever Leaves, vêtu·es de blouses et de gants en caoutchouc, une casquette vissée sur la tête, les employé·es s’affairent : elles arrosent, taillent et coupent des plants de cannabis, qui atteignent généralement une hauteur d’un mètre cinquante avant la récolte. Les fleurs seront par la suite séchées puis broyées, afin de donner une poudre qui sera transformée dans un laboratoire en huiles, en essences ou en cristaux.
Depuis 2016, le gouvernement colombien a légalisé la marijuana à des fins médicales, et les entreprises comme Clever Leaves (« Feuilles intelligentes ») fleurissent sur le marché. Avec seize hectares de plantations de cannabis dont elle entend étendre la superficie jusqu’à quatre-vingt d’ici 2021, la jeune compagnie cherche à se tailler une place sur le marché mondial.
De la contrebande aux industries pharmaceutiques
Si l’exportation de produits vers les États-Unis reste illégale, le Canada ou la Grande-Bretagne sont des destinations de choix. Surtout, la Colombie est un terrain propice pour la culture de cannabis, et ce pour des raisons aussi bien historiques que géographiques.
Proche de l’Équateur, le pays bénéficie de douze heures de soleil par jour, ce qui allège considérablement les charges en matière d’éclairage artificiel que doivent assumer les autres pays producteurs. La terre coûte peu cher, de même que la main d’œuvre, et celle-ci est encore abondante en travailleur-euses agricoles qualifié-es – culture des drogues oblige.
Dans les années 1960-1970, le cannabis de contrebande, principalement cultivé dans les montagnes de la Sierra Nevada, près de la côte des Caraïbes, était exporté par tonnes aux États-Unis. Les années 1980 et 1990 lui avaient préféré la cocaïne, Pablo Escobar changeant son fusil d’épaule, mais avec la légalisation du cannabis à usage thérapeutique, un nouveau marché, cette fois-ci bien légal, s’est ouvert.
Investissement et exportation
Au sein de l’Association colombienne des industriels du cannabis, Asocolcanna, vingt-neuf sociétés ont déjà investi plus de 600 millions de dollars (environ 540 millions d’euros) pour construire des infrastructures liées à culture du cannabis à fins médicales.
Cette situation attire également des investisseurs étrangers, comme Khiron, une entreprise canadienne fondée en 2017 et basée à Bogota, qui possède également des plantations au Chili et en Uruguay. La bureaucratie colombienne demeure néanmoins un obstacle non négligeable, l’obtention des permis et des licences appropriées pouvant prendre des mois voire des années.
Pour Julián Wilches, cofondateur de Clever Leaves, ce nouveau rayonnement mondial de la Colombie en matière de drogues médicales et légales change les modèles habituels, selon lesquels « les produits pharmaceutiques venaient toujours du Nord, pour aller vers l’Amérique du Sud, l’Afrique et l’Asie ». Avant 2016, il travaillait pour le ministère de la Justice, dans la lutte contre l’industrie des stupéfiants illégaux.
Source : Slate.fr