Publié le 8 Septembre 2020 | Par Christophe Caron
La comédienne bouscule son image en incarnant une interprète collaborant avec la police qui met la main sur 1,5 tonne de résine de cannabis et s’improvise avec talent dealeuse en chef sur la place parisienne. Une comédie policière enlevée qui se hisse au-dessus de la moyenne. Grâce à son actrice.
On l’attendait ce film. D’abord parce qu’il a su se faire désirer. Le nouveau long-métrage de Jean-Paul Salomé (Arsène Lupin, Les Femmes de l’ombre) est de ceux dont la sortie a été reportée à la dernière minute pour cause de Covid, en mars (La Daronne devait sortir le 25).
On l’attendait aussi parce qu’on avait très envie de voir Isabelle Huppert, comédienne immense mais parfois caricaturée pour sa raideur, dans un rôle qu’on nous promettait fantasque et drôle à souhait.
Bilan ? Mission accomplie pour Patience Portefeux, du nom de ce personnage ambivalent tiré d’un roman de Hannelore Cayre, qui cosigne ici le scénario. Il faut dire qu’elle détonne un peu, cette interprète judiciaire en langue arabe qui collabore consciencieusement avec la police (elle entretient d’ailleurs une liaison avec l’officier, Hippolyte Girardot) mais en gardant une irrépressible envie d’ailleurs. Comme la réminiscence d’un passé idéalisé et déjà pas tout à fait honnête.
En plus, elle connaît une galère financière qui l’empêche d’offrir le meilleur à sa mère, condamnée à l’EHPAD parce qu’elle perd la tête (Liliane Rovère). Le salut va prendre la forme d’un stock d’1,5 tonne de résine de cannabis, retrouvé grâce au flair d’un chien-flic à la retraite qu’elle extirpe de son chenil. La « galérance » elle est finie, bonjour la double vie ! Notre auxiliaire des forces de police continue de traduire (à sa manière tant qu’à faire) les écoutes des crapules parisiennes tout en organisant un vaste trafic de stups qui rend fou son propre amant… et fait tourner la tête de trafiquants décidément bien nigauds !
Évidemment, il ne faut pas regarder de trop près certains rebondissements (on va vraiment sur le parking de Fleury-Mérogis pour écouler sa cargaison de drogue ?). Nous sommes plutôt dans une forme de fantaisie immorale à laquelle Isabelle Huppert, en djellaba stylée et foulard bigarré, donne une épaisseur qui permet au film de se hisser au-dessus de la moyenne des comédies françaises.
Entre les Galeries Lafayette et Barbès, la star parvient à communiquer tout le plaisir qu’elle a pris à interpréter une dealeuse en chef roublarde en quête d’échappatoire. Pas de quoi devenir accro, mais une bonne dose d’air frais quand même.
«La Daronne»***
Réalisateur. Jean-Paul Salomé.
Interprètes. Isabelle Huppert, Hippolyte Girardot, Farida Ouchani, Liliane Rovère…
Durée. 1 h 46.
Genre. Comédie policière.
Résumé. Patience Portefeux est interprète judiciaire franco-arabe, spécialisée dans les écoutes téléphoniques pour la brigade des stups. Lors d’une enquête, elle découvre que l’un des trafiquants n’est autre que le fils de l’infirmière dévouée qui s’occupe de sa mère. Elle décide alors de le couvrir et se retrouve à la tête d’un immense trafic. Cette nouvelle venue dans le milieu du deal est surnommée par ses collègues policiers « La Daronne ».
Oui, Isabelle Huppert nous a déjà fait (sou)rire…
Elle le sait, Isabelle Huppert renvoie parfois l’image d’une femme froide voire tranchante. Pas l’incarnation de la frivolité. Pourtant, l’autre daronne du cinéma français (avec Catherine Deneuve) nous a déjà donné le sourire au cinéma même si la gaudriole n’a jamais été son rayon. Quelques exemples.
Les Valseuses (1974). La toute jeune Isabelle Huppert qui plante ses parents en plein pique-nique au bord de la route pour monter dans la DS du trio Depardieu/Dewaere/Miou-Miou, c’est quand même quelque chose…
La Femme de mon pote (1983). Huppert entre Coluche et Thierry Lhermitte : drôle de trio amoureux sur les sommets enneigés. Chez Bertrand Blier, le rire se fait jaune.
Sac de nœuds (1985). Elle se fait vamp en cavale pour Josianne Balasko.
Huit femmes (2002). Disons plutôt comédie policière. N’empêche qu’il y a de la fantaisie dans ce film choral chanté réalisé par François Ozon.
Les Sœurs fâchées (2004). Le face-à-face explosif entre Isabelle Huppert et Catherine Frot.
Mon pire cauchemar (2011). Une bourgeoise coincée voit surgir dans sa vie un voyou rustique (Benoît Poelvoorde). Ça fait boum.
Madame Hyde (2017). Frappée par une décharge électrique, une prof change de personnalité. Comédie fantastique… pour le coup pas très drôle. C C.