Ce mardi 11 février, Mme la députée du Pas-de-Calais, Jacqueline Maquet, en bon petit soldat, énumérait les méfaits de “LA“ drogue dans notre pays, ceci afin d’offrir à son ministre de l’Intérieur, la possibilité de décrire les “nouvelles“ mesures envisagées. C’est ce qu’on appelle les “questions au gouvernement“.
L’intervention débute à 1h12 min et 50 sec dans la vidéo disponible sur LCP, par une longue description de ce qui s’avère être les conséquences de la prohibition et non celles des drogues elles-même.
À 1h 15 min, M. Castaner lui répond sur son “ambitieux“ programme de lutte contre “LA“ drogue, forcément innovant et forcément voué au succès.
Et le premier flic de France de chiffrer ce “bizness de la mort“ oubliant au passage, comme sa collègue députée, que les décès sont peut-être imputables d’une part aux conditions sanitaires dans lesquelles les usagers les plus précaires se voient plongés et du manque de budget prévention au profit de la répression ; d’autre part au choix d’abandonner aux réseaux criminels ce négoce, en l’absence de toute règle si ce n’est celle du plus fort.
Aucune explication quant à ces statistiques. S’agit-il de surdoses ? Cela ne concernerait donc pas le cannabis, « la plus populaire des drogues illicites » comme le CIRC aime à le répéter. Des violences perpétrés par les multinationales des drogues dont on peut s’interroger sur le niveau de complicité imputable aux partisans de la prohibition dans leur formidable développement ?
Non, le principe n’est pas d’informer ou de faire preuve de la moindre rationalité. Il s’agit là, en toute bonne stratégie politique, de faire peur à coup d’interprétations mensongères de chiffres officiels mais néanmoins instrumentalisés. Car l’on peut tout faire dire aux statistiques.
Un “nouveau“ plan d’action, inter-ministériel celui-là, annoncé en novembre dernier à Marseille, sans doute pour faire oublier la désastreuse expérience de l’OCRTIS (office centrale de répression du trafic de stupéfiants), elle-même impliqué dans un vaste trafic de haschich destiné à gonfler les chiffres de saisies record. C’est dans un mauvais jeu de mot (1) avec la création de l’OFAST – l’Office anti-stupéfiant – qu’on nous promet enfin des résultats avec une collaboration sans précédent entre les services concernés que sont ceux des douanes, de la gendarmerie et de la police, comparant cette usine à gaz à ce qui fut mis en place dans la lutte contre le terrorisme avec la DGSI. Rien de moins !
L’OFAST ce serait 170 agents partout en France, 240 personnels, 11 antennes régionales (6 détachements pour l’instant et 8 à venir) et dans chaque département, ajoute M. Castaner, un « décloisonnement et le partage du renseignement pour lutter contre ce fléau et bla-bla-bla… »
Les réseaux criminels doivent trembler, c’est sûr, avec ces supers-flics et leur budget ne dépassant pas le demi-milliard d’euros face au quelques milliards du trafic.
On en est là de ce que le CIRC ainsi que toutes les organisations engagées dans l’abolition de la prohibition, à savoir un échec qui ne se dément pas malgré toutes les gesticulations gouvernementales. L’OFAST ne dérogera pas à la règle qui veut qu’on ne répond pas à un phénomène social et culturel par un interdit, quel qu’il soit.
À l’impuissance policière s’ajoute l’impuissance financière, celle des services chargés de traquer l’argent des trafics. C’est l’autre talon d’Achille de cette guerre. Ces milliards qui circulent de banques en paradis fiscaux puis en sociétés écran pour revenir dans les réseaux légaux sous forme d’investissements, de placements. Parfois à bon escient quant il eut s’agit de renflouer les banques subissant (et provoquant surtout), la crise de 2008. Les sources ne manquent pas à ce sujet (2).
Au-delà d’une “simple“ réforme législative, la sortie de la prohibition ne manquera certainement pas de provoquer de grand remous dans l’économie mondialisée. Ne doutons pas dès lors de la capacité de ses partisans (financiers, politiciens, policiers, militaires et bien évidement mafieux) à faire corps pour elle, provocant toujours plus de misères et de violences à l’encontre de millions d’individus dont le seul tort est de préférer certaines ivresses à d’autres…
Fédération des CIRC
(1) clin d’œil quelque peu déplacé en rapport au “gofast“, ces véhicules chargés de drogues fonçant à travers les frontières sur les autoroutes et que les forces de l’ordre ont bien du mal à rattraper. Ils ne sont le plus souvent que des leurres servant à détourner des cargaisons plus importantes arrivant par camions entiers…
(2) L’argent de la drogue a sauvé les banques pendant la crise mondiale, affirme un conseiller de l’ONU, par Rajeev Syal (les-crises.fr via médiapart) ;
Les banques sauvées de la crise de 2008 par l’argent sale : et maintenant ? (or.fr)