Quels sont les effets réels du cannabis à long terme sur la santé ? C’est la question au cœur des Idées Claires, notre programme hebdomadaire produit par France Culture et franceinfo destiné à lutter contre les désordres de l’information, des fake news aux idées reçues.
Le cannabis médical devrait être expérimenté en 2020 chez certains malades. L’Agence nationale de sécurité du médicament a donné son feu vert en juin dernier pour les malades en « impasse thérapeutique », c’est-à-dire les patients souffrant notamment d’épilepsie résistante aux traitements, de douleurs neuropathiques ou d’effets secondaires de chimiothérapies.
Malgré son interdiction, le cannabis reste la substance illicite la plus consommée en France. Selon le dernier rapport de l’Observatoire français des drogues et toxicomanies, 45 % des Français ont déjà fumé du cannabis. Parmi eux, 11 % en ont consommé au cours de l’année et même 6 % au cours du dernier mois. Une consommation d’autant plus importante que la France est le pays avec la politique la plus répressive en Europe.
Si la consommation de cannabis comporte des risques pour la santé, est-il pour autant plus dangereux que l’alcool et le tabac, qui sont eux vendus légalement ?
Nous avons posé ces questions à Marie Jauffret-Roustide, sociologue, et chercheuse à l’Inserm.
Le cannabis est-il dangereux pour la santé ?
Marie Jauffret-Roustide : « Oui et non, tout dépend de ce qu’on entend par dangerosité et tout dépend de si on compare avec d’autres substances. Le cannabis est tout aussi dangereux que la consommation d’alcool ou de tabac par exemple. »
Quels sont les risques pour la santé ?
Marie Jauffret-Roustide : « Il peut y avoir des risques aigus liés à une consommation de cannabis, comme des troubles anxieux, des difficultés à anticiper, des troubles de la mémoire.
Ces risques sont amplifiés surtout quand vous consommez tôt, avant 15 ans, les risques sont très importants parce qu’il y a certains risques en particulier cognitifs qui sont irréversibles. »
Le risque s’atténue à l’âge adulte ?
Marie Jauffret-Roustide : « 50 % de la population, la moitié, a déjà expérimenté le cannabis au cours de sa vie. Pour les consommations qui sont occasionnelles, en particulier chez les adultes, là les risques sont aussi faibles que boire un verre de vin de temps en temps. Il y a une étude anglaise qui a montré que la mortalité liée au cannabis était 200 fois moins importante que la mortalité liée au tabac ou à l’alcool.
En France, la mortalité liée à la consommation de tabac, c’est 78 000 morts par an et la mortalité liée à la consommation d’alcool, c’est 49 000 morts par an. »
Y a-t-il un lien entre cannabis et schizophrénie ?
Marie Jauffret-Roustide : « C’est une des plus grosses controverses autour de la question du cannabis. Ce qui est prouvé dans la littérature, c’est que chez des personnes qui allaient développer une schizophrénie, la consommation de cannabis va précipiter les personnes dans l’entrée de la schizophrénie.
En revanche, là où il y a un débat encore très présent, c’est le fait que le cannabis lui-même, chez n’importe qui, pourrait entraîner la schizophrénie, donc être la cause de la schizophrénie. C’est ce lien qui a été beaucoup discuté. »
Y a-t-il un niveau de consommation critique ?
Marie Jauffret-Roustide : « Là encore une fois, c’est extrêmement compliqué parce que c’est lié à une diversité de facteurs environnementaux, votre histoire personnelle, le type de cannabis que vous allez consommer, la dose que vous allez prendre, votre vulnérabilité.
Ce qu’on connaît bien en revanche, c’est le risque de développer une dépendance, suite à la consommation de cannabis et là, les études les plus récentes montrent que 4 % des personnes qui expérimentent le cannabis et qui ensuite le consomment au cours des 12 derniers mois ont un risque de développer un risque de dépendance au cannabis. C’est un pourcentage qui est très faible par rapport à d’autres drogues. »
Le cannabis a-t-il des vertus médicales ?
Marie Jauffret-Roustide : « Alors le cannabis a des vertus médicales, mais comme la majorité des drogues qui sont avant tout des plantes. Elles permettent de diminuer les douleurs dans le cadre de certains cancers ou pour les soins palliatifs.
Elles permettent également d’augmenter l’appétit ou de diminuer les effets secondaires de certains médicaments et c’est la raison pour laquelle l’Agence de sécurité du médicament a en juin dernier mis en place une expérimentation pour le cannabis médical en France. »
La consommation de cannabis est-elle un fléau social ?
Marie Jauffret-Roustide : « Il y a une enquête de l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies qui a mis en évidence à Paris que c’étaient les jeunes issues du XVIe, du XVe et du Ve arrondissements, c’est-à-dire les arrondissements les plus huppés, qui avaient les niveaux d’expérimentation du cannabis les plus élevés et que les jeunes issus du nord-est parisien, issus de quartiers plus défavorisés, avaient des niveaux d’expérimentation plus faibles.
En revanche, même si en valeur absolue, les jeunes issus de milieux défavorisés vont consommer moins que les jeunes issus de milieux favorisés, quand les jeunes issus de milieux défavorisés consomment, ils sont plus à risque, ils vont avoir des consommations plus intensives et surtout, moins de supports sociaux qui vont leur permettre d’aller consulter le bon spécialiste et d’arrêter leur consommation. »
Les politiques répressives sont-elles efficaces ?
Marie Jauffret-Roustide : « L’Islande était il y a 20 ans, le pays avec le plus haut niveau de consommation de cannabis et d’alcool chez les jeunes en Europe. Donc ils ont décidé, au lieu de continuer d’avoir une approche répressive de mettre en place une politique qui met plutôt l’accent sur le bien-être des adolescents, le développement de leurs compétences psycho-sociales donc ils ont investi beaucoup d’argent pour permettre aux adolescents de toutes les classes sociales de faire des activités extrascolaires, des activités en famille et ils ont aujourd’hui le niveau de consommation d’alcool et de cannabis le plus bas en Europe.
Alors qu’en France, on a pour le moment choisi une option très différente puisque la France est l’un des pays les plus répressifs d’Europe vis-à-vis de la consommation de cannabis et de drogue en général et nous avons chez les jeunes, le niveau de consommation de cannabis le plus important en Europe. »
Source : France Culture
« les études les plus récentes montrent que 4 % des personnes qui expérimentent le cannabis et qui ensuite le consomment au cours des 12 derniers mois ont un risque de développer un risque de dépendance au cannabis. C’est un pourcentage qui est très faible par rapport à d’autres drogues.”
Cette phrase ne me semble pas très clair…
> Au cours des 12 derniers mois avant que soient faites ces études ? Ou au cours des 12 mois suivant leur 1ère expérimentation ?
> « Un risque de développer un risque de dépendance » ? Ce n’est pas plutôt « un risque de développer une dépendance » ?
Je m’étonne aussi de l’affirmation « Le cannabis est tout aussi dangereux que la consommation d’alcool ou de tabac par exemple. » alors qu’il est dit plus bas que « la mortalité liée au cannabis était 200 fois moins importante que la mortalité liée au tabac ou à l’alcool » (au passage, le tabac très souvent consommé avec le cannabis ne joue-t-il pas de façon importante sur les décès liés au cannabis par maladies pulmonaires ?), et qu’il me semble évident que ses conséquences sur la santé sont bien plus dangereuses que des risques tels que « des troubles anxieux, des difficultés à anticiper, des troubles de la mémoire. » et que l’impact sur la société de la consommation d’alcool est autrement plus dévastateur (violences, en particulier) .