Introduction
Depuis des décennies, la guerre aux drogues a été menée avec des résultats mitigés et souvent contre-productifs. La répression sévère et la criminalisation de l’usage de drogues n’ont pas seulement échoué à éradiquer le problème, mais ont également créé de nombreux défis sociaux et sanitaires. En contraste, le Portugal a choisi une voie différente en 2001 en décriminalisant l’usage de toutes les drogues, une politique qui a produit des résultats significatifs et positifs. Cette réussite offre un argument convaincant en faveur de la légalisation du cannabis, une mesure qui pourrait bénéficier à d’autres pays comme la France.
La politique portugaise de décriminalisation : Un modèle réussi
Contexte et mise en œuvre
En 2001, le Portugal a été confronté à une crise sanitaire majeure liée aux addictions, notamment à l’héroïne. En réponse, le pays a décriminalisé l’usage personnel de toutes les drogues. João Goulão, coordinateur national antidrogue du Portugal, a joué un rôle clé dans cette réforme. Selon lui, cette politique a été mise en place pour aborder le problème de manière plus humaine et pragmatique, en distinguant la possession pour usage personnel du trafic de drogues.
Résultats positifs et impacts sur la santé publique
Les résultats de cette politique sont impressionnants. Le nombre de consommateurs d’héroïne a diminué de moitié depuis 1999, passant de 100 000 à environ 50 000 en 2019. En matière de cannabis, seulement 8% des jeunes adultes portugais (18-34 ans) ont consommé cette substance en 2019, contre 21,8% en France. Cette réduction est attribuée à une approche centrée sur la prévention et le traitement plutôt que la punition.
Efficacité policière et lutte contre le trafic
Redistribution des ressources policières
La décriminalisation a également permis aux forces de l’ordre de rediriger leurs ressources. Comme l’explique João Goulão, la police portugaise est désormais plus efficace car elle ne gaspille plus son temps et ses moyens sur les simples usagers. Au lieu de cela, elle peut se concentrer sur les organisations criminelles et les gros trafiquants, ce qui a renforcé la lutte contre le trafic de drogues.
Procédures administratives et accompagnement
Les personnes arrêtées pour possession de drogues en quantité limitée sont convoquées devant une « commission de dissuasion de la toxicomanie », composée de médecins, juristes et travailleurs sociaux. Cette commission évalue la situation de chaque individu et propose, si nécessaire, un soutien social ou psychologique, ou encore un traitement en cas de dépendance. Cette approche non punitive facilite l’acceptation des traitements par les usagers et réduit la stigmatisation.
La légalisation du cannabis et les droits humains
Liberté et autonomie personnelle
Au-delà des considérations de santé publique et d’efficacité policière, la légalisation du cannabis touche également à des questions fondamentales de liberté individuelle et de droits de l’homme. La criminalisation de l’usage personnel des drogues pose un problème éthique en ce qu’elle restreint la liberté des individus de disposer de leur propre corps. Dans une société qui valorise la liberté et l’autonomie personnelle, il est incohérent de punir des adultes pour des choix qui ne nuisent pas directement aux autres.
Réduction de la stigmatisation et protection des droits
La décriminalisation, en éliminant la menace de poursuites pénales pour usage personnel, réduit la stigmatisation des consommateurs de drogues. Cette approche respecte davantage les droits de l’homme en traitant les usagers de drogues comme des individus ayant besoin de soutien plutôt que comme des criminels. En garantissant un accès plus facile aux soins et en réduisant les barrières à la réinsertion sociale, cette politique favorise une société plus juste et inclusive.
Comparaison avec la situation française
En France, la politique de répression, soutenue par le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin, a clairement montré ses limites. Le pourcentage élevé de jeunes consommateurs de cannabis en France, comparé au Portugal, démontre que la criminalisation n’a aucun effet dissuasif. Adopter une politique similaire à celle du Portugal pourrait offrir des bénéfices tangibles, tels que la réduction de la consommation et l’amélioration de la santé publique, tout en respectant davantage les libertés individuelles et les droits humains.
Cependant, pour évoluer vers une telle approche, il est indispensable de faire le bilan des effets de la prohibition en France. Cette loi de 1970, pierre angulaire de la répression des drogues dans notre pays, doit être rigoureusement analysée. Le CIRC appelle à une véritable enquête parlementaire ou à une saisine de la Cour des comptes pour évaluer de manière transparente et objective les impacts économiques, sociaux et sanitaires de cette politique. Une telle initiative permettrait de mettre en lumière l’inefficacité et les conséquences criminogènes de la prohibition, tout en offrant une base solide pour une réforme ambitieuse et pragmatique.
Conclusion
La politique de décriminalisation des drogues au Portugal et ses résultats positifs constituent un modèle précieux pour les autres pays. En réorientant la lutte contre les drogues vers la prévention et le traitement plutôt que la punition, le Portugal a réussi à réduire la consommation de drogues et à améliorer la santé publique. La légalisation du cannabis en France pourrait s’inscrire dans cette logique, en réduisant la stigmatisation, en offrant une prévention plus efficace et en optimisant l’utilisation des ressources policières.
Mais avant tout, il est impératif d’interroger le passé pour mieux construire l’avenir. Une enquête parlementaire ou une saisine de la Cour des comptes sur le bilan de la loi de 1970 fournirait des preuves empiriques indispensables pour réévaluer notre politique des drogues. Il est temps de reconsidérer la guerre aux drogues, d’en mesurer les échecs, et de s’inspirer des réussites comme celle du Portugal, dans le respect des libertés individuelles et des droits fondamentaux.
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