Selon une étude de l’OFDT, l’âge de l’usager moyen est passé de 25,1 ans à 32,8 ans entre 1992 et 2021. Si la consommation se stabilise, avec 10,6 % de la population concernée dans l’année, chez les moins de 25 ans, les indicateurs sont à la baisse.
Les données de cette enquête, menée auprès de 23 661 adultes âgés de 18 ans à 64 ans, en partenariat avec l’agence Santé publique France, confirment d’abord la stabilisation des grands indicateurs de consommation, avec 10,6 % de la population ayant consommé du cannabis dans l’année, et 47,3 % (soit près de dix-huit millions de Français) l’ayant déjà expérimenté au cours de leur vie. Elles soulignent aussi la tendance au vieillissement de l’usager moyen du cannabis, dont l’âge est passé de 25,1 ans à 32,8 ans entre 1992 et 2021.
Chez les moins de 25 ans, l’ensemble des indicateurs est à la baisse depuis 2017, que cela concerne l’expérimentation – en baisse de 5,5 points par rapport à l’étude de 2017, passant de 53,5 % à 48 % – ou l’usage régulier – diminution de 2,1 points entre 2017 et 2021, de 8,4 % à 6,3 %. Au contraire, les usagers sont de plus en plus nombreux à déclarer une consommation au-delà de 35 ans, plus encore après 45 ans : 3,4 % des 45-54 ans ont consommé du cannabis au moins une fois par mois en 2021 contre 2,9 % en 2017 ; et 2,5 % des 55-64 ans en ont consommé dans l’année en 2021 contre 1,6 % selon l’étude de 2017.
« Ces éléments interrogent sur une vision initiale un peu naïve de l’usage du cannabis dans la population, souligne Stanislas Spilka, responsable de l’unité scientifique DATA de l’OFDT et coauteur de l’étude. A la fin des années 1990, on croyait qu’au-delà de 25 ans, avec une vie active, en couple, l’usage baisserait. Or, on remarque qu’une partie de ces jeunes usagers de l’époque ont poursuivi – ou repris – leur usage en vieillissant. »
Ces données questionnent aussi les usages a priori plus éloignés du contexte dit « festif » traditionnellement observé dans les populations les plus jeunes. « Cette image-là n’est vraisemblablement pas la même à 40 ans, observent les auteurs. Il convient d’amorcer une réflexion sur ces usages du “joint du soir” ou au dîner par exemple. » Une analyse du contexte et des motivations de ces fumeurs plus âgés fera l’objet d’une étude qualitative attendue l’année prochaine.
« Changement de comportements »
Cette photographie à un instant T fige aussi les écarts importants en matière de consommation entre les femmes et les hommes : 54,9 % des hommes contre 39,9 % des femmes ont déjà expérimenté la substance. Des chiffres bien éloignés de ceux des autres drogues illégales, variant entre 1 % et 3 %. Quant à l’usage de cannabis dans l’année, il est deux fois plus élevé chez les hommes que chez les femmes : 14,2 % contre 7,2 %.
Les résultats générationnels peuvent néanmoins donner des pistes d’analyse pour le futur : l’érosion de la prévalence chez les plus jeunes pourrait, selon les auteurs de l’étude, se poursuivre à mesure qu’ils avanceront en âge, et réduire ainsi la part des consommateurs dans les années à venir. D’autant que, comme le souligne M. Spilka, « on ne peut pas déconnecter l’usage du cannabis de celui de la cigarette. Avec la baisse du tabac dans la population adolescente, il se joue quelque chose. Ces changements de comportements d’usage dans les jeunes générations sont possiblement
A cette disparité d’âge s’ajoutent des différences géographiques. Les résultats récoltés à l’échelle des régions varient fortement, selon une forme d’opposition « Nord-Sud ». La région Occitanie, notamment, compte 55,1 % d’expérimentateurs, soit 8 points de plus que la moyenne nationale, 7,4 % d’usagers dans le mois (contre 5,9 % au niveau national) et 3 % d’usagers quotidiens (contre 1,7 %). Au contraire, avec 38,8 % d’expérimentateurs, la région Hauts-de-France se situe 9 points en dessous.
Les résultats dans les régions et départements d’outre-mer diffèrent aussi largement de ceux obtenus en métropole. Globalement, leur prévalence est moins importante – la Guyane par exemple connaît un niveau d’expérimentation deux fois plus faible que la métropole –, mais la part d’utilisateurs réguliers ou quotidiens parmi ces fumeurs est plus élevée.
Néanmoins, il est difficile d’établir des explications à ces différences entre territoires. « On retrouve certaines corrélations avec d’autres usages et consommations excessives, notamment l’alcool, et on peut mettre en relief des éléments de sociabilité différents selon les régions, où encore la proximité avec l’Espagne pour certaines, explique Olivier Le Nézet, coauteur de l’étude et statisticien à l’OFDT. Mais il existe, au sein de ces ensembles régionaux, des disparités plus pertinentes, par exemple entre la ville et la campagne, ou Paris et l’Ile-de-France. Ces contextes engendrent des différences de perception et d’opinion sur les produits. »
Prix d’achat en hausse
Mais une chose est établie : la disponibilité du produit est large, notamment en métropole, que ce soit sous forme d’herbe ou de résine. D’après la précédente étude, en 2020, le consommateur français prise de plus en plus l’herbe, avec 61 % lors de son dernier usage, contre 37 % pour la résine. Un chiffre qui fait écho à la hausse des saisies d’herbe ces dernières années : 39,5 tonnes en 2021, selon l’Office antistupéfiants, contre 4,5 tonnes en 2010. Les prix d’achat, dans les deux cas, sont en hausse : de 5 euros à 8 euros le gramme pour la résine, et de 7,50 euros à 10 euros le gramme pour l’herbe, en moyenne, entre 2011 et 2020, d’après les constatations des services de police spécialisés.
Selon une étude de l’OFDT menée auprès d’usagers en 2019, l’achat se fait toujours et essentiellement par le biais d’une « connaissance », souvent un dealeur chez qui le consommateur a ses habitudes, bien que soit noté un développement des transactions facilitées par des contacts sur les réseaux sociaux, où de nombreux revendeurs proposent leur marchandise, usant des dernières techniques marketing et de coups promotionnels.
Pareil niveau de diffusion dans la société engendre des risques sanitaires majeurs. « Le fait marquant est la hausse de la teneur en THC [tétrahydrocannabinol], avec un taux de cette molécule, aux effets puissants, dans la résine d’environ 13 % en 2010 contre plus de 20 % aujourd’hui », ajoute M. Spilka.
Malgré le recul récent, mis en avant par l’étude, de l’attrait des moins de 25 ans pour le cannabis, la France demeure solidement ancrée dans le palmarès des pays européens où cette drogue est la plus consommée. Selon le dernier rapport sur les drogues de l’Observatoire européen des drogues et des toxicomanies, elle se classe toujours en tête pour ce qui est de la prévalence dans la population adulte, et chez les 15-34 ans. Seules la République tchèque, la Slovaquie et l’Italie dépassent la France, de quelques points, dans la catégorie « population scolaire (15-16 ans) ».