SALLE DE PRESSE | LE 17 AOÛT 2020 | UDEMNOUVELLES
Les jeunes fument de plus en plus de cannabis dans leurs cigarettes électroniques et cela devrait inquiéter les autorités de santé publique, selon la chercheuse de l’UdeM Jennifer O’Loughlin.
De plus en plus populaires auprès des jeunes désireux d’avoir leur dose de nicotine, les cigarettes électroniques sont également utilisées pour susciter un état d’euphorie au moyen du cannabis, met en garde une nouvelle étude canadienne sur les dangers du vapotage.
Des chercheuses du Département de médecine sociale et préventive de l’Université de Montréal ont recruté près de 775 adolescents et adolescentes de la région de Montréal en 1999 et les ont suivis jusqu’au début de la trentaine, en 2019.
Un cinquième d’entre eux ont déclaré avoir vapoté au cours de la dernière année et, parmi eux, 55 % ont inhalé du cannabis sous forme liquide, dont un tiers exclusivement, selon l’étude publiée cet été dans la revue BMC Public Health.
Nous avons demandé à l’auteure principale de l’étude, Jennifer O’Loughlin, professeure à l’UdeM et chercheuse au Centre hospitalier de l’Université de Montréal, de nous parler des résultats obtenus et de leur signification en termes de santé publique.
Q. : Vous signalez des niveaux de vaporisation de cannabis beaucoup plus élevés que des études précédentes. Est-ce parce que les données sont spécifiques à Montréal ou indiquent-elles une tendance plus générale?
R. : Deux références que nous citons ‒ le New England Journal of Medicine en 2018 et le British Medical Journal en 2019 ‒ laissent entendre qu’il s’agit d’une tendance plus générale. Et des rapports plus récents montrent que ces augmentations se poursuivent, surtout chez les adolescents. Cela est particulièrement inquiétant en raison de problèmes de santé tels que les lésions pulmonaires associées à l’utilisation de la cigarette électronique ou de produits vaporisés.
Q. : Selon les jeunes, quels sont les avantages de la vaporisation du cannabis?
R. : La popularité croissante de la vaporisation du cannabis peut être liée aux vaporisateurs qui facilitent une utilisation discrète du produit: l’appareil peut être facilement dissimulé, il a l’apparence des cigarettes électroniques et il produit une vapeur presque inodore. La vapeur de cannabis est décrite comme étant plus agréable au goût et, comme les produits de cannabis vaporisés peuvent fournir des concentrations de THC plus élevées que le cannabis ordinaire, elle est associée à un état d’euphorie plus marqué. Enfin, les consommateurs peuvent croire que la vaporisation du cannabis est moins nocive que ses modes de consommation traditionnels.
Q. : Le vapotage a d’abord été présenté comme un moyen d’arrêter de fumer, mais on a découvert l’inverse: les jeunes vont vapoter pour fumer. Faut-il interdire le vapotage?
R. : Mon opinion est que, si c’était possible, il faudrait l’interdire, mais ce n’est probablement pas vraiment possible à ce stade, et de nombreux chercheurs pourraient soutenir que les avantages possibles liés à l’arrêt de la cigarette doivent d’abord être prouvés. Sinon, nous devrions ‒ et nous le faisons dans de nombreux endroits ‒ règlementer l’offre en rendant difficile l’achat de produits de vaporisation: resserrer les critères qui définissent le client autorisé, limiter les lieux où les vaporisateurs sont vendus, où ils peuvent être utilisés, et en essayant aussi de limiter la demande par l’éducation.
Q. : Il s’agit d’une enquête autodéclarée, et la taille de l’échantillon est relativement petite. Cela rend-il les données et votre analyse peu fiables?
Une petite taille d’échantillon rend les estimations imprécises, ce qui signifie que les intervalles de confiance sont larges. Toutefois, nos estimations de prévalence semblent correspondre à celles d’autres études récentes. Les autodéclarations peuvent entraîner un biais de classification erroné ‒ la question la plus importante est de savoir si les gens comprennent vraiment ce qu’il y a dans le liquide qu’ils vapotent.
Q. : Poursuivez-vous ces recherches et, si oui, comment?
R. : Oui, nous nous intéressons aux «chercheurs de nicotine», c’est-à-dire les personnes qui recherchent la nicotine dans plusieurs produits. L’utilisation de divers produits contenant de la nicotine ‒ cigarettes, cigarettes électroniques, mulling (cannabis et tabac mélangés), chicha et autres produits du tabac ‒ contribue probablement à une dépendance à la nicotine. Nous pensons que les gens doivent être beaucoup plus conscients de la teneur en nicotine de tous les produits qu’ils consomment afin de pouvoir évaluer concrètement la manière de cesser de fumer. Essayer d’arrêter de fumer tout en continuant à consommer de grandes quantités de nicotine dans d’autres produits risque d’inhiber la capacité d’arrêter. C’est pourquoi nous pensons que les professionnels de la santé qui veulent aider les gens à cesser de fumer devraient contrôler l’utilisation de tous les produits contenant de la nicotine.
À propos de cette étude
L’article «Type of e-liquid vaped, poly-nicotine use and nicotine dependence symptoms in young adult e-cigarette users: a descriptive study», par Jennifer O’Loughlin, Marie-Pierre Sylvestre et Erika Dugas, a été publié le 12 juin 2020 dans BMC Public Health.