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Cinq mois après la légalisation du cannabis à usage récréatif, l’État canadien a engrangé 125 millions d’euros de revenus supplémentaires, partagés entre le fédéral et les provinces. Les gros industriels se frottent les mains.
Les chiffres de l’institut public Statistique Canada viennent de tomber : le cannabis a rapporté 125 millions d’euros au pays, en cinq mois de légalisation. Petit décryptage.
Les gouvernements fédéral et des différentes provinces ont récolté 125 millions d’euros en revenus liés au cannabis, durant les cinq premiers mois de la légalisation à usage récréatif, instaurée en octobre 2018. L’institut Statistique Canada a publié mercredi, des chiffres très attendus par les économistes. Le Canada a été le premier pays à lancer un monopole public de la distribution de cette herbe, de plus en plus utilisée à des fins thérapeutiques. C’est ce que préconisait le rapport d’un groupe d’économistes français, jeudi.
Qui gagne le plus ?
Les gros producteurs. Capony Growth, le leader mondial des produits dérivés de la marijuana (huile, gélule, feuilles séchées…) a annoncé jeudi un chiffre d’affaires record de 152 millions d’euros sur l’exercice 2019, dont 94 millions générés par le nouveau marché canadien. Ce groupe joue à domicile. Sa ferme géante prospère à Smiths Falls, en Ontario, sous l’œil attentif d’anciens pontes du Parti libéral, au pouvoir avec Justin Trudeau, et d’anciens hauts fonctionnaires. Le directeur du contrôle qualité vient de Santé Canada, l’organisme public qui accorde les permis de production.
Canopy Growth a immédiatement réinvesti ses gains. Il vient d’acheter Cannabinoid Compound Company, la plus grande société de produits pharmaceutiques à base de cannabinoïdes d’Europe, basée en Allemagne. Elle fabrique et distribue le dronabinol, médicament enregistré dans trois pays de l’UE : Allemagne, Autriche, Danemark.
Qui tousse un peu ?
Les provinces, qui ont dû investir pour créer des sociétés d’État et des points de vente. La Société québécoise du cannabis (SQDC) enregistrait encore, en mars, un déficit de 2,6 millions d’euros, selon le Journal de Québec.
Pour l’économiste Robyn Gibbard, ces chiffres « inférieurs aux attentes » sont dus « en partie au déploiement chaotique (nombre de magasins insuffisants, pénuries d’approvisionnement) de la légalisation […]. Les gouvernements peuvent s’attendre à une forte croissance à l’avenir. »
Les caisses de l’État, elles, se sont remplies facilement de 12,7 millions d’euros supplémentaires, fruits de la taxe fédérale, en cinq mois.
Quelles conséquences sur la consommation ?
Elle a augmenté. Au 1er trimestre 2019, près de 5,3 millions de Canadiens de plus de 15 ans ont déclaré avoir consommé du cannabis. Soit 18 %, contre 14 % sur la période 2004-2017, selon Statistiques Canada.
L’auteure de l’étude, Michelle Rotermann, note que l’usage reste stable voire diminue chez les 15-24 ans. Ce sont surtout les hommes âgés de 45 à 64 ans qui ont augmenté leur consommation.
Et sur le trafic ?
Tarir le marché noir, l’un des objectifs affichés de la légalisation, n’est pas atteint. Au Québec, 60 % des consommateurs disent s’approvisionner encore auprès de leur ancien fournisseur, révélait une enquête de l’Université Dalhousie, en mai. Les sondés invoquaient des prix d’État trop élevés, le manque de produits disponibles et la qualité du cannabis industriel. « L’approvisionnement s’améliore, nous avons signé des contrats avec six nouveaux fournisseurs. Notre objectif, c’est d’aller chercher 30 % du marché noir d’ici fin octobre, puis 70 % l’année suivante », promet la SQDC.
L’État canadien a aussi lancé une campagne de prévention contre le trafic entre le Canada et les États-Unis, en recrudescence de 60 %. Si l’on peut circuler avec 30 g de cannabis dans les poches d’un côté de la frontière, ce n’est plus le cas dès que l’on met un pied au Vermont ou dans le Maine américain.
Source : https://www.ouest-france.fr/societe/drogue/la-legalisation-du-cannabis-rapporte-125-millions-d-euros-en-cinq-mois-au-canada-6409893