Alors que des Marcheurs envisagent la légalisation du cannabis récréatif, l’exécutif se montre réticent et la division gagne le gouvernement.
POLITIQUE – Si Gérald Darmanin estime que le cannabis “c’est de la merde”, la politique française en la matière relève clairement de l’échec. Malgré une législation répressive, la France demeure le pays où la consommation est la plus élevée d’Europe et où les dégâts causés par les trafics ne cessent de s’aggraver. Sans compter le fait que les substances consommées échappent à tout contrôle, avec tous les risques sanitaires que cet angle mort comprend.
Partant de ce constat, une mission d’information sur “la réglementation et impact des différents usages du cannabis” a été lancée à l’Assemblée nationale en novembre dernier. Présidée par le député LR Robin Reda et réunissant des élus de sensibilités différentes, celle-ci rend son rapport ce mercredi 5 mai. Parmi ses membres, plusieurs députés LREM penchent clairement pour la légalisation. À l’image des élus macronistes Jean-Baptiste Moreau, Ludovic Mendes ou encore Caroline Janvier. Rapporteure du volet “récréatif” de cette mission, cette dernière, députée du Loiret, se dit même “convaincue” que la substance sera, un jour ou l’autre, légale en France.
N’y cherchez pas une forme de fracture
Ambroise Méjean, délégué général des « Jeunes avec Macron »
Elle n’est pas la seule au sein du parti présidentiel à pencher du côté de la légalisation. Dimanche 25 avril, les Jeunes avec Macron ont publié dans le JDD une tribune en faveur d’une autorisation encadrée du cannabis… le jour où le ministre de l’Intérieur déclarait la guerre à cette substance dans ce même journal.
“Il ne faut pas croire qu’on fait un coup politique, on travaille sur le sujet depuis plus d’un an. Je partage sa vision de la sécurité, n’y cherchez pas une forme de fracture”, démine auprès du HuffPost le patron des “JAM” Ambroise Méjean, qui jure que “la seule finalité de cette prise de position, c’est de montrer qu’il y a un débat dans la majorité”. Pourtant, le discours résolument anti-fumette martelé par Gérald Darmanin vient jeter le trouble dans une famille politique qui vante une approche progressiste des questions sociétales. D’autant que le chef de l’État lui-même semble revenir sur ses orientations de 2017 à ce sujet.
“L’ADN d’En Marche!”
“Je vois des positions diverses, ça ne me choque pas que sur les questions de société on puisse avoir différentes sensibilités qui s’expriment, comme pour la fin de vie”, tempère au HuffPost le patron de LREM Stanislas Guérini. Or, plus que des positions diverses, ce sont carrément des contradictions qui s’expriment. Ainsi, quand le ministre de l’Intérieur entend “lutter contre le soft-power des pro-légalisation mené sur certaines plateformes Internet”, on trouve sur la plateforme d’idées lancée par LREM une résolution appelant justement à “légaliser le cannabis”.
Pour le député LREM Sacha Houlié (ex-patron des “JAM”), “il est temps de mettre fin à cette forme d’hypocrisie” qui entoure la consommation de cannabis. D’autant que pour l’élu de la Vienne, “la dimension progressiste et libérale” du parti présidentiel impose de faire évoluer la législation.
C’est également ce que pense Caroline Janvier. “Le fait d’aborder les sujets de façon pragmatique, et non idéologique, en dehors des ‘prêts-à-penser’, c’est justement dans l’ADN d’En Marche! On a beaucoup reproché ce travers à la droite et à la gauche avant que nous arrivions aux responsabilités. Et c’est justement à cause de ces postures idéologiques que l’on s’est longtemps trompé de débat. En entretenant une confusion entre légalisation et promotion. Or, ce n’est pas le sujet. L’idée, c’est de mieux contrôler et protéger les mineurs. L’enjeu est purement sanitaire”, détaille l’élue du Loiret.
“J’ai un avis que je vais garder pour moi…”
Au sein du gouvernement, le sujet divise. Mais pas au point d’aller au clash avec l’omniprésent Gérald Darmanin. Plusieurs ministres favorables à une ”évolution de la législation” préfèrent ne pas s’épancher sur un sujet jugé “un peu trop touchy” et font promettre de ne rien en dire. Même dans la majorité, certains préfèrent l’esquive pour ne pas se retrouver dans l’embarras. “J’ai un avis que je vais garder pour moi”, sourit une cadre du groupe macroniste, pourtant connue pour porter haut ses convictions. Quoi qu’il en soit, la remise du rapport ce 5 mai marquera forcément une nouvelle étape dans l’appréhension de cette question en France.
“La question que l’on doit se poser, c’est: veut-on faire partie des pays progressistes, comme les États-Unis ou le Canada, qui avancent sur cette question, ou veut-on rejoindre le camp de la Russie et de la Chine qui ont une position très réactionnaire sur le sujet?”, interroge Caroline Janvier. Chez Gérald Darmanin en tout cas, c’est pour l’instant la deuxième option qui domine. Sûrement pas en ces termes.
Cet article fait partie de notre dossier “Légalisation, c’est weed ou non?”, alors que les voix se font de plus en plus fortes en France pour appeler à un débat sur la légalisation du cannabis récréatif.
Épisode 2: Sur 250.000 citoyens consultés, 80% plébiscitent la légalisation du cannabis
Épisode 3: La stupéfiante évolution de Rachida Dati sur le cannabis
Épisode 4: La légalisation du cannabis expérimentée à Reims? On est allé voir sur place
Épisode 5: Macron et le cannabis, une histoire de revirements pour aboutir à la tolérance zéro
À voir également sur Le HuffPost:Reims, future ville-test de la légalisation du cannabis? On est allé voir sur place