Pointant du doigt « l’échec cuisant » de la politique de répression « suivie depuis cinquante ans » en France, le Conseil économique, social et environnemental (Cese) préconise une « légalisation encadrée » de cette drogue dite « douce ».
Faut-il légaliser le cannabis en France ? La question revient régulièrement dans le débat public, pas plus tard que lors de la dernière campagne présidentielle. Candidat à sa réélection, Emmanuel Macron avait déclaré qu’il n’était « pas favorable » à la légalisation, privilégiant un débat national sur la question. Une position contraire à celle du candidat Yannick Jadot (EELV), Jean-Luc Mélenchon (LFI) ou encore Philippe Poutou (NPA), qui prônaient tous la légalisation.
De son côté, le Conseil économique, social et environnemental (Cese) s’est prononcé ce mardi en faveur d’une légalisation encadrée de cette drogue dite « douce ». Pendant un an, cet organe consultatif de la société civile, où siègent notamment associations et syndicats, a mené des travaux sur le sujet. Objectif : faire le bilan des politiques publiques en vigueur en France. Conclusion : celles-ci sont inefficaces.
L’échec de la politique répressive depuis 50 ans
Jean-François Naton, président du Cese, évoque ainsi « l’échec cuisant de la politique suivie depuis cinquante ans« , qui sanctionne d’une amende de 200 euros les consommateurs de ce stupéfiant. L’instance estime également que « du point de vue de la santé publique, les actions de prévention menées sont globalement inefficaces, notamment auprès des jeunes consommateurs, qui sont de plus en plus exposés à des produits non contrôlés ».
En 2021, Santé publique France avait lancé la campagne de lutte contre la consommation de cannabis « Histoire de joints, qui consistait à donner la parole aux consommateurs de cannabis via des témoignages audios. Mais avec 5 millions d’usagers réguliers, la France est le pays de l’Union européenne qui compte en proportion le plus de consommateurs et de consommatrices de stupéfiants. Selon l’Observatoire européen des drogues et des toxicomanies (OFDT), 45% des 15-64 ans ont déjà consommé du cannabis au moins une fois au cours de leur vie, contre 27% dans l’ensemble de l’Union européenne.
Des pistes concrètes pour une légalisation
Le Cese préconise de ne plus sanctionner pénalement l’usage et la culture du cannabis à usage personnel. Il recommande de distribuer le cannabis dans des commerces légaux soumis à licence. Ces points de vente seraient interdits aux mineurs et « toute propagande ou publicité en faveur du cannabis ainsi que toute distribution gratuite ou promotionnelle » serait bannie. Le but est de créer une filière de production et de distribution françaises où « la logique de santé publique prime sur les profits avec un encadrement des volumes de production ».
Interrogé par France Inter, Florent Compain, conseiller au Cese, précise qu’il faut « que les usagers puissent être informés du taux de THC, de CBD. Ils ne doivent pas privilégier les produits les plus forts, ce qui n’est pas la logique ». Concernant les mineurs, l’objectif est de les orienter vers une « commission d’accompagnement éducative et thérapeutique, en réparant les injustices sociales engendrées par le trafic de cannabis » .
L’idée est de permettre la culture individuelle en « collectifs », en prenant exemple sur les cannabis social clubs, des associations de consommateurs qui aident ses membres à cultiver cette plante psychoactive pour leurs consommations personnelles.La légalisation conduirait aussi à repenser les tests de dépistage au volant. Pour Florent Compain, « les tests ne sanctionnent pas l’emprise, mais l’usage. Quelqu’un qui a consommé cinq jours avant voire même plusieurs semaines peut être positif. Quelque part, c’est injuste » .
Le Canada et l’Uruguay ont déjà légalisé la consommation du cannabis « récréatif » . Malte a été le premier pays européen à sauter le pas, et l’Allemagne devrait suivre d’ici 2024.