Le Progrès (Lyon)
Rhône, jeudi 4 mars 2021
Propos recueillis par A.D.
Questions à Xavier Raufer, criminologue, directeur d’études au pôle Sécurité-Défense du Conservatoire national des arts et métiers : il revient sur la situation du trafic en France.
Quel est l’impact économique de ces trafics ?
« Il faut savoir que l’économie souterraine se divise en gros en l’économie grise (travail au noir) qui peut être un édredon contre le chômage, et l’économie noire, celle des trafics illicites (stupéfiants mais aussi prostitution, marchés aux voleurs…). L’Insee fait semblant de considérer que l’économie souterraine n’existe pas. Dire que le département de La Seine-Saint-Denis est le plus pauvre de France, c’est de la foutaise ! Il y a aussi là-bas des gens fort riches mais de façon invisible qui profitent de l’économie souterraine. En moyenne, selon mes calculs, cette économie illicite représente 3 % du PNB pour chaque pays de l’Union européenne
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En France, on sait qu’il se consomme 360 tonnes de cannabis par an, ce qui signifie que la vente au prix de détail dans les cités rapporte au crime organisé environ 1,4 milliard d’euros par an. Si on englobe toutes les drogues, on arrive à 3,5 milliards d’euros par an. »
Vous écriviez que le trafic est à l’origine de la prospérité relative des cités. Est-ce toujours le cas ?
« Le trafic de stups produit des sommes considérables et enrichit ceux qui s’y livrent. On estime que ce commerce fait vivre 260 000 personnes en France (grossistes, dealers, familles). Comme ces personnes consomment et achètent, on évalue à 1 million le nombre de personnes qui en sont bénéficiaires indirectement ».
A-t-on perdu la guerre des stups ?
« Les truands ont gagné, oui. Ils sont chez eux. Ceux qui se permettent de tirer aux mortiers d’artifice font tout pour décourager la police et la chasser des secteurs qu’ils contrôlent. Darmanin essaie de vider l’océan avec une petite cuiller. Les saisies sont dérisoires. Les policiers font des opérations coups de poing, capturent trois-quatre lascars, des sous-fifres mais le lendemain, ils sont remplacés.
On a laissé les bandits s’emparer de ces territoires. Si les cités étaient dûment policées, 80 % des problèmes d’insécurité s’évanouiraient. Ce problème de sanctuarisation de territoires pour protéger les trafics de drogue n’est pas nouveau mais il s’aggrave depuis quarante ans ».
Source : Leprogrès.fr