Une prohibition inefficace et contre-productive – Depuis plusieurs années, la lutte contre les trafics de drogues est présentée comme un enjeu majeur par les gouvernements successifs, qui n’hésitent pas à allouer des moyens conséquents à cette politique. Entre 2018 et 2024, le budget dédié à la « lutte contre les drogues » a ainsi doublé, atteignant 1,2 milliard d’euros.
Cependant, cette rhétorique cache mal la réalité : la politique antidrogue française cible avant tout les consommateur·trice·s plutôt que les véritables réseaux criminels. En moyenne, une personne est interpellée toutes les quatre minutes pour usage de cannabis, et 80 % des arrestations liées aux stupéfiants concernent uniquement la consommation et non le trafic.
Ce choix stratégique, justifié par l’idée de réduire la demande, est pourtant un échec avéré. Selon l’Observatoire français des drogues et tendances addictives (OFDT), le nombre d’usager·ère·s de cocaïne a presque doublé entre 2022 et 2023, tandis que la France reste l’un des plus gros consommateurs de cannabis en Europe. De plus, après une longue période de stagnation, la baisse actuelle des prix des substances illégales démontre que les saisies n’ont qu’un impact extrêmement limité sur la perturbation du trafic.
Une communication politique trompeuse
Lorsqu’il s’agit d’agir contre les trafics, les autorités se concentrent souvent sur des cibles de moindre importance, en s’attaquant aux petits réseaux locaux plutôt qu’aux circuits financiers et aux mécanismes de blanchiment d’argent.
Les opérations « Places nettes XXL », largement médiatisées, en sont l’exemple parfait. Si elles permettent d’afficher une posture offensive, elles ne font que déplacer les trafiquants et perturber l’équilibre local sans s’attaquer aux causes profondes du phénomène. Pendant ce temps, les marchés en ligne et les réseaux internationaux prospèrent sans être véritablement inquiétés.
En parallèle, la question de l’entrée des jeunes dans ces réseaux est trop souvent négligée. Les inégalités sociales, le manque d’opportunités économiques et la précarité sont des facteurs déterminants dans le recrutement des nouvelles générations de trafiquants. Une réponse purement répressive est donc vouée à l’échec si elle ne s’accompagne pas de mesures sociales et économiques fortes.
Une législation déconnectée des réalités
En mai 2024, le Sénat a publié un rapport intitulé Un nécessaire sursaut : sortir du piège du narcotrafic, qui a conduit à une proposition de loi renforçant encore la répression. Ce texte, adopté dans l’urgence et sans véritable débat, persiste à ignorer les dimensions sociales et sanitaires du problème.
La nouvelle législation ne prévoit ni mesures de prévention, ni dispositifs d’insertion pour les jeunes tentés par le trafic. Elle aborde la question des stupéfiants sous un prisme purement sécuritaire, sans s’attaquer aux véritables circuits de la criminalité organisée.
Une alternative crédible : les propositions du CIRC
Face à l’impasse de la prohibition, le Collectif d’Information et de Recherche Cannabique (CIRC) défend une approche pragmatique et efficace, centrée sur la dépénalisation de l’usage de drogues, la légalisation du cannabis et le droit à l’autoproduction individuelle.
Mettre fin à la criminalisation des usager·ère·s
Les politiques actuelles ciblent en priorité les consommateur·trice·s, au détriment de la lutte contre les réseaux criminels. Il est urgent de réorienter les moyens répressifs vers la lutte contre le crime organisé, le blanchiment d’argent et le trafic international.
Le CIRC propose :
- La suppression des sanctions pénales pour usage personnel de drogues afin de concentrer les ressources judiciaires sur la criminalité organisée.
- Un renforcement des dispositifs de réduction des risques et d’accès aux soins pour les usager·ère·s.
- Une politique de légalisation du cannabis, en s’inspirant des modèles mis en place en Uruguay, au Canada ou en Espagne.
Encadrer légalement le marché du cannabis
Plutôt que de laisser le cannabis entre les mains des trafiquants, une légalisation responsable permettrait de reprendre le contrôle sur ce marché et d’en tirer des bénéfices pour la société.
Le CIRC défend :
- La mise en place de Cannabis Social Clubs et de Cannabistrots sous régulation publique.
- L’autorisation de l’autoproduction pour les particuliers.
- Une taxation adaptée permettant de financer la prévention et les dispositifs de santé publique.
- Un contrôle strict de la qualité des produits afin de garantir leur traçabilité et d’éviter les substances dangereuses.
- La séparation des marchés, un avantage essentiel de la légalisation du cannabis. Cet argument, qui a été central dans la dépénalisation aux Pays-Bas, constitue le meilleur rempart contre l’expansion de la cocaïne et de son trafic. Bien que les tenants de la prohibition aient retardé cette approche pour des raisons démagogiques, elle reste un levier majeur pour détourner la demande de cannabis des réseaux criminels « multicartes ».
Privilégier la santé publique et la prévention
La politique actuelle repose sur la répression et la stigmatisation des usager·ère·s, avec des conséquences sanitaires préoccupantes. Il est impératif de replacer la santé publique au centre du débat, en adoptant des mesures de réduction des risques telles que :
- La création de salles de consommation à moindre risque.
- Une meilleure information sur les substances psychoactives et leurs effets.
- Un accès facilité aux soins et aux accompagnements adaptés.
Seule une approche fondée sur la dépénalisation, la légalisation et la prévention permettra de mettre fin à l’impasse prohibitionniste et de priver les trafiquants de leur principale source de revenus.
Un appel au courage politique
Les faits sont là : la prohibition est un échec, dont les conséquences criminogènes pèsent lourdement sur notre société. Pourtant, trop de responsables politiques continuent d’ignorer les solutions alternatives, par crainte de remettre en question des dogmes dépassés ou par calcul électoral.
Face à cette réalité, il est temps d’abandonner les postures répressives inefficaces et de prendre des décisions fondées sur la santé publique et la rationalité. La légalisation du cannabis, couplée à une politique de prévention et de réduction des risques, n’est pas un pari risqué : c’est une nécessité.
Nous appelons les élu·e·s à faire preuve de courage, à dépasser les réflexes sécuritaires stériles et à agir dans l’intérêt général, plutôt que de sacrifier la cohérence politique à des ambitions carriéristes. L’histoire jugera celles et ceux qui auront su briser le tabou et prendre leurs responsabilités face à l’absurdité de la prohibition.
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