Huit prévenus, soupçonnés de former un réseau à la tête du point de deal de la cité Charles-Schmidt, sont jugés au tribunal de Bobigny. Le procès a démarré ce mercredi, deux jours après le meurtre de deux jeunes dans une cité voisine, sur fond de trafic de drogue.
Quatre ans près son démantèlement, le réseau soupçonné de gérer l’un des points de deal les plus lucratifs de Saint-Ouen en 2015-2016, celui de la cité Charles-Schmidt, comparaît au tribunal de Bobigny, depuis ce mercredi.
Pour le premier jour d’audience, il manque le suspect N° 1, surnommé Cyborg : il a été abattu d’une rafale de kalachnikov, le 24 août 2019 à Aubervilliers. Il était sorti de prison un an et demi plus tôt. Une violence qui n’a jamais cessé, comme le démontre le double meurtre dans un règlement de comptes, en début de semaine, cité Soubise.
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Deux autres prévenus sont décédés depuis, mais de mort naturelle. Les survivants, poursuivis pour association de malfaiteurs et de blanchiment pour certains, incarnent tous les métiers du deal : la tête du réseau, le trésorier, le rechargeur, le guetteur, la nourrice, le patron de bar. Ils tomberont en mars 2016.
Jusqu’à 30 000 euros de chiffre d’affaires par jour
Le bar en question est situé dans le XXe arrondissement. C’est là que les trafiquants rapatriaient la recette florissante du « four ». De 20 000 à 30 000 euros par jour, selon les estimations données à l’audience. Il est supplanté par celui des Boute-en-Train, dans le quartier des puces de Saint-Ouen, mais reste dans le top 5. Environ 500 à 600 clients s’y pressent.
En haut de la pyramide reconstituée par les enquêteurs, se trouve Rachid O., alias C4, l’un des bras droits. La police judiciaire relève qu’il arrive dès 11 heures à Charles-Schmidt et n’en repart qu’à 1 heure du matin. Il distribue des consignes aux choufs (les guetteurs), aux revendeurs, s’entretient avec le trésorier. Puis il traîne dans les cafés du quartier. La recharge ne connaît pas de temps morts. Cinq ans dont deux de sursis sont requis contre lui, assortis de 30 000 euros d’amende.
Maillon essentiel du réseau : le trésorier. Toufik M., surnommé le Marocain, intrigue les enquêteurs. Domicilié à Orly (Val-de-Marne), il traverse Paris pour se rendre cité Charles-Schmidt. Il est aussi un habitué du bar à chicha, étape du trafic. C’est le lieu de retrouvailles des habitués de Charles-Schmidt. Dirigé par Amar B., il est associé dans l’affaire avec son frère, avocat de profession.
Un bar qui n’était qu’une coquille vide
Un épluchage des comptes établira que le bar n’est qu’une coquille vide. Le propriétaire des murs s’agacera de ces loyers payés en billets de 10 euros. Curieusement, ce commerce qui ne dégage aucun bénéfice, en quatre mois, voit son chiffre d’affaires bondir de 438 %.
Tous les éléments du blanchiment sont constitués, selon le ministère public. C’est l’autre volet du dossier : 60 000 euros et deux ans dont un an de sursis est demandé contre Amar B., le tenancier.
Une Audi A3 saisie, qui avait été payée en liquide…
Lors des perquisitions menées en avril 2015, il ne sera pas retrouvé de fortes sommes d’argent, ni de grosses quantités de cannabis (10 kilos chez feu le boss et 6 kg chez une nourrice). Mais les véhicules, une Golf et une Audi A3, sont payés en cash.
Les avocats qui se succèdent à la barre renversent les rôles et estiment que leurs clients sont « des victimes ». Un à un, ils demandent leur relaxe. « Ils ont passé leur jeunesse à Saint-Ouen et viennent voir leurs amis. Où sont les éléments de leur train de vie ? Mon client roule en C3… » s’étrangle Me Louise Tort, avocate du « caissier ».
Le point de deal a repris du service malgré les arrestations
L’élimination de Cyborg et l’incarcération de ses lieutenants n’ont pas rayé Charles-Schmidt de la carte du business à Saint-Ouen. Le point de deal ayant horreur du vide, d’autres ont repris la place. Aujourd’hui, son chiffre d’affaires se porte mieux encore. « Les gains ont progressé de 10 000 euros en deux ans », souligne Me Louise Tort.
Source : Leparisien.fr