L’organisme de l’ONU chargé des droits humains a publié le 15 août 2023 un rapport sur l’impact des politiques des drogues sur les droits des personnes. Faisant le constat que la répression nuit à l’accès à la santé et est porteuse de discriminations, il recommande aux États de mettre fin à la « guerre aux drogues », de mettre l’accent sur la réduction des risques et de dépénaliser la consommation de drogues.
Le Haut-Commissaire des Nations unies aux droits de l’homme a publié le 15 août 2023 un rapport sur les enjeux liés aux droits humains vis-à-vis des politiques mondiales en matière de drogues.
Ce texte a été commandé en mars 2023 par le Conseil des droits de l’homme de l’ONU et a été alimenté par les contributions d’États et d’organismes de la société civile. C’est la première fois que les instances onusiennes chargées des droits humains — basées à Genève — s’intéressent aussi en détail à la question des drogues, d’habitude traitées uniquement par la Commission sur les stupéfiants qui siège à Vienne.
Et le constat du Haut-Commissaire est sans appel : loin de prioriser la santé, « les politiques de contrôle des drogues sont pour l’essentiel fondées sur des approches punitives […] et de nombreux pays ont adopté des mesures répressives, qui ont des effets sur les droits de l’homme ».
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Mettre fin à la « guerre à la drogue »
Le Haut-Commissaire aux droits de l’homme rappelle en effet que « des décennies de stratégies répressives de “guerre contre les drogues” n’avaient pas permis d’empêcher que des quantités croissantes et une gamme de plus en plus large de substances soient produites et consommées ». Dans les cas les plus graves, la politique de répression conduit à une militarisation de l’action des forces de l’ordre, une escalade de l’emploi de la force létale, des exécutions extrajudiciaires voire l’application de la peine de mort pour infraction à la législation sur les stupéfiants.
Plus généralement, le rapport se préoccupe du « recours inutile et disproportionné au système de justice pénale pour traiter les infractions liées à la drogue, une approche qui a entrainé une croissance exponentielle de la population carcérale. » Une question qui concerne la France où la simple consommation de drogue peut être punie d’un an de prison et où le nombre de condamnations pénales pour usage de stupéfiants est passé de 34 000 en 2004 à 76 800 en 2018.
Développer la réduction des risques
Le rapport préconise le développement de programme de soins et de réduction des risques ainsi que d’éliminer les obstacles qui en limitent l’accès. Sont notamment cités : accès à des soins médicaux adéquats, notamment à des traitements de substitution, l’interdiction de la désintoxication obligatoire, les programmes de réinsertion efficaces et volontaires. Une mention est consacrée à la situation en milieu carcéral où ces dispositifs devraient également être accessibles, notamment « les programmes de distribution d’aiguilles et de seringues [qui constituent] des mesures essentielles de réduction des risques ». La Fédération Addiction avait d’ailleurs envoyé au Haut-Commissariat une contribution en ce sens.
Sur la question des jeunes, le rapport note que « les mesures de prévention des drogues conçues pour inspirer la peur […] continuent de soulever des inquiétudes du point de vue du respect des droits de l’homme » et regrette le manque « de services de réduction des risques et de traitement adaptés aux besoins des jeunes ».
Le Haut-Commissaire souligne de plus que les politiques qui tiennent compte des questions de genre, le financement public des mesures de prévention ou encore l’existence de salles de consommation supervisée font partie des mesures améliorant le droit à la santé.
« La suppression des sanctions visant les consommateurs de drogues peut réduire la surpopulation carcérale, avoir des effets positifs en matière de santé, favoriser le respect des droits de l’homme et remédier à la stigmatisation et à la discrimination » Rapport 2023 du Haut-Commissaire aux droits de l’homme
Dépénaliser la consommation de drogues
Dans la suite logique des constats sur les effets néfastes des politiques répressives, le rapport du Haut-Commissaire aux droits de l’homme recommande aux États d’envisager « de dépénaliser la consommation » rappelant qu’il est « prouvé que la suppression des sanctions visant les consommateurs de drogues peut réduire la surpopulation carcérale, avoir des effets positifs en matière de santé, favoriser le respect des droits de l’homme et remédier à la stigmatisation et à la discrimination ».
Une recommandation qui rejoint les préconisations en France du Collectif pour une nouvelle politique des drogues qui a proposé en juin dernier une loi pour mettre fin aux sanctions pénales pour simple consommation de drogues et propose de signer une pétition en ce sens.
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