Interview de Valérie Védère : Un témoignage engagé sur l’expérimentation du cannabis médical en France
Plongée dans l’engagement de Valérie
Nous avons eu le privilège d’entamer une discussion enrichissante avec Valérie, une figure engagée au sein de diverses causes, de la sensibilisation au VIH à la défense de la reconnaissance du cannabis à des fins médicales et « récréatives ».
Valérie joue un rôle actif au sein des associations « Principes Actifs » et du « Collectif d’Information et de Recherche Cannabique (CIRC) » où elle participe activement à la promotion de l’utilisation médicale du cannabis et à la défense des aspects récréatifs de cette plante.
Notre entrevue vise à explorer son expérience personnelle en tant que participante à l’expérimentation médicale du cannabis en France. À travers ces questions, nous plongeons dans les motivations profondes qui ont conduit Valérie à s’engager dans cette étude novatrice, tout en mettant en lumière son plaidoyer en faveur de la reconnaissance du cannabis sous différentes formes.
Découvrons ensemble le récit authentique de Valérie, une voix engagée dans la quête de compréhension et de reconnaissance du rôle du cannabis dans le domaine médical et récréatif.
Le parcours de Valérie
La santé et l’engagement associatif
CIRC : Peux-tu nous parler de ton état de santé actuel et des raisons pour lesquelles tu as été incluse dans cette expérimentation du cannabis médical ?
Valérie : En ce qui concerne mon état de santé lié au VIH, je tiens à préciser que ma situation demeure stable, particulièrement en ce qui concerne le traitement antirétroviral (Tivicay 50 / Reyataz 300) que je prends maintenant depuis 10 ans. L’objectif de ce traitement est d’atteindre une charge virale indétectable, ce qui signifie que le virus ne se multiplie plus. Il est important de noter que lorsqu’une personne est sous traitement antirétroviral avec une charge virale indétectable, elle n’est plus en mesure de transmettre le virus. Cependant, en raison de ma séropositivité depuis 1985, les diverses thérapies que j’ai suivies par le passé ont engendré des douleurs neuropathiques. Quant à ma participation à une expérimentation, j’ai eu l’opportunité d’y être intégrée au sein d’un service de soins palliatifs et de soins de suite en oncologie en raison de neuropathies résultant de la prise des premiers traitements antirétroviraux et d’un cancer ORL contracté en 2012. J’ai subi 31 séances de radiothérapie à cette époque, ce qui a justifié mon suivi dans ce service. Les motifs pour lesquels le médecin a accepté mon inclusion sont principalement liés aux douleurs de type neuropathique. Il est important de souligner que, dans le cadre de la gestion de ces douleurs, d’autres éléments tels que l’anxiété, le sommeil, etc., doivent également être pris en considération. Le cannabis joue également un rôle dans le soulagement de ces divers symptômes.
Motivations et participation à l’expérimentation
CIRC : Quels symptômes ou affections médicales cherches-tu à soulager grâce au cannabis médical ? Peux-tu nous décrire ces symptômes en détail ?
Valérie : Je suis à la recherche de solutions pour soulager les douleurs que l’on qualifie de « neuropathies ». Chez moi, ces douleurs se manifestent par des fourmillements et des sensations de brûlures au niveau des extrémités (mains/pieds), ainsi que par des spasmes musculaires au niveau des membres inférieurs. Bien que le sommeil et l’anxiété ne soient pas officiellement répertoriés comme indications pouvant être incluses dans l’expérimentation, j’ai constaté que le cannabis m’apporte un soulagement significatif tant au niveau du sommeil que de l’apaisement de mon anxiété. Cela se traduit pour moi par une amélioration notable de ma qualité de vie.
CIRC : Comment as-tu appris cette expérimentation du cannabis médical en France, et pourquoi as-tu décidé d’y participer ?
Valérie : Pendant l’année 2021/2022, j’ai suivi une formation visant à obtenir un diplôme universitaire sur le cannabis médical, en collaboration avec les facultés de médecine de Paris Saclay et Montpellier. Naturellement, nous étions tenus informés des développements et du lancement de cette expérimentation (je me suis donc directement renseigné sur le site de l’ANSM). Dans un premier temps, j’ai contacté le centre anti-douleurs de ma résidence, qui m’a informé qu’ils avaient déjà présélectionné leurs patients. Ayant été confronté à un cancer en 2012, j’ai alors sollicité un centre de soins palliatifs et de soins de suite en oncologie. Après de nombreux courriels et appels téléphoniques (avec un délai d’au moins deux mois), j’ai obtenu un premier rendez-vous le 15/06/2021, où le médecin m’a intégré à l’expérimentation. Déjà habituée à l’automédication au cannabis depuis de nombreuses années, j’ai réellement commencé à l’utiliser de manière médicale lors de mes séances de radiothérapie, où je n’ai connu aucune brûlure, mais seulement un léger mal de gorge. Dans les années 80, lors de l’annonce de ma séropositivité au VIH, de nombreuses personnes touchées par le virus utilisaient le cannabis, car il stimulait leur appétit. Pendant les dix années suivantes, en l’absence de traitement, le cannabis a soulagé bon nombre d’entre nous, même si certains ne sont plus parmi nous aujourd’hui. L’inclusion dans cette expérimentation m’a procuré un certain soulagement sur le plan légal et judiciaire. J’ai cultivé moi-même mon cannabis en extérieur et en intérieur pendant un certain temps, malgré les risques liés à son interdiction. Cette pratique me manque beaucoup, car elle faisait partie intégrante de mes soins. Cultiver le cannabis contribuait à mon bien-être général, et c’est quelque chose qui me manque actuellement. Cependant, selon l’amendement du gouvernement, qui est une véritable mascarade, les fleurs seront exclues à la fin de l’expérimentation, ce que je trouve inexplicable. En effet, il est démontré que les fleurs soulagent quasi instantanément les douleurs intenses lors de la vaporisation, tandis que les huiles ont un effet à libération prolongée. Si le gouvernement ne revient pas sur ce point, je considérerai qu’il y a une « rupture de soins ». Après presque trois ans de traitement, l’amputation d’un des médicaments, à savoir les fleurs à vaporiser, serait inacceptable. Dans ce cas, je me verrais dans l’obligation de reprendre la culture à domicile pour pouvoir bénéficier de mon médicament et maintenir ainsi la qualité de vie que me procure mon traitement au cannabis.
Détails de l’expérimentation
Posologie et administration
CIRC : Comment prends-tu le cannabis médical ? Quelle est la posologie, la fréquence et la forme d’administration que tu utilises ?
Valérie : Dans le cadre de l’expérimentation de ma prescription sécurisée intitulée « Ordonnance à renouveler tous les 28 jours, similaire aux opiacés ou aux traitements de substitution aux opiacés (TSO) », les détails de la posologie, de la fréquence et de la forme d’administration sont les suivants : 1. Huile de cannabis : Contenant 25 mg de THC et 25 mg de CBD par millilitre. Posologie : 0,6 ml le matin et 0,6 ml le soir pendant une durée de 28 jours. Approvisionnement : Un flacon de 30 ml fourni aujourd’hui par la Pharmacie à Usage Intérieur (PUI), qui est la pharmacie hospitalière. 2. Fleurs de cannabis AURORA 20/1 XPE : Teneur en THC de 20% et CBD inférieur à 1%. Posologie : 0,4 grammes à midi, 0,4 grammes le soir, et 0,4 grammes au coucher, pour une durée de 28 jours.
Effets secondaires et bien-être général
CIRC : As-tu ressenti des effets secondaires ou des inconvénients en utilisant le cannabis médical ? Si oui, peux-tu les décrire ?
Valérie : Je n’ai ressenti aucun effet secondaire, à l’exception d’une certaine « tolérance ». Je pense que cela est dû au fait que je ne peux pas utiliser d’autres variétés ni différents taux de cannabinoïdes présents dans la plante. L’expérimentation est très limitée en ce qui concerne le choix des médicaments par rapport aux variétés, aux taux de cannabinoïdes, etc.
CIRC : Comment le cannabis médical a-t-il affecté ta qualité de vie et ton bien-être général depuis que tu as commencé le traitement ?
Valérie : Ayant déjà recours à l’automédication avant de participer à l’expérimentation, ma situation personnelle de l’époque ne me permettait plus de cultiver mes propres plants (et me conduisait à m’approvisionner sur le marché noir avec des produits parfois douteux). Je peux affirmer que ma participation à l’expérimentation m’a permis de maintenir la qualité de vie que le cannabis me procurait.
CIRC : As-tu remarqué une amélioration de tes symptômes ou de ta condition médicale depuis le début de l’expérimentation ?
Valérie : L’amélioration de mes symptômes et de ma condition médicale avait été constatée avant même le début de l’expérimentation. Celle-ci m’a simplement permis de maintenir cette amélioration, comme je le rappelle, grâce à un traitement global comprenant l’utilisation d’huile et de fleurs à vaporiser. Ce traitement est pris en charge financièrement, avec un remboursement assuré par la sécurité sociale dans le cadre des pathologies relevant d’une Affection de Longue Durée (ALD), et les médicaments sont garantis en termes de sécurité.
Gestion des contraintes légales
CIRC : Comment gères-tu les contraintes administratives et légales liées à l’utilisation du cannabis médical en France ?
Valérie : En ce qui concerne les contraintes administratives, l’une d’entre elles qui pose problème est l’engagement à ne pas conduire, ce que je trouve discriminant par rapport à d’autres produits tels que les TSO et les benzodiazépines, où il me semble que la conduite n’est pas interdite. Cela peut entraîner des conséquences professionnelles pour ceux qui ont besoin d’utiliser un véhicule dans le cadre de leur travail et qui souhaitent se soulager avec du cannabis. En tant que consommatrice quotidienne de cannabis, je ne pense pas représenter un danger sur la route, ayant déjà conduit à plusieurs reprises sous l’influence du cannabis par le passé.
Perspectives d’avenir et recommandations
CIRC : Quels sont tes espoirs et attentes quant à l’avenir de la réglementation du cannabis médical en France ?
Valérie : Bien honnêtement, il y a peu d’espoir quant à l’adoption d’une réglementation attendue par les patients (l’amendement du gouvernement est une véritable mascarade). On anticipait une légalisation élargie du cannabis médical, englobant d’autres indications et pathologies, mais au final, l’amendement a été amputé de la mention « fleurs à vaporiser », qui constituait une partie essentielle des traitements proposés lors de l’expérimentation. Cette dernière, à mes yeux, était déjà très restrictive en termes de ratios et de variétés disponibles.
CIRC : As-tu discuté de ta participation à cette expérimentation avec ton médecin ou un professionnel de la santé ? Si oui, comment ont-ils réagi ?
Valérie : Je n’ai pas eu l’occasion d’échanger longuement avec mon médecin, seulement de manière brève. Cependant, dans ces brefs échanges, elle perçoit cette opportunité d’accès au cannabis médical comme un moyen de soulagement des personnes, ce qui, pour elle, est une bonne chose.
Recommandations aux autres patients
CIRC : Serait-ce quelque chose que tu recommanderais à d’autres patients souffrant des mêmes affections ?
Valérie : Je ne recommanderais pas l’expérimentation sans les fleurs à vaporiser, à moins que le patient n’en ait pas besoin, auquel cas les huiles seules pourraient suffire pour le traitement de fond par voie sublinguale.
Expériences supplémentaires
CIRC : Y a-t-il d’autres informations ou expériences que tu aimerais partager concernant ton utilisation du cannabis médical en France ?
Valérie : La situation actuelle se caractérise par une complexité et une limitation considérables en ce qui concerne le choix des médicaments. Le cannabis médical demeure illégal, et l’amendement en question ne répond pas à ma requête en tant que patiente qui utilise le cannabis à des fins médicales. Je revendique donc le droit de cultiver ma propre plante de cannabis chez moi afin de pallier au manquement de l’État. En avril 2024, la délivrance d’un de mes médicaments prescrit pendant les trois ans de l’expérimentation, sera probablement suspendue. Il s’agit des fleurs à vaporiser d’AURORA 20/1 XPE, contenant 20% de THC pour moins de 1% de CBD. Cette démarche, désobéir et autoproduire mon médicament, me permettra non seulement de contourner la suspension, mais aussi de choisir parmi différentes variétés et taux de cannabinoïdes, évitant ainsi le développement de la tolérance dont j’ai parlé précédemment.
En Conclusion
L’interview de Valérie offre un aperçu captivant de son engagement en faveur de la reconnaissance du cannabis à des fins médicales et récréatives. Son expérience en tant que participante à l’expérimentation du cannabis médical en France met en lumière les multiples facettes de cette démarche novatrice.
Valérie, figure engagée au sein du Collectif d’Information et de Recherche Cannabique (CIRC) et de l’association « Principes Actifs », partage ouvertement son vécu lié au VIH, mettant en avant la stabilité de son état de santé grâce au traitement antirétroviral. Cependant, les douleurs neuropathiques résultant de thérapies antérieures ont conduit à son inclusion dans l’expérimentation médicale du cannabis, menée dans un service de soins palliatifs et de soins de suite en oncologie.
L’interview explore en détail les motivations profondes de Valérie, sa découverte de l’expérimentation du cannabis médical, ainsi que les bénéfices qu’elle en retire. Ses témoignages soulignent l’importance du cannabis dans le soulagement des douleurs neuropathiques, des symptômes liés au VIH, et de ses effets positifs sur le sommeil et l’anxiété.
La description détaillée de la posologie et de la forme d’administration du cannabis médical utilisé par Valérie offre un aperçu concret de son traitement. De plus, elle aborde les aspects légaux et administratifs, soulignant les défis auxquels les patients sont confrontés, notamment en ce qui concerne la conduite automobile.
Les espoirs et attentes de Valérie pour l’avenir de la réglementation du cannabis médical en France sont empreints de réalisme et de déception, illustrant les limitations perçues dans l’amendement gouvernemental.
Elle exprime clairement son désir de cultiver sa propre plante de cannabis pour garantir l’accès continu à son traitement, remettant en question les choix restrictifs imposés par l’expérimentation actuelle.
Remerciements
Nous tenons à exprimer notre profonde gratitude envers Valérie pour le temps qu’elle nous a accordé lors de cette interview enrichissante. Sa participation active et sincère a permis de mettre en lumière des aspects essentiels de l’expérimentation du cannabis médical en France, offrant ainsi un éclairage précieux sur les réalités vécues par les patients engagés dans cette démarche.
Le partage ouvert de son expérience personnelle, de ses motivations et de ses perspectives futures contribue grandement à sensibiliser le public et à promouvoir une compréhension plus approfondie des défis auxquels les patients sont confrontés dans l’accès au cannabis médical.
Nous saluons son engagement continu dans la quête de reconnaissance du rôle du cannabis à des fins médicales et récréatives, ainsi que sa détermination à faire entendre sa voix pour défendre les droits des patients. Encore une fois, merci à Valérie pour sa générosité et son engagement envers la sensibilisation et la recherche dans le domaine du cannabis médical.
L’équipe du CIRC
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