Atteinte d’une sclérose en plaques, Françoise Maillard s’est longtemps battue pour que le Sativex soit enfin disponible. Ce médicament à base de cannabis est destiné aux patients résistants aux traitements classiques. Elle raconte son combat.
« Le diagnostic est tombé il y a vingt ans. J’avais 44 ans et déjà, des signes de la maladie depuis plusieurs années : des chutes inopinées, des douleurs que je mettais sur le compte d’une sciatique. Comme tout bon médecin qui néglige sa propre santé, j’ai traité cela à coups de corticoïdes. Jusqu’au jour où, face à l’évidence, j’ai consulté une amie neurologue à l’hôpital de La Pitié-Salpêtrière, à Paris. Une IRM et une ponction lombaire plus tard, j’étais officiellement atteinte de sclérose en plaque.
Cela a, forcément, changé ma vie. Pas tout de suite, mais petit à petit car cette maladie vous fait perdre en mobilité. Au début, on chancelle mais on s’appuie aux murs, on rétablit l’équilibre. Vient le jour où l’on se résout à acheter une canne, puis un fauteuil roulant, pour continuer à sortir, ne pas rester cloîtrée chez soi. Je ne suis pas du style à pleurer sur mon sort : la vie continue. Mais elle continue plutôt assise que debout. Je sors, je vais au théâtre, au restaurant. La différence, c’est que je ne peux plus attraper un train à la volée, décider le matin pour l’après-midi de partir à Marseille. Je dois tout anticiper : le quai de la gare sera-t-il équipé d’une rampe ? La salle de théâtre d’un accès handicapé ?
Ma SEP entraîne une grande spasticité
Je fais partie des quelques milliers de patients qui présentent une spasticité importante (des contractures peu douloureuses des membres inférieurs) ne répondant pas au baclofène et que le cannabis thérapeutique peut soulager. Le Sativex, un médicament contenant deux cannabinoïdes, a obtenu son autorisation de mise sur le marché en janvier 2014 mais il n’est toujours pas commercialisé en France. Plus récemment, en décembre dernier, un comité d’experts mis en place par l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) a jugé « pertinent d’autoriser l’usage du cannabis à visée thérapeutique dans certaines indications ». Une formidable avancée ! Il devenait urgent de sortir de cette logique aberrante. Depuis des années, je fais régulièrement le voyage vers la Suisse pour m’en procurer, je me mets hors la loi pour acheter ce médicament pourtant autorisé dans presque toute l’Europe.
Et ce, parce que le CEPS (Comité économique des produits de santé) et le laboratoire qui en a la licence n’ont pas su trouver un accord sur son prix de commercialisation.
Une situation ubuesque
J’ai participé à de nombreux débats sur le sujet, engagée au sein de la Ligue française contre la sclérose en plaques, et je ne comprends toujours pas où se situe le point de blocage. Ce qui est sûr, c’est que cette situation ubuesque a suffisamment duré. J’ai la chance d’avoir un contact médical en Suisse qui me prescrit du Sativex et me permet ainsi de m’en procurer. Je me sens « privilégiée » de pouvoir bénéficier de ce médicament.
Certaines personnes, atteintes comme moi de sclérose en plaques, fument régulièrement. Mais cela suppose, déjà, de savoir fumer ! Ce qui n’était pas mon cas. Quand j’ai essayé, ça a été un échec. Mon fils me disait : « C’est normal, tu crapotes ! ». Et puis je n’avais jamais roulé un seul joint de ma vie… Ensuite, j’ai essayé la version « space cake », un gâteau préparé par un cuisinier, selon les indications précises d’une de mes connaissances. Un excellent brownie, d’ailleurs ! Je suis aujourd’hui imbattable sur le sujet.
On ne maîtrise pas le dosage de THC
Sur internet, on trouve tout sur le beurre de Marrakech et les meilleures recettes de tisanes, décoctions et autres préparations. Le problème, c’est qu’on ne maîtrise pas le dosage de THC (tétrahydrocannabinol), l’une des deux molécules présentes dans le cannabis, responsable de ses effets euphorisants. Les trois premiers soirs, ça ne m’a rien fait. Je l’avalais chez moi, toujours en présence d’un proche. Et le quatrième soir, surprise, j’ai décollé ! Je ne sais pas si je suis tombée sur un grumeau du gâteau, mais j’ai compris ce que « planer » voulait dire… Je crois que c’est ce jour-là que je me suis résolue à aller chercher du Sativex à l’étranger. Si tous les protocoles permettant de délivrer la plante sous forme de médicament aboutissent, comme nous l’espérons, cela va grandement simplifier les choses. Le cannabis sera enfin disponible sous plusieurs formes (gélules ? tisanes ?) et vendu en pharmacies. Dès lors, les malades n’auront plus besoin de passer la frontière pour soulager leurs douleurs.
Source : https://www.topsante.com/medecine/addictions/drogue/l-autorisation-du-cannabis-therapeutique-sera-une-formidable-victoire-631822