Depuis quelques années, le chanvre connaît une belle renaissance. La plante intéresse à nouveau de nombreuses filières dans différents domaines. Pour faire face à la problématique du réchauffement climatique, on exploite le chanvre qui consomme peu d’eau : il est employé dans l’alimentation humaine et animale, dans le textile, pour les cosmétiques, pour le papier et même dans la fabrication de matériaux de construction. La culture du chanvre fait partie des exploitations agricoles les plus respectueuses de l’environnement. En Bretagne, certains agriculteurs sont devenus des précurseurs.
Nombreuses sont les personnes qui, lorsqu’elles entendent parler du chanvre, pensent à la « fumette » et c’est certainement de là que vient la confusion autour de la plante et sa mauvaise réputation. On est loin de connaître ses multiples utilisations et ses nombreuses qualités. Le chanvre (Cannabis sativa) est une plante de la famille des Cannabaceae. Il est, en effet, souvent confondu avec le cannabis, car si les effets sont différents ils sont tous deux extraits de la même plante.
Le chanvre est une plante très ancienne que l’homme utilise depuis des milliers d’années. Très cultivé au XIXe siècle, il occupait une place de choix dans les cultures françaises et couvrait à peu près 176 000 hectares en 1840, principalement pour la confection des vêtements, des cordages et des voiles. Il a été peu à peu délaissé au cours du XXe siècle principalement pour deux causes : d’une part en raison de la concurrence que lui a fait le coton, d’autre part car la réglementation autour du cannabis est devenue de plus en plus importante. Sa culture avait quasiment disparu en France. Pour bien se représenter les écarts de production, il faut se rappeler que 170 000 hectares de chanvre étaient cultivés en moyenne au XIXe siècle en France, contre 600 hectares au plus bas au cours des premières décennies du XXe siècle. En 2016, la production française était remontée à 15 000 hectares.
De nos jours, les nombreuses utilisations du chanvre répondent à nos besoins quotidiens primaires : manger, se soigner, s’habiller, se loger, etc.
Le chanvre fabrique de la matière végétale rapidement, ce qui en fait une ressource renouvelable intéressante et la richesse du règne végétal. Avec un cycle court, soit quatre ou cinq mois maximum, sa culture est écologique car la plante est robuste, ne réclame que très peu d’eau et ne demande aucun pesticide ou produit chimique pour sa croissance.
La plante est appréciée en diététique, car elle contient des acides gras rares. Après l’extraction de l’huile, il reste le tourteau pour la consommation du bétail, aussi riche en protéine que le soja. Les graines de chanvre contiennent des oméga-3 et des oméga-6, et réduisent donc les maladies cardiovasculaires et le cholestérol tout en renforçant le système immunitaire. L’huile de chanvre s’utilise dans la cuisine, mais aussi en cosmétique principalement pour les soins du visage et des cheveux.
Dans la fabrication de tissus, les qualités du chanvre sont très recherchées : il est confortable, respirant, antibactérien, antiallergique, résistant aux UV, à la chaleur et à la lumière. Pour les articles de couchage, il offre également une thermorégulation naturelle pour un sommeil confortable.
Dans le domaine de l’éco-construction, le chanvre fait partie des matériaux isolants grâce à sa faible conductivité thermique. La plupart du temps, il est conditionné en panneaux ou en rouleaux : la laine de chanvre s’utilise pour isoler les murs, le toit et les sols.
Cette année, la communauté de communes de Bourges (18) se lance sur un gros chantier de 80 hectares : après avoir sensibilisé les architectes à cet isolant performant et naturel, les entreprises s’attèlent au béton de chanvre utilisé sur les murs extérieurs ou intérieurs, projeté comme un crépi.
Dans l’Ouest de la France, la demande de culture de chanvre augmente. La culture du chanvre est en pleine expansion en Bretagne. On est passé de 150 hectares cultivés à 600 entre 2012 et 2020 et à 800 hectares cultivés en 2022.
A Châteaubourg en Ille-et-Vilaine, Michel Blin est agriculteur. Il cultive le chanvre depuis plus de 20 ans. En 2010, il n’y avait que quatre agriculteurs bretons à oser se lancer dans cette culture.
Au départ, c’est surtout par curiosité et aussi pour l’intérêt agronomique de la plante et la rotation des cultures que Michel Blin se lance dans cette production biologique. Il ne cultive que les graines et les tiges, car la récolte des fleurs est interdite dans notre pays. Pour lui, la culture du chanvre n’est pas bien compliquée car elle est rustique : facile à semer ; le chanvre tolère bien la sécheresse grâce à son système racinaire profond, pivotant et fasciculé. A titre de comparaison, pour un kilogramme de coton il faut utiliser au minimum 5 200 litres d’eau, alors que pour un kilogramme de fibres de chanvre sa consommation est évaluée entre 300 à 500 litres d’eau. Michel Blin y a trouvé un vrai intérêt financier : la graine est le premier et principal rapport : elle est utilisée dans l’alimentation ; il y a aussi la paille qui est utilisée pour l’isolation, en plasturgie et en papèterie, transformée par exemple en billets de banque ! Qui l’aurait cru ?
A Quimper dans le Finistère, Pierre-Yves Normand défend l’usage du chanvre et préside depuis une vingtaine d’années l’association Bretagne Chanvre Développement.Il connaît tous les secrets de cette plante qui le passionne ! Il confie, qu’outre toutes les réalisations conçues avec le chanvre, une dizaine d’agriculteurs presse les graines récoltées pour en faire de l’huile, vendue ensuite sur les marchés du Sud Finistère et que ces Finistériens travaillent en partenariat avec la brasserieTri Martelod de Concarneau (29) pour brasser 5000 litres de la bière au chanvre : Startigen.
L’association renseigne aussi que parmi les autres molécules du chanvre, on trouve le CBD (cannabidiol) et pour ne pas faire d’amalgame, elle explique que le cannabidiol n’a pas d’effets psychotropes démontrés mais présente des propriétés antalgiques et anti-inflammatoires, apaisantes et relaxantes.
A Gouarec dans les Côtes d’Armor, Christophe Latouche est artisan chanvrier depuis 1998, gérant de L-Chanvre SAS, spécialisé dans la transformation artisanale de la graine de chanvre, plus spécifiquement pour l’alimentation humaine. Dans une première partie, le transformateur effectue sur place le stockage, le séchage et la transformation des graines. Il obtient de la farine, du chocolat, de l’huile, etc. La seconde phase consiste à assurer l’approvisionnement de cette matière première avec la mise en place de contrats d’investissements car la Bretagne et le Grand Ouest disposent de tous les atouts favorables à cette dynamique.
Lajeune bretonne Laure Bouguen a quant à elle développé une gamme de soins cosmétiques baptisée Ho Karan (en français = Je vous aime). Elle s’est installée à Nantes.
Son activité a démarré en 2015 avec une gamme réservée aux hommes. Au fil du temps, l’offre s’est étendue à un large panel pour les femmes : des savons, des déodorants, des crèmes pour le visage apaisantes, des crèmes contour des yeux et des huiles essentielles de chanvre. Elle utilise justement l’huile de chanvre pressée par l’entreprise L’Chanvre SAS, de Gouarec. Tous les produits sont élaborés dans un laboratoire professionnel à Nouvoitou (35), près de Rennes. Laure Bouguen est porte-parole au Syndicat Professionnel du Chanvre.
A Briec dans le Finistère, Robin Dubray s’est aussi lancé dans la culture du chanvre, tout récemment en automne 2022. Son objectif est de créer des tisanes et des thés à base de chanvre. Sa variété de chanvre est tout à fait légale puisqu’elle ne dépasse pas la concentration de 0,3 % de tétrahydrocannabinol, la substance psychoactive du cannabis. D’ailleurs, avant ses semis, le cultivateur avait renseigné la gendarmerie sur son activité dans le champ, propriété de ses parents !
Grenn Care, à Ploërmel dans le Morbihan, est une boutique spécialisée dans la vente de produits à base de Cannabidiol (CBD), cette molécule issue du chanvre. Ouvert en 2021, elle rencontre beaucoup d’adeptes. Tous les produits CBD sont naturels et ne dépassent pas 0,2 % . Ils respectent la législation en vigueur. Le magasin propose à la vente : des infusions : thés et tisanes ; du miel breton ; des liquides pour cigarettes électroniques ; des huiles CBD qui peuvent être utilisées au quotidien. L’huile se dépose sous la langue une minute. Elle ne génère ni addiction, ni accoutumance.
La boutique propose aussi des huiles et des shampooings pour chiens. « Souvent stressés, les chiens aussi ont besoin, comme nous, de se détendre ! Cela calme leur peur ou leur agressivité ! » On y apprend que le chanvre peut soulager également certaines douleurs physiques, comme les douleurs musculaires, la fibromyalgie et qu’il stimule la motricité gastro-intestinale.
Le Syndicat Professionnel du Chanvre rappelle que l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) a déjà statué sur le fait que le CBD naturel (cannabidiol) n’était pas un produit stupéfiant ni dopant. Cependant la Commission Européenne a décidé de réévaluer son statut et pourrait classer le CBD naturel en produit stupéfiant alors que tout le monde est bien d’accord pour affirmer qu’il n’est pas psychotrope. Seuls les laboratoires pharmaceutiques pourraient alors commercialiser du CBD naturel !
Une campagne de communication avec le syndicat sera prochainement lancée pour mobiliser l’opinion public…
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