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L’expérimentation de cet antidouleur doit être validée fin juin. Mais de nombreuses questions se posent.
En une semaine, les centaines de graines de cannabis ont déjà poussé de quelques centimètres dans ce champ niché au cœur de la vallée de la Salendringue, à Lasalle, en Cévennes (Gard).
« J’ai la main verte ! Je connais cette plante par cœur et je veux être précurseur sur le cannabis thérapeutique », lance Philippe Missant, caressant du regard sa future récolte. Mais pour l’heure, la prudence s’impose. Non pas parce que ce maraîcher de 52 ans et hippie 2.0 est dans le collimateur des gendarmes qui avaient saisi, – il a été arrêté avec des dizaines de plants de cannabis et de l’argent en liquide en 2018, mais promet qu’il voulait produire du thérapeutique, pas du récréatif. Son affaire est en instruction -, des plants sur son hectare de framboises, radis et autres fruits et légumes bio. Mais parce que le lancement de l’expérimentation du cannabis thérapeutique qui doit être validée le 26 juin reste flou.
L’expérimentation à venir
Le 26 juin, l’ANSM (Agence nationale de sécurité du médicament) doit valider la mise en œuvre d’une expérimentation visant à établir un cadre global de l’usage de cannabis thérapeutique auprès de certains malades, estimés entre 300 000 et un million.
Le public ciblé serait a minima les personnes atteintes de cancers, de certaines formes d’épilepsie, de scléroses en plaques, en soins palliatifs ou ayant des douleurs réfractaires aux thérapies accessibles. Si le principe est validé, reste des questions : quelle modalité de prise en charge médicale ? Quel prescripteur ? Quel circuit de distribution et de délivrance ? Quel dosage ? Quel suivi des patients ? Quelle modalité d’administration ?
L’expérimentation doit durer deux ans avec le financement du ministère de la Santé.
En tant qu’agriculteur
Le Gardois, lui, le défend bec et ongles à triple titre. Un : comme agriculteur. Il a lancé cette culture avec des graines certifiées, quasiment dépourvues de THC, la molécule psychoactive du cannabis récréatif (classé comme stupéfiant), pour être dans la légalité. Il peut en tirer du chanvre textile mais il voudrait plutôt extraire des fleurs de ses plantes le fameux CBD (cannabidiol), l’autre molécule, relaxante. Il n’en a pourtant pas le droit… Quand bien même le CBD est vendu dans les commerces dédiés au cannabis qui prolifèrent avec des produits importés d’Espagne ou de Suisse où c’est légal.
« En France, je suis maraîcher, je peux acheter et planter des graines certifiées CBD, mais je n’ai pas le droit d’exploiter la fleur… C’est illogique », lance celui qui espère à terme obtenir aussi l’autorisation de cultiver du cannabis thérapeutique où les taux de THC et de CBD seront à définir.
En tant que défenseur d’une agriculture en circuit court.
Deux : comme défenseur d’une agriculture en circuit court. Ce militant de la Confédération paysanne entend défendre la profession à venir, car derrière l’autorisation du cannabis thérapeutique se cachent des enjeux financiers importants.
« Il faut que les maraîchers gagnent un peu d’argent ! Les lobbies pharmaceutiques sont déjà en action », avance cet allocataire du RSA.
En tant que malade
Trois : comme malade. « J’ai une hépatite C depuis 25 ans », soupire-t-il en caressant son chien Pagaille. Et fumer du cannabis le soulage.
« La maladie ralentit tout mon organisme, après une journée de travail, on a les mains tendues, j’ai très mal aux muscles, avec le CBD il y a un vrai effet relaxant sans psychotrope », décrit celui qui cultive à Lasalle depuis vingt-cinq ans. Il espère que sa maladie figurera sur la liste des potentiels bénéficiaires.
Témoignages
« Ça coûte trop cher »
Isabelle, Héraultaise de 48 ans, est tétraplégique depuis un plongeon dans une piscine sans fond. Depuis plusieurs années, elle consomme du cannabis pour lutter contre des douleurs neurologiques et limiter la prise de son traitement trop lourd en effets secondaires.
« Clairement, ça atténue mes douleurs », dit-elle. Mais elle se trouve dans une impasse. D’un côté, elle « essaie d’arrêter de fumer à cause de l’association avec le tabac, la difficulté de trouver un produit interdit et des problèmes d’angoisse liés aux effets secondaires ». De l’autre, le cannabis thérapeutique de type CBD venu de l’étranger et sans THC (le psychotrope) lui fait effet, mais c’est trop cher pour cette documentaliste : « C’est un sacré budget… Si le cannabis thérapeutique est validé et remboursé pour mon cas, j’en prendrai aussitôt ».
« La France a trop de retard »
Jean-Claude, Montpelliérain de 50 ans, souffre de polyarthrite rhumatoïde depuis plus de vingt ans et fume du cannabis qu’il fait pousser chez lui au quotidien et prône la dépénalisation du cannabis en général.
« Plutôt que de bourrer les gens comme moi de médicaments, il faut l’autoriser, ça ferait gagner de l’argent à la Sécu ! Ça m’aide beaucoup, mon corps a trop morflé avec les médicaments. La France est rétrograde, elle a dix ans de retard. «
Source : https://www.midilibre.fr/2019/06/07/lenjeu-du-cannabis-therapeutique,8243073.php