L’avenir incertain du cannabis médical en France : une déception pour les patients et une question financière en suspens.
Le futur du programme de cannabis médical en France a été mis en doute cette semaine alors que le gouvernement n’a pas réussi à introduire de cadre réglementaire ou à allouer des fonds dans son budget annuel. Quelques jours plus tard, un groupe de 17 associations de patients a publié une tribune dans « Le Parisien » exprimant leur inquiétude selon laquelle le gouvernement revenait maintenant sur les engagements formels pris en 2022, « prolongeant la souffrance de près de 300 000 patients ».
Les luttes internes au gouvernement, les problèmes budgétaires et l’incapacité de l’industrie à influencer efficacement la politique signifient que cette expérience est maintenant très peu susceptible d’être transformée en un cadre de cannabis médical pleinement opérationnel dans un proche avenir.
Cependant, selon l’expert de l’industrie Benjamin-Alexandre Jeanroy de Augur Associates, basé à Paris, ce n’est pas le coup de grâce final pour le cannabis médical en France, mais « juste une autre étape minuscule ».
« C’est décevant, mais le chat ne retournera jamais dans la boîte. »
Le contexte de l’expérimentation du cannabis médical en France
La France a lancé son expérimentation du cannabis médical en 2021, offrant environ 3000 patients des produits à base de cannabis gratuitement avec une durée initialement prévue de deux ans. L’expérience était destinée à « évaluer, dans une situation réelle, les recommandations du comité en ce qui concerne les conditions de prescription et de distribution et l’adhésion des professionnels de la santé et des patients à ces conditions », fournissant des données sur la sécurité et l’efficacité comme « objectif secondaire ».
Malgré des retours presque universellement positifs des patients, bien que largement attendus, la Direction générale de la santé (DGS) de la France a poursuivi ses projets pour prolonger l’expérience d’au moins un an sans attendre que les résultats de l’expérience soient soumis au Parlement en septembre 2022. Les patients et les acteurs de l’industrie s’attendaient tous à ce que l’expérience soit un préalable presque certain à une réglementation complète.
Les désillusions et les obstacles
Comme le détaille la tribune des 17 associations collectives : « L’engagement pris par le gouvernement en 2022 était clair : à la fin de la période de prolongation de l’expérimentation, la France légaliserait enfin le cannabis médical pour le rendre accessible à ceux qui en ont le plus besoin. » Cependant, la publication du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2024 en France, qui détermine les allocations budgétaires de l’État pour l’année à venir, n’a fait aucune mention du projet de cannabis médical, laissant une fois de plus l’avenir de l’industrie en suspens.
Les forces contraires et le conflit interne
Le professeur d’université et président du comité scientifique de l’Agence nationale de sécurité des médicaments et des produits de santé (ANSM) sur le cannabis médical, le Dr Nicolas Authier, a récemment déclaré que des « forces contraires se réveillent » et feront tout pour restreindre au maximum l’accès à ces médicaments, même s’ils sont destinés aux patients en impasse thérapeutique et en souffrance sévère.
Le collectif d’associations de patients a également suggéré que les propositions étaient « actuellement menacées de l’intérieur ». Cela a été corroboré par M. Jeanroy, qui a déclaré qu’il y avait un « conflit clair au sein du gouvernement », avec diverses entités commençant maintenant leurs campagnes présidentielles pour succéder à Macron.
L’incertitude financière du cannabis médical en France
Une question cruciale se pose : combien pourrait rapporter le cannabis médical à la France ? Les références en la matière manquent, mais des estimations basées sur d’autres pays peuvent donner une idée approximative.
En Allemagne, environ 400 000 ordonnances de cannabis médical sont délivrées, mais les quantités importées et produites localement rendent difficile l’évaluation précise du marché. Les montants versés par l’assurance maladie sont d’environ 200 millions d’euros pour 2023.
Au Canada, où le cannabis médical représente environ 10% du marché total du cannabis, les ventes totales de cannabis ont atteint 2,7 milliards d’euros en 2021. La contribution à l’économie du secteur, en prenant en compte l’activité économique directe, indirecte et induite, s’élève à 30,3 milliards d’euros et 151 000 emplois. Extrapolé à la France, cela pourrait représenter un potentiel significatif en termes de chiffre d’affaires et d’emplois.
Conclusion
L’avenir du cannabis médical en France demeure incertain, en grande partie en raison de luttes internes au gouvernement et de problèmes budgétaires. Les patients et l’industrie du cannabis médical font face à des obstacles importants pour voir leur programme se développer pleinement.
Cependant, l’intérêt financier potentiel du cannabis médical en France ne peut être ignoré. D’autres pays ont généré des revenus substantiels grâce à cette industrie, et la France pourrait suivre cette voie si une réglementation adéquate était mise en place. En fin de compte, l’avenir du cannabis médical en France dépendra de la volonté politique et de la capacité de l’industrie à influencer les décisions gouvernementales. Pour l’instant, les patients continuent de souffrir dans l’attente d’une réponse définitive.
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