Après plus d’1 an de travail sur le cannabis récréatif, un groupe de parlementaires de tous bords recommande de passer d’une logique de répression à une logique de prévention et d’encadrement par l’état. Mais les prises de positions d’Emmanuel Macron et Gérald Darmanin parasitent le message
« Les 33 députés de la mission parlementaire appartiennent à des sensibilités politiques très diverses, et on a réussi malgré tout à faire un travail fondé sur les faits, la science, l’expertise, et non pas les idéologies partisanes. Je trouve que c’est intéressant d’arriver à dépasser les clivages pour faire une proposition de raison » se félicite la députée du Loiret, Caroline Janvier.
Politique répressive : un échec français
Le groupe de travail dont elle est rapporteure thématique a rendu son rapport « sur la règlementation et l’impact des différents usages du cannabis ». « On fait le constat et l’évaluation de ce qui se fait en France depuis 50 ans, données à l’appui. On est allés aussi explorer ce qui se fait dans d’autres pays. Ça nous a permis de faire une proposition concrète et claire, qui est la légalisation encadrée du cannabis récréatif. »
Car le constat principal du rapport, présenté par le député LR Robin Reda est celui-ci : « l’interdit ne dissuade plus ». En France, le texte qui encadre principalement l’usage des drogues date de 1970, et « considère l’usager de drogues comme un individu à la fois malade et délinquant ». Pourtant, depuis les années 2000, la France est le pays avec la prévalence de consommation de cannabis la plus élevée de l’Union européenne. Et cette consommation ne cesse d’augmenter : l’usage dans l’année est passé de 4,4% en 1992, à 11% en 2017. Des chiffres qui entérinent l’échec du tout-répressif.
Renforcer le dispositif de prévention, dégager des recettes pour l’État, reprendre la main sur le type de produits consommés, lutter contre les réseaux au lieu d’arrêter les petits trafiquants… Les bénéfices potentiels sont multiples, et les enjeux importants, du point de vue de la santé publique, mais aussi de l’économie et de la justice.
L’incertitude de Macron, les foudres de Darmanin
Pourtant, difficile de suivre la position d’Emmanuel Macron sur le sujet. Caroline Janvier s’y est essayée, en marchant sur un fil. « En 2016, au moment de la campagne, il considérait qu’il pouvait y avoir une forme d’efficacité dans la légalisation. Au moment de l’élaboration de son programme, il a considéré que le mieux à mettre en œuvre, c’était cette amendement forfaitaire délictuelle. C’est aussi un peu une façon, dans les faits, de sortir du pénal la consommation de cannabis. Et puis il a dit qu’il n’y était personnellement pas favorable. Je ne sais pas quelle sera sa position dans les années à venir » avoue la députée.
Le ministre Gérald Darmanin, n’a lui pas de mots assez forts pour exprimer son opposition à une légalisation. Il a répété sa position de nombreuses fois, depuis son arrivée à l’Intérieur en juillet 2020, qualifiant le cannabis de « drogue dure », voire de « merde », considérant que sa légalisation serait « une lâcheté » et affirmant ouvertement vouloir lutter « contre le soft-power des pro-légalisation » mené selon lui par Konbini et ses interviews « sandwich ».
« Plus les gens se documentent, plus ils seront favorables »
Un vent contraire assez salé pour les députés de la mission, qui ont mis un point d’honneur à ne pas verser dans le dogmatisme. Pour Caroline Janvier, l’espoir repose désormais sur l’information du public. « Il n’y aura pas de débat parlementaire avant les élections, regrette-t-elle. Ce n’était pas au programme d’Emmanuel Macron, ça me paraît compliqué de l’inviter tout à coup dans l’année qui vient. Nous allons proposer nos services pour prendre part au débat public proposé par le président. En organisant des réunions, en mettant en ligne des outils de consultation, en proposant à nos collègues et à la presse de leur mettre à disposition des experts… »
D’après l’élue, ce thème clivant de la légalisation du cannabis aura une place réservée au moment de l’élection présidentielle, en 2022. Un rab de temps bienvenu, pour amener la discussion vers plus d’apaisement. « Une majorité de français sont favorables à une légalisation, mais ceux qui sont contre le sont très fortement. Un débat permet à chacun de s’interroger, de s’informer sur ce sujet plus compliqué qu’il n’y paraît. J’ai l’impression que plus les gens se documentent dessus, plus ils seront favorables à une légalisation. »