La coalition au pouvoir espère obtenir la légalisation du cannabis, à toutes ses fins. Objectif : protéger les consommateurs, en particulier les mineurs.
L’Allemagne sera-t-elle bientôt le paradis des amateurs de cannabis ? Légaliser le cannabis est l’un des projets phares inscrits dans le contrat que les partenaires de la coalition « feu tricolore » (SPD, Verts et Libéraux) au pouvoir à Berlin ont signé en 2021. De sa culture à sa vente dans des magasins spécialisés sous licence ressemblant à des pharmacies en passant par le contrôle de sa qualité… toutes les étapes de la chaîne devraient être légalisées et contrôlées. L’ensemble de la production sera made in Germany.
Une exception en Europe
L’Allemagne fait figure de pionnière. Son projet est sans précédent dans l’Union européenne. La vente et la consommation de cannabis est officiellement illégale dans tous les pays d’Europe, à l’exception de Malte où la légalisation date de 2021. En Autriche, au Portugal et surtout aux Pays-Bas, la possession de petites quantités de cannabis a été dépénalisée. Le gouvernement néerlandais tolère donc la consommation, la culture de cannabis restant toujours officiellement illégale. Le Luxembourg, qui comptait légaliser en 2018, a dû renoncer à son projet jugé non conforme à la législation européenne.
Une première ébauche des grandes lignes de ce qui n’est encore qu’un projet a été présentée par le ministre de la Santé, le social-démocrate Karl Lauterbach l’an dernier. Les consommateurs majeurs seraient autorisés à acheter jusqu’à 30 grammes de cannabis pour un usage strictement privé. Chaque adulte aurait le droit de cultiver trois plants. La qualité du cannabis, sa distribution et sa vente seraient étroitement contrôlées par le gouvernement. Objectif de cette mesure ambitieuse : protéger les consommateurs et en particulier les enfants et les jeunes, tout en réduisant la criminalité liée au trafic de drogue et à endiguer le marché noir.
Bruxelles donnera-t-il son accord ?
Si Karl Lauterbach tablait au départ sur l’entrée en vigueur de la nouvelle loi l’an prochain, les choses ne vont pas aussi vite que prévu. Avant de pouvoir soumettre un projet de loi aux députés du Bundestag, l’Allemagne doit d’abord obtenir l’aval de la Commission européenne. Or, en octobre dernier, Bruxelles a refusé de valider une première esquisse présentée par Berlin. Pour Karl Lauterbach, la réaction de la Commission européenne était « très favorable ». Il entend proposer une version révisée, tenant compte des objections de Bruxelles, dans les semaines à venir et s’engage à apporter les modifications nécessaires. Le ministre de la Santé affirme qu’une loi ne pourra être adoptée en Allemagne que si elle est compatible avec le droit européen.
Un débat intense divise la classe politique et la société allemande depuis des mois. Les conservateurs de la CDU, et de sa petite sœur bavaroise la CSU, s’opposent à ce projet et espèrent que la Commission européenne y fera barrage. Les Verts, au contraire, s’impatientent et poussent le ministre à accélérer la procédure. Ils veulent qu’une proposition de loi soit mise sur la table au plus vite. Karl Lauterbach et les tenants de ce projet arguent que le contrôle du marché et de la qualité des produits en vente libre permettra de protéger la santé des consommateurs et surtout de protéger les mineurs. Selon le ministère de la Santé, 4 millions de personnes ont consommé du cannabis en 2021 en Allemagne. Un quart d’entre elles étaient des jeunes entre 18 et 24 ans qu’il faut à tout prix protéger.
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Au terme d’une analyse approfondie, Bruxelles pourrait encore mettre son veto. Pourtant, producteurs et start-up se préparent pour être sur les rangs dès l’ouverture de ce nouveau marché qui promet d’être très lucratif. Cette branche pousse à toute allure. Une équipe de recherche de l’université de Düsseldorf estime la demande officielle de cannabis à des fins médicales en Allemagne entre 108 et 705 tonnes par an. C’est sans comptabiliser le marché noir. La start-up berlinoise Sanity Group, créée en 2018 et spécialisée dans le cannabis à des fins médicales, est avec ses 120 salariés, l’une des plus grandes sur le marché allemand et un leader en Europe. Si l’Allemagne réussit à faire passer cette loi, elle risque fort d’ouvrir la brèche à d’autres pays européens.
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