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Au Havre (Seine-Maritime), la ville du Premier ministre, la mort d’un docker retrouvé sur un parking de l’agglomération sème l’inquiétude. Sa mort serait liée au trafic de drogue. Ces trois dernières années, une vingtaine de dockers auraient été kidnappés et menacés.
Coke en stock sur les docks. Une semaine après la découverte du corps d’un docker, délégué CGT au port du Havre (Seine-Maritime), l’enquête s’oriente sur la piste d’un kidnapping, lié au trafic de drogue et qui aurait mal tourné. C’est la première fois qu’un docker est retrouvé mort après avoir été enlevé, séquestré et frappé. En revanche, ce n’est pas une nouveauté que des dockers et des agents du port soient menacés ou intimidés, en lien avec le trafic de cocaïne, qui a explosé ces dernières années. Ils seraient, ces trois dernières années, une vingtaine a avoir été enlevés, séquestrés et parfois roués de coups avant d’être relâchés. Il n’y a toutefois eu que très peu de dépôts de plaintes.
Les cartels utilisent les dockers, de gré ou de force
Aujourd’hui, Le Havre est considéré par les spécialistes des cartels de la drogue sud-américains comme la première porte d’entrée en France en volume pour la cocaïne en provenance directe ou indirecte de Colombie ou du Mexique.
Ces cartels ont besoin en permanence de complicités, de gré ou de force. Et encore plus, selon les enquêteurs spécialisés sur les stupéfiants, depuis le début du déconfinement : les vols commerciaux n’ayant pas repris, les frontières extérieures de l’Union européenne étant fermées, les ports européens sont devenus encore plus stratégiques qu’ils ne l’étaient avant la crise du Covid-19. Et les pressions sur les employés seraient en conséquence encore plus fortes…
Allan Affagard, 40 ans, le docker retrouvé mort vendredi 12 juin, avait été mis en cause pour son rôle présumé dans le déchargement d’une cargaison, surveillée depuis de longues semaines par différents services de renseignement, douaniers et policiers. Trois hommes cagoulés auraient déposé son corps sur le parking d’une école sur la commune de Montivilliers, après l’avoir enlevé la veille au soir, séquestré et roué de coups.
Délégué syndical CGT sur le port havrais, il avait été mis en examen en 2018 et placé sous contrôle judiciaire, mais pas en détention provisoire. Il avait d’ailleurs toujours nié avoir été corrompu ou avoir demandé à ses collègues de fermer les yeux au bon moment. Ce que l’on sait aujourd’hui, c’est qu’il était allé porter plainte au début de l’année, pour des messages de menaces reçus sur son smartphone. Des textos du type « on sait où tu habites », envoyés via une messagerie cryptée, et lui réclamant der donner un coup de main lors d’une livraison.
Le nombre d’affaires en lien avec le trafic de cocaïne a augmenté
On savait que les affaires de saisie de cocaïne se multipliaient ces dernières années sur le port du Havre : les prises, de plus en plus importantes, se comptent désormais en tonnes. Et sur les quelques 3000 employés, plusieurs dizaines de dockers ont été mis en cause, certains déjà condamnés.
Ce fut le cas par exemple l’année dernière, lors d’un procès retentissant à Lille, où huit dockers comparaissaient pour leur participation au déchargement d’une cargaison. Certains ont avoué leur rôle dans la logistique pour faire sortir discrètement la marchandise et reconnu combien ils avaient touché – des sommes allant de 20 000 euros à 100 000 euros en fonction du service rendu, une « fourchette basse » précise une source proche du dossier.
Le métier de conducteur de cavaliers (les grues géantes qui déchargent les containers des bateaux) serait particulièrement recherché par les trafiquants. Et les corrompus, évidemment, mieux rémunérés. Ce sont ces dockers qui vont chercher les containers pour les placer aux bons endroits, dans des angles morts de caméras par exemple, raconte un bon connaisseur de ces déchargements illégaux. Mais dans la chaîne, on trouve aussi l’agent qui fera rentrer une voiture, celui qui fournira le bon badge, etc.
Source : franceinter.fr