OUVERTURE. Dans le sillage d’autres pays de la région, le Malawi espère profiter des retombées économiques du cannabis à usage thérapeutique et industriel.
Par Le Point Afrique
Un de plus ! Le 27 février, le Parlement du Malawi a approuvé un projet de loi qui légalise la culture du cannabis à usage médicinal et industriel, tout comme plusieurs pays du sud du continent. La mesure donne le feu vert à l’exploitation de la plante pour la fabrication de textiles et de cordes notamment. D’après le texte consulté par l’AFP, un régulateur sera chargé de délivrer les licences pour la production, la vente et la distribution du produit. Les contrevenants s’exposeront en revanche à de fortes amendes allant jusqu’à 70 000 dollars et à une peine maximale de prison de 25 ans. La loi interdit également spécifiquement le recours aux enfants pour la production du cannabis, une pratique constatée à plusieurs reprises dans le secteur du tabac. Les États-Unis avaient d’ailleurs suspendu l’année dernière leurs importations de tabac en provenance du Malawi pour dénoncer le travail des mineurs dans sa production.
Une opportunité pour les agriculteurs
Le pays, réputé pour la qualité de son chanvre, compte donc sur les retombées économiques du cannabis pour compenser les chiffres de l’industrie du tabac, en perte de vitesse. Pour Chauncy Jere, porte-parole de l’Association de développement du chanvre au Malawi, pas de doute : « Le cannabis sera une industrie lucrative et la demande sera importante. » Son exploitation pourrait offrir de réelles opportunités aux paysans du Malawi, qui font tourner presque à eux seuls l’économie du pays. L’agriculture, dominée par le tabac avec 46 % des exportations, le sucre avec 9 % et le café avec 7 %, représente en effet 29,5 % du PIB national. Mais elle pourrait surtout réduire la pauvreté qui touche presque tous les exploitants du secteur. Il faut savoir qu’au Malawi, la pauvreté affecte 88 % de la population rurale, contre 18 % en zone urbaine, un déficit en infrastructures et une dépendance accrue aux aléas climatiques rendant les agriculteurs très vulnérables.
Pour attirer les investisseurs, et que l’exploitation du cannabis profite donc aux paysans, les autorités devront faire des efforts en matière d’environnement des affaires notamment. Car le Malawi n’a pas une très bonne place dans les classements internationaux. Il est 133e sur 189 pays du Doing Business de la Banque mondiale, et 109e sur 190 s’agissant de la perception de la corruption selon Transparency International. Une situation qui pourrait cependant s’améliorer avec le retour du soutien des bailleurs de fonds, après une suspension de plusieurs années liée à la corruption dans le pays. Début mai, la Banque mondiale a ainsi indiqué reprendre son aide budgétaire au Malawi avec l’octroi d’un crédit de 80 millions de dollars aux autorités. L’opération vise à soutenir l’agriculture et la gestion des finances publiques en matière de transparence et de renforcement des contrôles.
En Afrique, un business lucratif
Avec cette loi, le Malawi espère renouer avec le dynamisme économique. Il s’inscrit dans une démarche qui remporte un vif succès en Afrique australe. Après le Lesotho – premier pays d’Afrique à avoir légiféré sur l’exploitation du cannabis, désormais sa troisième source de revenus –, ce fut au tour de la Zambie, du Zimbabwe et de l’Afrique du Sud de se pencher sur la question. Car le business du cannabis, bien que controversé, est lucratif. Selon Tito Mboweni, le ministre sud-africain des Finances, sa production permettra d’ajouter, à terme, plus de 4 milliards de rands, soit 251 millions de dollars, au budget national annuel.
En Zambie, les recettes d’exportation du cannabis pourraient atteindre 36 milliards de dollars, selon Peter Sinkamba, président du parti d’opposition zambien Green Party. Dans toute l’Afrique qui en produit déjà 38 000 tonnes par an, le business pourrait valoir 7,1 milliards de dollars d’ici 2023, d’après une étude de Prohibition Partners. Pour la société britannique spécialisée, le Nigeria, le Ghana, l’Eswatini, le Mozambique, le Zimbabwe ou encore l’Afrique du Sud et le Lesotho seront les principaux producteurs de cannabis de demain. Et le Malawi vient de les rejoindre.
Source : lepoint.fr