Une mission parlementaire sur l’usage du cannabis est en cours. Les résultats sont attendus avant la fin de l’année 2020. • © Valentine Chapuis/MaxPPP
Publié le 12 Septembre 2020 | Par France 3 Val de Loire
Des amendes forfaitaires pour usage de stupéfiants sont appliquées en France, depuis la rentrée. Des associations et des élus locaux déplorent une politique en décalage avec la société. La question de la légalisation du cannabis est soulevée. Elle ne fait pas l’unanimité au sein des députés.
Depuis début septembre, fumer un joint peut être passible d’une contravention de 200 euros. Le Premier ministre Jean Castex l’avait annoncé fin juillet : « la forfaitisation des délits de stupéfiants sera généralisée dès la rentrée ». Une annonce soutenue par Gérald Darmanin. Le Premier ministre a durci le ton dans sa lutte contre les trafics de drogue. Il entend « s’attaquer aux deux bouts de la chaîne, des grands trafiquants de drogue aux consommateurs ».
La sortie médiatique a fait réagir des associations en faveur de la légalisation du cannabis. Mais, également certains élus locaux. En première ligne, Caroline Janvier. La députée LREM du Loiret est rapporteuse de la mission d’information sur les usages du cannabis. L’élue loirétaine se montre en faveur d’« un monopole public, que l’Etat reprenne et gère la distribution de ce produit ». Son point de vue n’est pas partagé par d’autres élus du Centre-Val de Loire.
Production/distribution/consommation de #cannabis renvoient à des enjeux de santé publique, de sécurité et à des enjeux économiques. Ce débat, complexe, a été ouvert à l’@AssembleeNat, nous sommes prêts à en échanger et à vous transmettre nos travaux et expertises @GDarmanin https://t.co/pqkqen0Xl5
— Caroline Janvier (@CarolineJanvier) September 7, 2020
Les députés du contre
Jean-Pierre Door (LR) : « Je suis contre la libéralisation et la dépénalisation du cannabis. Il faut sanctionner. Je pense que seule la sanction peut, à la fois, réduire la consommation et l’influence des trafics.
Rendre accessible le cannabis, c’est mettre la main à un engrenage. Une drogue en appelle une autre. Nombre de jeunes auront tendance à prendre des drogues plus dure. Je pense que la législation mérite d’être renforcée : c’est la pénalisation qui viendra à bout des trafics. »
« En tant que médecin, je peux assurer qu’il y a des dégâts cérébraux sur le long terme. Il y a eu des études scientifiques à ce sujet. Cependant, j’ai soutenu l’usage du cannabis thérapeutique à titre expérimental, car je pense que cela peut soulager des malades. »
Claude de Ganay (LR) : « Les amendes forfaitaires peuvent avoir un effet dissuasif dans l’espace public. Tant mieux, si cela peut éviter des accidents par exemple. Mais, je ne pense pas qu’elles puissent empêcher la consommation dans la sphère privée. Mais je persiste et signe : il ne faut pas aller vers la légalisation. »
« Quand on regarde les exemples à l’étranger, ce n’est pas toujours efficace. Aux Etats-Unis, malgré la légalisation dans certains Etats, des réseaux clandestins continuent d’opérer. Tout ce que j’entends ne m’incite pas à être pour une légalisation. Mais, la lutte contre le cannabis doit passer par la bataille face aux trafics. Je ne pense pas que ce soit aux consommateurs de trinquer en premier. »
Nadia Essayan (MoDem) : « Je ne suis pas du tout favorable ni à la légalisation, ni à la dépénalisation du cannabis. Je suis même pour renforcer la pénalisation des petits dealeurs. Il faut aller encore plus loin. Je ne pense pas qu’une politique d’encadrement de l’usage du cannabis soit efficace pour mettre à mal les trafics. Si on encadre le cannabis, les trafiquants illégaux se reporteront sur d’autres marchés illégaux. »
« C’est une drogue dangereuse pour le développement des jeunes. Je parle en connaissance de cause : j’ai vu beaucoup de jeunes qui se démobilisent, il y a une réorientation à la baisse du projet de vie.
Les avis sont assez variés au MoDem. Certains ne partagent pas ma position. Mais en majorité, j’ai le sentiment que nous sommes contre une légalisation du cannabis. »
Les députés plus indécis
Sophie Auconie (UDI) : « C’est un vrai sujet. J’ai regardé ce qui se faisait dans d’autres pays européens. Il est certain que légaliser et encadrer le cannabis met à mal les marchés clandestins et la violence liée au trafic. Ce qui me gêne, c’est que les personnes à la tête de ces marchés n’iront pas vers Pôle Emploi… Ils iront vers d’autres marchés clandestins. La légalisation du cannabis peut augmenter la présence d’autres marchés illégaux ainsi que la dangerosité des produits. Je ne suis donc pas très favorable à la légalisation. »
« Je reste attentive à ce qui se dit. L’UDI est très partagée à ce sujet. Mon premier avis est plutôt contre. Mais, je vais prêter une grande attention aux résultats de la mission parlementaire. Je serai présente à la présentation du rapport. Cela m’intéresse, ma position n’est pas arrêtée. »
Les députés pour une légalisation sous conditions
Guillaume Kasbarian (LREM) : « Dans notre législation actuelle, les amendes forfaitaires sont pour le moment une très bonne première mesure. Elle permet de désengorger les tribunaux et de recentrer les forces de l’ordre sur des missions plus importantes.
Mais, le fond reste inchangé. La consommation reste interdite. D’un point de vue personnel, je pense que la législation doit évoluer. Je préfère une législation avec un marché contrôlé et un travail de sensibilisation et de prévention plutôt qu’une interdiction qui n’a pas montré ses fruits. Chiffres à l’appui. Des études gouvernementales du Conseil d’analyse économique le montrent. »
« Quant à ceux qui avancent qu’une légalisation du cannabis profiterait à d’autres marchés illicites, cela n’a pas été observé dans des pays voisins. Cet argument n’a pas de sens. Ce n’est pas parce que l’on interdit l’alcool que plus de gens vont commencer à fumer des cigarettes. Alors que l’alcool et le tabac sont aussi des problèmes de santé publique mais qui sont, eux, autorisés. »
Caroline Janvier (LREM) : « Mon idée initiale était de créer un monopole public, que l’Etat reprenne et gère la distribution de ce produit, en s’assurant de la protection des mineurs. Que l’Etat contrôle qui consomme, quel produit, dans quelle quantité, et puisse financer une vraie politique de santé publique grâce à des recettes qui lui échappent aujourd’hui. On le fait pour l’alcool et le tabac. »
« Ce n’est pas de la lâcheté si on construit un vrai modèle, où l’on protège et où on explique les dangers. Le principe de l’amende forfaitaire, j’ai envie de donner rendez-vous aux partisans de ce modèle dans un an ou deux pour en voir les effets, mais je ne suis pas convaincue, il n’a pas fait ses preuves »
Source France 3 val de Loire