L’Agence du médicament (ANSM) a donné son feu vert, ce jeudi, à une expérimentation en France du cannabis thérapeutique, déjà autorisé dans une vingtaine de pays de l’Union européenne et une quarantaine au total. Un sujet sur lequel opposants et partisans s’écharpent depuis des années.
Rappelons en préambule que l’usage médical du chanvre est loin d’être nouveau. Dès l’Antiquité, le Cannabis sativa – son nom scientifique – était une plante utilisée en médecine avant d’être une drogue récréative. Au IIIe siècle, en Chine, des chirurgiens réalisaient même des opérations sous anesthésie à base de cannabis. Une fois importée en Occident, à l’aube du XIXe siècle, l’herbe était utilisée pour soigner l’asthme, les règles douloureuses ou encore les migraines, avant d’être remplacée par l’aspirine. Deux siècles plus tard, le chanvre à visée purement thérapeutique pourrait bien devenir loi. Mais fait plus que jamais débat.
Les pour
Il soulage les douleurs
C’est l’argument numéro 1 : le cannabis permet de soulager des patients dont les douleurs ne sont pas calmées par les antalgiques traditionnels. C’est notamment le cas avec la sclérose en plaques, l’épilepsie, les nausées causées par la chimiothérapie, les troubles du sommeil et de l’appétit, ou encore certaines maladies chroniques. Selon des études, l’herbe thérapeutique s’avère aussi efficace pour les maladies neurodégénératives, comme l’Alzheimer. Alors que les malades français qui pourraient en bénéficier sont estimés entre 300.000 et 1 million, la légaliser permettrait de mettre fin à une discrimination, selon ses défenseurs.
En outre, le cannabis médical pourrait, dans certains cas, remplacer la morphine, la codéine, les dérivés d’opium et autres opiacés qui risquent de rendre addictif ou malade. Pas question toutefois de prescrire de «joint sur ordonnance», du fait des effets nocifs de la combustion pour la santé : les produits seront inhalés (huile, fleurs séchées…) ou ingérés (tisane, gouttes, spray…).
Il crée des emplois et booste la croissance
C’est le raisonnement qui pourrait convaincre les autorités : légaliser l’herbe thérapeutique permettrait de renflouer les caisses de l’Etat, tant en recettes fiscales (et en emplois) qu’en termes d’économies sur le volet répressif et judiciaire. Selon un expert du milieu, cité par Le JDD, la manne française du cannabis médical serait d’environ cinq milliards d’euros par an, soit près de la moitié du budget consacré au développement durable en 2019 (11,2 milliards). Le calcul est vite fait, insiste le député de la Creuse Jean-Baptiste Moreau : «Il faut préciser notre législation hypocrite. Les enjeux sont énormes : un hectare de blé, c’est 300 euros, quand un hectare de cannabis en rapporte 2.000.»
D’autant que l’argent ainsi récupéré pourrait ensuite être réinvesti dans les politiques de santé publique et financer la prévention, les soins et la recherche.
Il fait entrer dans les clous de la loi une situation de fait
Les Français aujourd’hui contraints de braver la loi pour consommer du cannabis à visée médicale se comptent par dizaines de milliers – et ce, alors même que le juge ne fait actuellement aucune distinction entre la consommation de cannabis à des fins récréatives et son usage thérapeutique. Entre les réseaux parallèles et les achats à l’étranger, en passant par l’auto-culture, les solutions sont légion, mais en effet toujours illicites et clandestines. Une situation risquée pour les utilisateurs, que la légalisation permettrait de remédier.
Dans une moindre mesure, autoriser le cannabis médical permettrait aussi d’enrayer une partie des trafics du crime organisé, sachant que de nombreux «patients» se fournissent sur le marché noir. Sans compter que les prix et la qualité des «traitements» à base d’herbe serait garantis par la légalisation, contrôles obligent.
Les contre
Il nuit à la santé
Même si elle n’est pas consommée en joint, l’herbe thérapeutique peut avoir des effets nocifs sur la santé, selon ses détracteurs – qui sont souvent les mêmes que les anti-cannabis récréatif. Parce qu’elle diminue la concentration et les réflexes, elle peut notamment être un danger en matière de sécurité routière. Consommé à long terme, le cannabis médical peut également présenter des risques cardiaques, causer des défaillances sexuelles (pas de problème érectile, mais difficulté à atteindre l’orgasme et risque d’éjaculation précoce), ou tout simplement favoriser la «mollesse» en tuant la motivation.
En outre, une accoutumance, essentiellement psychique, peut s’installer chez un consommateur régulier, entraînant une sensation de manque, un stress, des difficultés de concentration, des troubles physiques, voire des psychoses. Un ensemble de maux qui, selon les opposants au chanvre médical, peuvent à terme nuire à la société dans son ensemble, alors que les Français sont les plus gros consommateurs de cannabis de l’UE (1,6 million).
Il est un marche-pied vers les drogues dures
C’est un des arguments favoris des anti : le cannabis, qu’il soit thérapeutique ou récréatif, est la porte ouverte aux autres drogues, dont les dures, comme la cocaïne ou l’héroïne. Et ce, d’autant plus depuis que le taux de THC, la substance psychotrope de l’herbe, peut atteindre 40% (contre 2 à 3% il y a 50 ans). «Tous les héroïnomanes sont passés par le cannabis et par les autres barreaux de l’échelle des toxicomanies», résume Jean Constantin dans «Faut-il dépénaliser le cannabis ?» (éd. Le Muscadier, 2013).
Concernant le cannabis médical, difficile pourtant à croire que la tisane de chanvre au coin du feu est un marche-pied vers la seringue d’héroïne au coin de la rue.
Source : https://www.cnews.fr/france/2019-07-11/legaliser-le-cannabis-therapeutique-en-france-le-pour-et-le-contre-859694