Publié le 2 Septembre 2020 | Par Gérardo Fortuna
Une pénurie de chanvre d’origine néerlandaise destiné à l’exportation vers l’Allemagne met en lumière le manque de diversification dans les sources d’approvisionnement et l’absence d’uniformité dans les normes de qualité sur le marché européen du cannabis à usage médical.
Au cours de la première moitié du mois de juin, le bureau du gouvernement néerlandais responsable de l’exportation de marijuana médicale a informé les grossistes allemands que l’expédition des produits pourrait être retardée d’une durée pouvant aller jusqu’à six semaines.
En 2019, le bureau néerlandais du cannabis médical (BMC) a porté ses exportations annuelles de fleurs de cannabis à usage médical en Allemagne à 2,5 tonnes, et ce, afin de répondre à la demande berlinoise.
Avec cette dernière hausse, les fleurs de cannabis à usage médical importées des Pays-Bas représentent désormais plus d’un tiers du marché allemand, dont la capacité globale a doublé par rapport à l’année précédente pour atteindre 6,7 tonnes par an.
Toutefois, l’ensemble des exportations néerlandaises vers l’Allemagne repose sur les épaules d’une seule entreprise, Bedrocan, qui gère la capacité de production au niveau national.
Le retard dans la livraison provient de certains tests supplémentaires que le fournisseur néerlandais devait effectuer avant de libérer les lots pour l’exportation.
Une telle interruption temporaire de la chaîne d’approvisionnement a mis en évidence de possibles goulets d’étranglement en raison du manque de diversification de la production de cannabis médical pour le marché allemand.
D’ailleurs, la situation pourrait se détériorer à l’avenir, car la demande de marijuana médicale a rapidement augmenté dans le pays depuis une décision de 2017 autorisant les médecins allemands à prescrire des fleurs de cannabis de qualité pharmaceutique ou de l’extrait de cannabis à des patients gravement malades.
Selon les dernières données publiées en juin 2019, plus de 60 000 personnes sont enregistrées en Allemagne en tant que patients bénéficiant d’assurance maladie à qui l’on a prescrit de la marijuana à des fins médicales.
Vers une chaîne d’approvisionnement européenne intégrée
L’essor du marché allemand du cannabis à usage médical s’accompagne de défis pour répondre à la demande croissante et développer un réseau de vente solide.
C’est pourquoi, en 2017, le gouvernement allemand a créé un nouvel organisme au sein de l’Institut fédéral allemand des médicaments et des dispositifs médicaux (BfArM), chargé de réglementer l’industrie nationale naissante et de livrer des permis d’importation de cannabis à usage médical.
Au cours de ses trois premières années, l’Agence allemande du cannabis a été confrontée à des écueils structurels intrinsèques à un marché en développement.
Jusqu’à récemment, seuls le Canada, les Pays-Bas et l’Autriche étaient autorisés à exporter des produits à base de cannabis vers l’Allemagne en vertu de la Convention unique sur les stupéfiants convoquée par l’Organisation des Nations Unies en 1961.
Par conséquent, une forme de dépendance excessive est apparue à l’égard de ces quelques pays cultivateurs. Afin de faire face à la demande, la BfArM a récemment octroyé des permis supplémentaires à un certain nombre d’autres pays tels que le Portugal, l’Espagne, la Suisse, Israël, la Colombie et l’Uruguay.
Ainsi, les fleurs de cannabis du Portugal étaient disponibles en Allemagne pour la première fois à la fin de 2019.
La société canadienne Tilray, spécialisée dans le cannabis, vise à faire de sa société portugaise de Cantanhede une base européenne pour la mise en place de son projet de chaîne d’approvisionnement totalement intégrée dans l’UE.
L’exportation de fleurs produites en Europe représente un changement de cap potentiel pour l’essor du marché régional.
Une question de qualité
Bien qu’elles augmentent les sources d’approvisionnement en produits médicaux à base de cannabis, les nouvelles autorisations allemandes d’importation révèlent également les problèmes sous-jacents des normes de qualité au niveau européen.
En l’état actuel des choses, les produits médicaux autorisés reçoivent la certification de l’UE relative aux bonnes pratiques de fabrication (BPF), un ensemble de normes que tous les fabricants de médicaments doivent respecter.
Les cultivateurs de l’UE ont l’avantage que cette certification est automatiquement reconnue dans les autres États membres de l’UE, bien qu’il existe des accords de reconnaissance mutuelle (ARM) pour les pays tiers également.
Avant d’être mis sur le marché, tout le cannabis médical vendu en Europe doit être produit et testé selon les BPF européennes ainsi que selon la certification des bonnes pratiques de distribution (BPD) pour le stockage et la distribution.
Et si les contrôles européens sur la fabrication des drogues à base de cannabis sont stricts, il n’existe aucune norme de qualité harmonisée.
De ce fait, des divergences apparaissent entre la manière dont les organismes nationaux évaluent la qualité d’une drogue à base de cannabis destinée à l’exportation et les normes en vigueur dans le pays qui importe ce produit.
Par exemple, l’autorité néerlandaise applique les niveaux de plomb nationaux pour mesurer l’absence de métaux lourds dans la drogue, au lieu des niveaux européens.
Par conséquent, les normes de qualité peuvent varier dans chaque pays en l’absence d’un critère de qualité global au niveau de l’UE.
L’élaboration d’un ensemble homogène de normes de qualité pour le cannabis à usage médical est essentielle pour les représentants de l’industrie qui font pression en faveur d’un cadre réglementaire européen.
Cependant, le processus menant à l’harmonisation des règles européennes pour le cannabis à usage médical est au point mort, bien qu’il soit largement salué par de nombreux acteurs et législateurs.