L’expérimentation de l’usage thérapeutique du cannabis en France, initiée le 26 mars 2021, avait pour objectif de répondre à des décennies de débats sur l’efficacité et la sécurité de ce traitement. Mise en place après une longue pression des patients et des associations, elle a officiellement pris fin le 31 décembre 2024. Pourtant, l’étape décisive pour intégrer cette pratique au droit commun – la publication d’un décret d’application – reste en suspens. Cette situation plonge des milliers de patients dans une incertitude insoutenable, alors que les résultats de l’expérimentation ont démontré l’efficacité et la sécurité de ces traitements.
Un bilan positif : des vies transformées
Depuis 2021, l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) a supervisé cette expérimentation, impliquant près de 3 000 patients atteints de pathologies graves telles que le cancer, la sclérose en plaques, les douleurs neuropathiques ou encore des conditions palliatives. Les médicaments à base de cannabis, composés de THC (tétrahydrocannabinol) et de CBD (cannabidiol), ont permis à ces malades en impasse thérapeutique de retrouver une qualité de vie souvent inespérée, comme en témoignent plusieurs patients ayant rapporté une diminution significative de leurs douleurs et une amélioration de leur sommeil, selon les données recueillies dans le rapport de la Direction générale de la santé publié en novembre 2023.
Un rapport de la Direction générale de la santé, publié en novembre 2023, confirme ces résultats. L’efficacité clinique du cannabis médical a été observée dès trois mois de traitement, avec des effets positifs maintenus dans le temps. La sécurité du traitement a également été jugée rassurante.
Un cadre juridique en suspens
Malgré ce bilan, la mise en place d’un statut temporaire pour le cannabis médical, prévue par l’article 78 de la loi de financement de la Sécurité sociale 2024, demeure bloquée. La publication du décret d’application, pourtant essentielle pour intégrer ces traitements au droit commun, n’a toujours pas été effectuée. La ministre de la Santé a prolongé l’expérimentation de six mois, mais cette mesure ne concerne que 1 200 patients, une limitation qui semble découler de contraintes administratives et budgétaires, laissant ainsi les autres malades sans solution claire ni soutien.
Des conséquences humaines dramatiques
Les retours des patients et des professionnels de santé mettent en lumière une réalité bouleversante. Mado Gilanton, présidente de l’association Apaiser S & C, déclare : « On ne demanderait jamais à un diabétique d’arrêter l’insuline. Pourquoi priver des malades de leur seul traitement efficace ? » Les patients à qui les médecins annoncent l’arrêt imminent de leur traitement sombrent dans le désespoir. Certains envisagent même des actes irréparables face à cette privation.
Les professionnels, eux aussi, sont en porte-à-faux. Comment expliquer à des patients en fin de vie ou en situation palliative que leur traitement n’est plus autorisé ? Les conséquences de cette décision d’abstention administrative sont déjà perceptibles.
Une contradiction avec les avancées européennes
En Europe, 23 pays autorisent déjà le cannabis médical, notamment l’Allemagne et les Pays-Bas, où les patients bénéficient de dispositifs légaux stables et d’une accessibilité élargie. Pourtant, la France reste à la traîne, paralysée par des préjugés liés à l’amalgame entre cannabis médical et usage récréatif. Comme le souligne Franck Milone, entrepreneur et patient, « assimiler les dérivés médicaux du cannabis à des drogues récréatives revient à confondre les morphiniques hospitaliers avec des fumeries d’opium ».
Un appel à l’action
Le retard français est un frein non seulement à l’autonomie sanitaire des patients, mais également à la souveraineté économique. Par exemple, des pays comme le Canada et l’Allemagne ont su développer des industries locales robustes en matière de cannabis médical, générant des emplois, favorisant l’innovation et réduisant leur dépendance aux importations. En France, cette inertie prive non seulement les patients de solutions adaptées, mais empêche également la création d’une filière nationale aux impacts économiques prometteurs. En continuant d’importer ces traitements, la France se prive de la création d’une filière nationale, avec des retombées économiques et scientifiques pourtant à portée de main.
Le gouvernement doit agir rapidement pour mettre fin à cette situation intenable. Les preuves scientifiques sont là, les bénéfices humains également. Il est temps que les décideurs politiques mettent en cohérence leurs discours avec leurs actes.
Le CIRC appelle à une mobilisation citoyenne pour exiger la publication immédiate du décret d’application. L’indifférence n’a plus sa place : il en va de la dignité et de la vie de milliers de malades.
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Pour aller plus loin sur le sujet, lire les deux articles suivants réservés aux abonnés (1) (2) que le CIRC met gracieusement à votre disposition ci-dessous au format PDF :
Pourquoi faut-il poursuivre l’usage du cannabis médical ?