Depuis des décennies, la France poursuit une politique prohibitionniste visant à éradiquer le trafic et la consommation de stupéfiants. Malgré des investissements considérables en termes de ressources humaines et financières, cette stratégie ne cesse de montrer ses limites, engendrant des conséquences contraires aux objectifs affichés : augmentation de la violence, émergence de substances toujours plus dangereuses et dilution des ressources publiques. Un rapport récent de la Cour des Comptes intitulé « L’OFAST et les forces de sécurité intérieure affectées à la lutte contre les trafics de stupéfiants » met en lumière l’ampleur de ce gâchis.
Une guerre coûteuse, mais inefficace
L’Office Anti-Stupéfiants (OFAST), créé en 2020 pour renforcer les efforts de lutte contre les stupéfiants, a vu son budget augmenter de 51 % et ses effectifs doubler. Pourtant, selon le rapport, les résultats peinent à suivre. Les forces de l’ordre réussissent certes à réaliser plus de saisies et à améliorer certaines opérations, mais cela ne suffit pas à enrayer la progression constante des trafics.
La France est aujourd’hui à la fois un marché de consommation, une zone de transit et un centre de redistribution. La proximité avec les centres de production (Amérique latine, Maghreb, Europe du Nord) et des infrastructures de transport denses en font une cible de choix pour les trafiquants. Cette situation, couplée à la montée des drogues de synthèse et des substances de plus en plus pures, aggrave les risques de corruption et de violence.
Le cannabis, un marché florissant malgré la répression
Le cannabis reste la drogue la plus consommée en France. En 2023, près de 18 millions de Français avaient déjà essayé cette substance, et 1,3 million étaient des consommateurs réguliers. Le marché du cannabis, estimé à 1,2 milliard d’euros en 2020, ne cesse de croître, avec des produits de plus en plus puissants et une distribution modernisée (livraison à domicile, achats en ligne). Cette évolution illustre la normalisation de l’usage, malgré une politique répressive qui vise à le dissuader.
Loin de freiner cette consommation, la répression alimente les profits des marchés illicites. Le maintien du cannabis dans la sphère illégale garantit aux réseaux criminels un monopole lucratif, tout en mobilisant des ressources policières à grand frais.
Une stratégie contre-productive
La prohibition a des conséquences qui vont à l’encontre de ses objectifs :
- Augmentation de la violence : Les réseaux criminels rivalisent pour le contrôle des marchés, provoquant des conflits sanglants.
- Substances plus dangereuses : Les drogues synthétiques, bon marché et puissantes, gagnent du terrain, accentuant les risques sanitaires.
- Déséquilibre des priorités : Les forces de l’ordre sont mobilisées sur des opérations antidrogues souvent peu efficaces, au détriment d’autres enjeux de sécurité publique.
Malgré ces réalités, la France persiste dans une approche prohibitionniste, refusant d’envisager des alternatives comme la régulation légale du cannabis.
Les coûts économiques et sociaux de la prohibition
La guerre aux drogues représente une charge écrasante pour le contribuable :
- Ressources mobilisées : Policiers, douaniers, juges et gardiens de prison sont engagés dans une lutte qui, selon les propres termes de la Cour des Comptes, manque de coordination et de stratégie claire.
- Perte de recettes fiscales : La régulation du cannabis pourrait rapporter plusieurs milliards d’euros à l’État, tout en asséchant les revenus du marché noir.
- Impact sur les libertés : La stigmatisation des consommateurs et les discriminations systémiques (contrôles au faciès, sanctions lourdes) alimentent des fractures sociales profondes.
Vers une régulation pragmatique
Face à l’échec manifeste de la prohibition, il est temps pour la France de s’inspirer des modèles étrangers qui ont choisi une régulation pragmatique. Des pays comme le Canada, l’Uruguay ou certains États américains montrent que la légalisation, accompagnée de mesures sanitaires et éducatives, peut réduire la criminalité, encadrer la consommation et générer des recettes fiscales considérables.
Pour sortir de l’impasse actuelle, le CIRC plaide pour une régulation du cannabis basée sur :
- La reconnaissance des droits individuels : Consommer du cannabis ne devrait plus être considéré comme un délit.
- L’autoproduction : Permettre aux citoyens de cultiver leurs propres plants pour un usage personnel.
- La création de marchés légaux : Encadrer la production et la distribution pour sécuriser les consommateurs et assécher les revenus criminels.
- Une approche éducative et sanitaire : Privilégier la prévention et le soin plutôt que la répression.
Conclure une guerre perdue d’avance
Le rapport de la Cour des Comptes est une preuve supplémentaire que la politique actuelle est non seulement inefficace, mais aussi contre-productive. Il est temps de réorienter les ressources vers des solutions plus intelligentes et humaines. La guerre aux drogues a fait son temps : place à une légalisation réfléchie, au service de la société.
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