Suite à de nouvelles recommandations, la France est-elle entrain de faire ses premiers pas timides vers une réforme du cannabis ?
Les propositions consultatives pour la légalisation du cannabis en France ont été soutenues par certains responsables du pays qui souhaitent voir une « approche de santé publique » pour le cannabis.
Le Conseil économique, social et environnemental (Cese) de France a proposé une «légalisation supervisée» du cannabis, dans le but de «se guider par des objectifs de santé publique» et «d’affaiblir» le trafic de drogue illégale, selon des informations parues dans les médias locaux , Le Parisien , le 24 janvier.
La proposition, qui a été approuvée par tous les membres du Conseil , verrait la création d’entreprises légales de cannabis, qui seraient tenues d’obtenir une licence et de suivre une formation obligatoire en prévention et réduction des risques.
La vente de cannabis aux mineurs serait interdite, de même que tout type de publicité ou de distribution promotionnelle.
Cette recommandation est le résultat d’une étude d’un an menée par une commission intérimaire, qui a conclu que près de la moitié des adultes en France ont consommé du cannabis à un moment de leur vie, contre environ 25 % des adultes dans l’Union européenne en tant que ensemble.
La commission a également constaté que la politique actuelle consistant à infliger des amendes aux personnes consommant du cannabis avait été un « échec cuisant » et qu’une nouvelle approche était nécessaire pour résoudre le problème.
La proposition a reçu des réactions mitigées de la part des médecins, certains exprimant leur soutien à l’idée de légaliser le cannabis, tandis que d’autres ont exprimé leur opposition.
Amine Benyamina, chef du service de toxicologie de l’hôpital Paul-Brousse de Villejuif, soutient la proposition et estime qu’il s’agit d’une stratégie pragmatique qui limite les risques pour la santé publique sans inciter à davantage de consommation.
En revanche, Jean-Claude Alvarez, chef du service de toxicologie à l’hôpital de Garches, n’est pas d’accord avec la proposition et estime qu’il faut plus d’éducation.
La proposition du Cese est consultative et le gouvernement n’est pas obligé de suivre ses recommandations. Cependant, il est susceptible de déclencher un débat dans le pays sur l’avenir de la politique en matière de cannabis.
La recommandation est également conforme à la tendance mondiale croissante à la légalisation et à la dépénalisation du cannabis, plusieurs pays et États américains légalisant déjà la substance à des fins médicales ou récréatives.
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Suite à la publication du rapport, le maire de Bègles, Clément Rossignol-Puech, a proposé que sa ville, en Gironde, soit le premier territoire à expérimenter la légalisation du cannabis.
Rossignol-Puech estime que le seul moyen de réduire la consommation et d’éviter les conséquences négatives passe par une légalisation très encadrée et espère lever le tabou et rouvrir le débat autour de cette question.
Avis de bon sens rendu par le Cese. En tant que maire confronté aux trafics, je propose à @EmmanuelMacron @Elysee de faire de ma commune de #Bègles en #Gironde le premier territoire d’expérimentation pour la culture, la vente et la consommation encadrée du #cannabis récréatif https://t.co/8w1wcntYnO
— Clément Rossignol Puech (@clemrossignol) January 25, 2023
Un psychiatre spécialisé dans les addictions, Jean-Michel Delile, soutient la proposition du maire, à condition qu’elle soit strictement réglementée. Delile note que le cannabis pose un problème de santé publique important en France, avec près d’un million de consommateurs quotidiens, et peut entraîner des conséquences dangereuses pour les jeunes.
Il estime qu’il est crucial de maintenir une interdiction de consommation chez les mineurs et les jeunes adultes, car la consommation de cannabis peut être particulièrement nocive pour cette tranche d’âge.
Delile cite des exemples d’Amérique du Nord et d’autres pays, où la légalisation a conduit à une réduction de la consommation et à la création de politiques de prévention efficaces. Il pense que la légalisation permettrait un accès plus transparent aux soins et réduirait la stigmatisation des personnes ayant des problèmes de toxicomanie .
Le maire affirme que l’approche actuelle et répressive de la France sur les problèmes de drogue ne fonctionne pas car elle a la législation la plus répressive d’Europe mais compte toujours un grand nombre d’usagers.
Il espère que sa proposition sera prise en considération par le président français Emmanuel Macron et qu’il pourra avoir un débat productif avec les ministres sur la question.