Par Laura Andrieu
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Dans une interview à Politico, le ministre de la santé luxembourgeois, Etienne Schneider, a annoncé qu’un projet de loi était prévu pour légaliser le cannabis d’ici deux ans. Le Grand-Duché deviendrait alors le premier pays européen à entièrement légaliser cette drogue douce.
« La législation sur la drogue que nous appliquons depuis 50 ans n’a pas marché ». Lucide, Etienne Schneider, ministre de la santé luxembourgeois, dresse un bilan de la politique menée par son pays concernant le cannabis. Dans une interview à Politico, il a annoncé qu’un projet de loi était prévu visant à totalement légaliser cette drogue douce. Il s’agirait d’une première pour un pays de l’Union européenne.
Le Luxembourg autorise déjà le cannabis à usage thérapeutique et ne pénalise pas la possession en petite quantité. Avec cette nouvelle loi, la vente serait autorisée bien que contrôlée. Le pays pourrait délivrer des licences de production et réglementer la consommation en imposant, par exemple, un âge minimum (18 ans) pour pouvoir acheter.
« Interdire les produits les a rendus plus attrayants aux yeux des jeunes », a déclaré Etienne Schneider à Politico. Pour y remédier, le ministre de la santé souhaite donc légaliser. « L’objectif principal de la légalisation, c’est d’arracher le contrôle de la production et de l’approvisionnement aux trafiquants », indique, Pierre-Alexandre Kopp, avocat au barreau de Paris, professeur agrégé à l’université Paris-I et spécialiste du trafic de stupéfiants. Une loi devrait être proposée par le gouvernement luxembourgeois cet automne pour qu’elle devienne active d’ici deux ans.
Légaliser ou dépénaliser?
Les étrangers ne devraient toutefois pas pouvoir se procurer cette drogue au Luxembourg, pour limiter le tourisme du cannabis. Pas question d’ouvrir des coffee-shops comme au Pays-Bas. D’ailleurs, le régime souhaité par les Luxembourgeois est différent du modèle hollandais qui n’a pas – contrairement à ce que l’on pourrait penser – légalisé le cannabis.
« La dépénalisation concerne en général la consommation, explique Pierre-Alexandre Kopp. Il n’est pas interdit de consommer du cannabis, mais la production et la vente sont toujours interdites et réprimées. C’est un système un peu hypocrite car on maintient le profit des organisations criminelles ». Les Pays-Bas autorisent ainsi seulement la vente de cannabis et dans des lieux bien définis : les coffee-shops. La production est, elle, toujours illégale: les propriétaires de coffee-shops ne peuvent pas s’approvisionner légalement et doivent se fournir auprès de réseaux criminels.
Au contraire, « légaliser signifie que l’on attribue un régime légal au cannabis comme pour le tabac, par exemple, complète l’avocat. C’est encadré ». C’est ce vers quoi tend le Luxembourg. Conscients des limites de leur système, les Pays-Bas ont également autorisé l’année dernière la production du cannabis d’État dans certaines villes, à titre expérimental. Plusieurs autres pays ont déjà légalisé la production de cette drogue à l’image de l’Uruguay, en 2013, de certains États américains comme le Colorado, ou encore, récemment, du Canada.
Pas de consensus en Europe
Au sein de l’Union européenne, aucun pays n’est encore allé aussi loin. Le débat existe en France, l’un des pays européens où la consommation de cannabis est la plus importante. « 3,8 millions de Français ont déclaré avoir fumé un joint dans l’année passée et nous avons 650.000 de fumeurs réguliers, indique Pierre-Alexandre Kopp. Le système de prohibition promu par la France depuis 50 ans est un échec. Non seulement il est inapte à protéger les plus fragiles, notamment les plus jeunes, mais en plus il pèse lourdement sur les dépenses publiques et profite aux organisations criminelles ». Une note de douze pages publiée en juin par le Conseil d’analyse économique (CAE), un think-tank indépendant mais placé sous l’autorité du premier ministre, a d’ailleurs préconisé de légaliser le cannabis en France.
Les auteurs de cette note, les économistes Emmanuelle Auriol et Pierre-Yves Geoffard, se sont appuyés sur les expériences menées dans plusieurs pays ayant légalisé la substance. La note propose de mettre en place un monopole de production et de distribution, un régime similaire à celui du tabac, avec une interdiction pour les mineurs. Le gramme serait fixé à 9 euros – TVA de 20% et droit d’accise inclus – un prix similaire à celui d’aujourd’hui, dans le but « d’assécher le marché illégal ». Ce travail a été présenté au cabinet du premier ministre même s’il ne s’agissait pas d’une commande. Impossible de savoir pour le moment si cette proposition sera prise en considération par les pouvoirs publics.
Le Luxembourg souhaiterait en tout cas que les autres membres de l’Union européenne lui emboîtent le pas. « J’aimerais que nous adoptions tous une plus grande ouverture d’esprit concernant la drogue », a souligné Etienne Schneider. Pour le moment, une dizaine de pays seulement a dépénalisé le cannabis, sur 28 États membres.
Source : Le Figaro