Publié le 26 Août 2020 | Par Anaïs Condomines
Une enquête, confiée à la police judiciaire, est ouverte pour associations de malfaiteurs. La piste privilégiée est celle d’une mise en scène destinée à impressionner la concurrence.
Question posée par Léonard le 25/08/2020
Bonjour,
Vous nous écrivez à propos d’une vidéo copieusement partagée sur les réseaux sociaux depuis lundi, montrant des hommes lourdement armés dans un square de la ville de Grenoble.
Elle apparaît d’abord sur Snapchat avant d’être reprise sur Twitter. Lundi, à 17h32, la figure d’extrême droite Damien Rieu partage la vidéo, qui cumule à présent plus de 3 000 partages et 118 000 vues.
Dans le quartier du Mistral à #Grenoble, les narcotrafiquants vendent leur drogue sous la protection d’hommes lourdement armés.
Mais @GDarmanin préfère s’occuper de mettre des amendes pour les masques. pic.twitter.com/eE2oyQIT6t— Damien Rieu (@DamienRieu) August 24, 2020
Ce qu’on y voit ? Deux hommes assis derrière une table, dans ce qui ressemble à une aire de jeux pour enfants. Autour d’eux, cinq hommes font le guet. Deux d’entre eux sont lourdement armés, cagoule sur la tête et gilet par balle sur la poitrine. Damien Rieu, en légende, expose : «Dans le quartier du Mistral à Grenoble, les narcotrafiquants vendent leur drogue sous la protection d’hommes lourdement armés.»
Les images ont de quoi étonner ; elles sont pourtant authentiques. Le procureur de Grenoble, Eric Vaillant, confirme à CheckNews qu’une enquête pour «association de malfaiteurs» a été ouverte et confiée à la police judiciaire.
La scène se déroule donc bien dans un parc de la cité Paul-Mistral, à Grenoble. Les images sont filmées de haut, depuis la fenêtre d’un appartement qui surplombe le parc, ce qui peut suggérer dans un premier temps qu’il s’agit d’images prises par un riverain. Mais les enquêteurs, d’après nos informations, estiment qu’il s’agit davantage d’une mise en scène de la part des trafiquants de drogue, plutôt que d’une scène captée sur le vif.
«Impressionner la concurrence»
Le but de ces images serait double, d’après Yannick Bianchéri, secrétaire départemental du syndicat Alliance Police Isère, auprès de CheckNews : «A la fois impressionner la concurrence, à savoir les trafiquants des autres quartiers, et montrer qu’ils ne craignent pas la police, en s’exhibant lourdement armés, en plein jour, dans un parc pour enfants. C’est une forme de publicité, pour faire croire que les clients peuvent venir se fournir dans le quartier du Mistral en toute sécurité.»
Deux jours plus tard, le 26 août, une nouvelle vidéo vient donner du crédit à cette hypothèse. Celle-ci est tournée dans le même square, à la même période (on reconnaît le graffiti jaune «Mistral 38» sur le mur). Mais cette fois-ci, les images prises de face montrent quatre hommes poser en musique, devant une table remplie de bonbons et vraisemblablement de la drogue. Sur la vidéo, une inscription indique : «38 Mistral capital [sic] du stup.» Elle est partagée ici par un référent Rassemblement national :
Le gang du mistral à #Grenoble continue les provocations avec cette vidéo où l’on peut voir de la drogue au milieu de bonbons. Avec @GDarmanin c’est l’impunité dans les quartiers. pic.twitter.com/xkpc6iDlpZ
— Enzo Alias (@Enzo_Alias) August 26, 2020
Pour les enquêteurs néanmoins, mise en scène ne rime pas nécessairement avec armes factices. Ces images ne permettent pas de distinguer avec certitude des vraies armes de guerre de fusils d’airsoft. Le syndicaliste constate toutefois que des «armes réelles circulent avec certitude à Grenoble» où plusieurs fusillades – sept au total – ont eu lieu en l’espace d’un mois et demi, faisant trois morts. Les victimes, rappelle France Bleu, étaient connues par les services de police pour trafic de stupéfiants.
Sur Snapchat, le compte qui a relayé la seconde vidéo s’amuse de voir traité en une des médias «un clip avec des armes factices». Et suggère une véritable opération de communication, en annonçant un futur clip à venir. «Restez branchés» prévient-il.