Un nouveau rapport alarmant de « Harm Reduction International » révèle l’ampleur des conséquences néfastes de la guerre mondiale contre la drogue et les fonds internationaux massifs consacrés à cette cause. Le rapport appelle à un réexamen radical de la politique en matière de drogue, soulignant que les approches actuelles sont non seulement inefficaces, mais qu’elles portent également atteinte aux droits humains, à la santé publique et au développement.
Le document révèle qu’entre 2012 et 2021, 30 pays donateurs ont attribué la somme impressionnante de 974 millions de dollars en aide internationale à la « lutte contre les stupéfiants ». Une portion notable de cette aide, s’élevant à au moins 70 millions de dollars, a été allouée à des nations qui ont recours à la peine de mort pour des infractions liées à la drogue.
Il est particulièrement troublant de constater que, selon le rapport, en 2021, des fonds d’aide ont été octroyés à l’Indonésie pour soutenir un « programme de formation à la lutte contre les stupéfiants », au même moment où l’Indonésie prononçait un nombre record de 89 condamnations à mort pour des délits liés à la drogue. De même, le Japon a versé plusieurs millions de dollars à l’Iran pour financer ses unités canines de détection de drogue, tandis que l’Iran exécutait au moins 131 personnes pour des affaires liées à la drogue en 2021.
Au cours de la dernière décennie, les États-Unis ont émergé comme le premier contributeur, représentant plus de la moitié du financement mondial de la guerre contre la drogue, avec un montant de 550 millions de dollars. Ils sont suivis par l’Union européenne (282 millions de dollars), le Japon (78 millions de dollars), le Royaume-Uni (22 millions de dollars), l’Allemagne (12 millions de dollars), la Finlande (9 millions de dollars) et la Corée du Sud (8 millions de dollars), selon les données de Marijuana Moment.
Il est préoccupant de noter que la lutte contre la drogue reçoit davantage d’aide étrangère que des domaines tels que l’alimentation scolaire, l’éducation de la petite enfance, les droits du travail et les soins de santé mentale. Au cours de la période examinée dans le rapport, 92 pays ont bénéficié de l’aide destinée au « contrôle des stupéfiants ». Les principales nations bénéficiaires incluent la Colombie (109 millions de dollars), l’Afghanistan (37 millions de dollars), le Pérou (27 millions de dollars), le Mexique (21 millions de dollars), le Guatemala et le Panama (10 millions de dollars chacun).
Le rapport souligne le rôle historique de la politique de la drogue utilisée par les grandes puissances pour consolider leur contrôle sur d’autres populations et cibler des groupes spécifiques. Les dynamiques racistes et coloniales continuent d’influencer ces politiques, avec les gouvernements les plus riches, en tête les États-Unis, dépensant des milliards de dollars de fonds publics dans le monde entier pour renforcer ou élargir les régimes punitifs de contrôle des drogues et les mesures d’application de la loi qui les accompagnent.
Le rapport met en lumière la contradiction entre ces flux financiers et les preuves existantes, ainsi que les engagements internationaux en matière de développement, de santé et de droits de l’homme, y compris l’objectif de mettre fin à l’épidémie de VIH d’ici 2030. Ces financements soutiennent des systèmes qui affectent de manière disproportionnée les populations noires et autochtones à travers le monde, renforçant ainsi ces inégalités.
Alors que certains pays, tels que le Royaume-Uni, ont réduit leurs dépenses pour les initiatives de lutte contre la drogue à l’étranger, d’autres ont choisi d’augmenter leur soutien. Par exemple, les États-Unis ont considérablement augmenté leur financement de la guerre contre la drogue au début du mandat du président Joe Biden.
Bien que les États-Unis soient le principal contributeur mondial à la guerre contre la drogue, le rapport de la HRI met en évidence les fluctuations de ces chiffres. En 2021, par exemple, les États-Unis ont alloué 301 millions de dollars en aide au « contrôle des stupéfiants », ce qui représente une augmentation significative par rapport aux 31 millions de dollars de l’année précédente. Selon le rapport, la Colombie est devenue le principal bénéficiaire de cette aide.
Atteinte aux Droits Humains, à la Santé et au Développement
La guerre contre la drogue a entraîné des conséquences graves pour les communautés pauvres, marginalisées et racialisées du monde entier. Les résultats incluent une incarcération de masse, des prisons surpeuplées, des condamnations à mort, des civils tués lors d’opérations antidrogues, et la destruction des moyens de subsistance des agriculteurs pauvres par des pulvérisations aériennes et des éradications forcées de cultures. De plus, les droits sont violés par les programmes de traitement forcé, la discrimination, et les obstacles aux soins de santé.
Ces impacts négatifs ont été largement reconnus internationalement par des agences telles que les Nations Unies, la Banque mondiale et l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). De plus, des preuves soutiennent l’efficacité des approches alternatives basées sur la réduction des risques pour la santé publique et les droits de l’homme. Malgré cela, des sommes considérables de financement international continuent d’être allouées à des activités punitives de contrôle des drogues, tandis que la réduction des risques reste sous-financée.
Histoire de Politiques en Matière de Drogue Colonialistes
L’histoire montre que les puissances mondiales ont utilisé la politique en matière de drogue pour renforcer leur contrôle sur d’autres populations et cibler des communautés spécifiques. Cette dynamique coloniale et raciste persiste aujourd’hui, avec des gouvernements riches, notamment les États-Unis, dépensant des milliards de dollars pour étendre les régimes de contrôle des drogues punitifs. Ces dépenses contredisent les engagements internationaux en matière de développement, de santé et de droits de l’homme, y compris l’objectif de mettre fin au sida d’ici 2030.
L’appel à la Décolonisation et à la Réorientation des Fonds
Pour décoloniser la politique en matière de drogue et promouvoir des approches fondées sur la santé et les droits de l’homme, le rapport recommande de révéler et de réorienter les bases matérielles et financières du contrôle punitif des drogues. Les recherches présentées synthétisent les flux financiers internationaux liés au contrôle des drogues et soulignent la nécessité de réorienter les fonds.
Manque de Transparence
Le manque de transparence entoure ces dépenses. Les donateurs déclarent leurs dépenses à l’OCDE, mais l’analyse des données révèle que près d’un milliard de dollars ont été dépensés pour le « contrôle des stupéfiants » entre 2012 et 2021. Cette dépense soulève des inquiétudes étant donné que des millions de dollars ont été alloués à des pays appliquant la peine de mort pour des infractions liées à la drogue.
Alternatives Sous-Financées
Le rapport souligne que malgré les preuves des avantages des initiatives de réduction des risques pour la santé publique, celles-ci demeurent sous-financées à l’échelle mondiale. Ces initiatives visent à atténuer les conséquences négatives de la consommation de drogues sans nécessairement mettre fin à cette consommation.
Conclusion et Recommandations
Le rapport conclut en exhortant les donateurs internationaux à cesser d’utiliser l’argent de leurs budgets d’aide pour les activités de « contrôle des stupéfiants », à abandonner les régimes punitifs de contrôle des drogues, et à investir dans des initiatives de réduction des méfaits centrées sur la santé et les droits de l’homme. La société civile, les journalistes et les contribuables sont également encouragés à demander davantage de transparence sur la manière dont les fonds sont dépensés. Les gouvernements sont appelés à décriminaliser la consommation et la possession de drogues et à évaluer leurs dépenses pour investir dans des programmes basés sur des données probantes.
En somme, le rapport révèle les coûts humains et financiers de la guerre mondiale contre la drogue et appelle à un changement radical dans la manière dont les ressources sont allouées, en mettant l’accent sur la santé publique, les droits de l’homme et le développement. La décision de décoloniser la politique en matière de drogue et de réaffecter les fonds est essentielle pour créer des sociétés plus saines et plus justes.
We know that public health programmes that prioritise community and justice are effective and save public funds. Yet governments and donors around the world continue to waste vast amounts of money on funding punitive responses to drugs. https://t.co/zumPT5s8cc #investinjustice pic.twitter.com/eLObjJPf9w
— Harm Reduction International (@HRInews) September 14, 2023
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L’article publié ici par HRI sur ce rapport alarmant.
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