Une menace sous-estimée pour la crise climatique
Introduction
Un nouveau rapport émanant d’une coalition internationale de groupes de défense des droits de l’homme a mis en lumière un lien inattendu entre la prohibition mondiale des drogues et la dégradation de l’environnement, sapant ainsi les efforts pour lutter contre la crise climatique. Cette étude, publiée par la Coalition internationale pour la réforme de la politique des drogues et la justice environnementale, met en évidence l’impact profondément négatif des politiques de prohibition sur certains des écosystèmes les plus critiques de la planète, notamment les forêts tropicales. L’objectif de cet article est d’explorer en détail les conclusions de ce rapport et de comprendre comment la « guerre contre la drogue » contribue à la destruction de l’environnement, tout en soulignant l’importance d’une approche plus holistique pour lutter contre ces deux crises.
La « guerre contre la drogue » comme obstacle à la protection de l’environnement
Le rapport dénonce la prohibition mondiale des drogues, également connue sous le nom de « guerre contre la drogue », comme un « éléphant dans la pièce » qui entrave les efforts visant à protéger l’environnement. Il souligne que les politiques de prohibition ont poussé la production et le trafic de drogues vers des « frontières environnementales clés », telles que la forêt amazonienne et les jungles d’Asie du Sud-Est. En d’autres termes, les zones écologiquement sensibles sont devenues des zones propices à la culture et au trafic de drogues en raison des dynamiques de l’application de la loi.
L’impact destructeur de la prohibition ne s’arrête pas là. Les profits tirés des activités illégales liées à la drogue financent un éventail d’autres activités criminelles qui causent des dommages à l’environnement. Par exemple, le rapport évoque le commerce illégal d’espèces sauvages, de bois tropicaux, d’objets archéologiques, d’or et d’autres minéraux, ainsi que les investissements dans des entreprises agroalimentaires légales, telles que le bœuf, l’huile de palme, le soja et les avocats. De plus, les profits issus du trafic de drogue servent de capital de départ pour le trafic d’êtres humains.
Études de cas et impacts environnementaux
Le rapport propose des études de cas et des images illustratives pour démontrer comment les politiques prohibitionnistes ont un impact direct sur l’environnement. Par exemple, il relie le trafic de drogue au Pérou à l’exploitation illégale de l’or, une activité qui contribue à la déforestation et à la pollution de l’eau dans la région. Un autre exemple établit un lien entre l’argent illicite provenant du commerce de la cocaïne et la destruction de la forêt de Haute-Guinée en Afrique de l’Ouest.
Prohibition pushes drug production into the world’s most remote biodiverse areas, like tropical forests.
These areas are essential to regulating global climate, but between 1990-2020, they accounted for 90% of the 420 million hectares of forest lost globally.
2/5 pic.twitter.com/1Ru0Lag8Qx
— HealthPovertyAction (@HealthPoverty) October 5, 2023
Les auteurs du rapport soutiennent que la communauté internationale reconnaît de plus en plus le rôle des acteurs criminels dans des activités telles que l’accaparement des terres, la déforestation, le trafic de bois et d’espèces sauvages, ainsi que l’exploitation minière destructrice. Cependant, les politiques actuelles en matière de drogues sont rarement identifiées comme l’un des principaux moteurs de ces activités criminelles.
Justice environnementale et économique
L’impact de la prohibition mondiale des drogues va au-delà des dommages environnementaux. Le rapport souligne que ces politiques perpétuent un cycle de pauvreté et de persécution, en ciblant principalement les communautés les plus vulnérables de la société. Il note que, pour de nombreuses familles, la culture de drogues illégales offre un revenu décent ou un moyen de subsistance, même si cela comporte des risques élevés liés à la répression policière ou militaire.
Cependant, les petits cultivateurs défavorisés sont les plus susceptibles de subir l’éradication de leurs cultures, des arrestations et des incarcérations. Pendant ce temps, les acteurs de premier plan dans le commerce de la drogue échappent largement à la justice en raison de leur pouvoir, de leur richesse ou de leur capacité à exercer la violence pour échapper aux poursuites. Cela crée un déséquilibre inacceptable du point de vue de la justice environnementale et économique.
La nécessité d’une réglementation efficace des drogues
Le rapport conclut en soulignant la nécessité d’une réglementation efficace et responsable des drogues pour lutter contre les méfaits de la prohibition. Il insiste sur le fait que les réformes doivent être holistiques, fondées sur les droits de l’homme, la santé publique, le développement durable et la justice environnementale. L’objectif est de mettre fin à un cycle de violence, de pauvreté et de destruction de l’environnement tout en garantissant que les initiatives en faveur du climat puissent prospérer.
Le rapport souligne également que les marchés réglementés de la drogue ne sont pas une solution parfaite, mais qu’ils sont préférables à l’échec manifeste de la prohibition. Il n’y a pas de solution magique pour éliminer ces problèmes, mais le changement est nécessaire pour éviter une catastrophe climatique et l’aggravation des inégalités.
Drug prohibition distorts the market and undermines the rule of law, creating the wider underlying conditions that:
❌ Embed violence and corruption
❌ Destabilise entire countries
❌ Provide a direct barrier to environmental action.4/5 pic.twitter.com/HC4i1bkiSF
— HealthPovertyAction (@HealthPoverty) October 5, 2023
Conclusion
La prohibition mondiale des drogues est un facteur négligé de l’impact destructeur sur l’environnement, compromettant les efforts déployés pour lutter contre la crise climatique. Ce rapport met en évidence le besoin de réformes dans les politiques de drogues, tout en soulignant l’importance d’une approche holistique qui tient compte des droits de l’homme, de la santé publique, du développement durable et de la justice environnementale. Les acteurs mondiaux, des décideurs politiques aux défenseurs des droits de l’homme, doivent prendre en compte cette réalité et travailler ensemble pour trouver des solutions qui protègent l’environnement tout en assurant la justice pour tous. La « guerre contre la drogue » a un coût, non seulement pour les individus, mais aussi pour notre planète. Il est temps de réexaminer notre approche.
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Déclaration collective en réponse au rapport mondial sur les drogues 2023 publié par l’ONUDC, consultable ici