Alors que la liste des victimes des trafiquants s’allonge, la question de la dépénalisation revient sur la table, ici et là. L’occasion de regarder l’évolution de la criminalité dans les pays qui ont déjà légiféré.
Dimanche 21 mai, une fusillade faisait trois victimes à Marseille. Loin d’être la première tragédie du genre, ces sanglants règlements de compte liés aux trafics de drogues ont déjà fait 21 morts. Une situation plus qu’inquiétante qui pousse à chercher de nouvelles solutions, à commencer par la possibilité de légaliser les drogues dites « douces » comme le cannabis. Pourquoi ? Parce qu’en autorisant sa vente réglementée, on prive les trafiquants de grosses entrées d’argent. Or pour protéger ces revenus, le marché noir est prêt à tout, n’hésitant pas à menacer ou éliminer des concurrents si nécessaire.
[A LA UNE A 18H]
Une nouvelle fusillade a fait trois morts tôt à Marseille, où les violences sanglantes se sont multipliées depuis le début de l’année sur fond de guerre des gangs autour du lucratif trafic de drogue #AFP 3/5 pic.twitter.com/zgUnLbMjrx— Agence France-Presse (@afpfr) May 21, 2023
Car même si le cannabis n’est pas la drogue la plus rentable, c’est celle qui est la plus demandée ; les sommes perdues seraient donc très importantes alors que c’est cet argent qui finance la production et la distribution de drogues plus onéreuses.
L’argent sale, l’engrais de la weed.
Des exemples existent déjà autour du monde et tous suggèrent que la criminalité recule avec l’assouplissement des législations. Le juriste Renaud Colson l’affirme à FranceInfo, « on a des études extrêmement précises qui démontrent qu’en quelques années, le trafic de stupéfiants tend à décroître ». L’exemple le plus parlant à ce titre est l’Uruguay.
Depuis 2013, le pays a légalisé et réglementé la production, la vente et la consommation du cannabis dans le but de mettre fin au trafic et à la violence qu’il engendrait, avec pour effet l’affaiblissement des réseaux criminels liés au trafic de drogue : en 10 ans, l’économie souterrain aurait perdu 20 milliards de dollars chaque année. Même constat aux États-Unis où les états frontaliers du Mexique ayant légiféré en faveur du cannabis (récréatif ou thérapeutique) ont vu leur taux de criminalité violente chuter de 13 %. Les homicides en particulier ont encore plus baissé.
La criminalité en PLS.
En Europe, une majorité des pays pratique déjà une dépénalisation « de fait » (en n’arrêtant pas systématiquement les consommateurs) mais peu sont passés au stade de la légalisation. Toutefois, tous constatent une réduction nette des crimes violents entre gangs rivaux. Selon El País, plusieurs régions d’Espagne ont ainsi assisté à une diminution des règlements de comptes violents. Mais il y a mieux.
Depuis 45 ans, les Pays-Bas n’ont pas à proprement parler voté la légalisation du cannabis mais ils ont réglementé son commerce : la vente est tolérée dans les coffee shops et, comme le rappelle le Guardian, la police vérifie que les clients achetant la weed ont tous plus de 18 ans et qu’ils n’emportent jamais plus de 5 grammes d’un coup. Leur constat en matière de criminalité ? Si les vols de vélos ont augmenté, il n’y a plus ni car-jacking, ni agression, ni fusillade…
Aux Pays-Bas, l’Etat va produire son propre cannabis >> https://t.co/BbkU6Hpqx3
— Les Echos (@LesEchos) September 2, 2019
Double effet « Kiss-cool » : les clients évitant le marché noir ne se voient jamais proposer de drogues plus dures. Encore une perte nette pour les trafiquants d’opiacés… Pour aller plus loin, le pays va maintenant lancer une expérimentation de production locale.
Au Portugal, la dépénalisation de toutes les drogues a permis à la police de se concentrer sur la lutte contre les producteurs, raconte 20 Minutes, plutôt que contre… les toxicomanes. De plus, sur le terrain, les actions de prévention et d’intervention sont plus simples pour les policiers qui ne sont plus confrontés à un tabou chez les consommateurs.
Autre gain : à peine 8 % des Portugais de 18 à 34 ans fument chaque année du cannabis ; au même moment, en France, ils sont 21 % alors que les politiques de répression y sont parmi les plus dures d’Europe. Tendance de l’époque, son discours anti-légalisation est ces jours-ci repris par d’autres député.e.s malgré les exemples réussis cités plus haut.
Hélas, un récent rapport de l’ONU risque de ne pas aider l’opinion à changer d’avis puisqu’il démontre que la vague de légalisation du cannabis dans le monde a entraîné une augmentation des volumes consommés et du nombre de consommateurs. Les législateurs auront donc un jour à choisir entre la sécurité ou la santé publique.