Publié le 7 Septembre 2020 | Par Oscar Tosato, conseiller municipal, Lausanne
Le 2 juin 2020, le Conseil national acceptait par 113 voix contre 86 la base légale qui ouvre la voie au lancement d’expériences pilotes en matière de vente régulée de cannabis. Le 12 août dernier, la Commission de la sécurité sociale et de la santé publique du Conseil des Etats vient, elle aussi, de donner son feu vert. Rien n’est encore joué, le Conseil des Etats doit se prononcer devrait se prononcer ce 9 septembre 2020, mais nous sommes sur le bon chemin. C’est un signal fort, un appui important que les parlementaires, de gauche mais aussi de droite, adressent aujourd’hui aux élus des villes suisses, comme à tous les acteurs actifs dans le domaine des addictions.
Nombreux sont les experts qui ont mis en lumière l’échec des mesures répressives contre la vente et la consommation de substances illégales, dont le cannabis. Différentes études ont démontré que l’une et l’autre ne diminuent pas. Pis, un important marché noir s’est mis en place depuis longtemps sous le regard des citoyens comme des autorités. Cette situation est particulièrement sensible dans les villes et les agglomérations.
Marché noir agressif
Dans le canton de Vaud, selon l’étude sur la structure et les produits du marché des stupéfiants (Marstup), menée cette année par Addiction Suisse, l’Ecole des sciences criminelles de l’Unil et Unisanté, il y aurait entre 25 000 et 35 000 consommateurs de cannabis. Dont 5000 à 7000 personnes qui consomment quotidiennement. Ne rien faire, c’est continuer à ignorer les 250 000 consommateurs que compte aujourd’hui la Suisse. C’est détourner les yeux des problèmes de santé publique et sociaux qu’engendre cette consommation. C’est, enfin, laisser les jeunes adultes aux prises avec un marché noir agressif.
« Ne rien faire, c’est continuer à ignorer les 250 000 consommateurs que compte aujourd’hui la Suisse »
Il est nécessaire de changer notre approche et de définir les bases d’une nouvelle politique publique face au cannabis. Il est primordial que les municipalités puissent développer dans ce domaine une politique forte et en lien avec la réalité qu’elles vivent chaque jour. Comment y arriver? Par l’expérimentation de nouveaux modèles qui offriront aux consommateurs des alternatives au marché noir. Dans ce contexte apaisé, nous pourrons tisser des liens avec les usagers et connaître les motivations qui les poussent vers ces produits. De là, nous pourrons suivre les répercussions sur la santé et adapter nos prestations en conséquence.
Plusieurs pays et Etats ont déjà pris ce chemin et abordé la question de front. Le Canada et l’Uruguay ont même été jusqu’à la légalisation et la régulation. Grâce à ces exemples, nous pouvons prendre du recul, comparer ce qui a été mis en place et analyser les résultats obtenus. Mais cela ne suffit pas. Il faut expérimenter nous-mêmes! Le contexte canadien ou celui de la Californie ne sont pas celui de la Suisse.
Changeons de cap
Forte de son expérience dans la mise en œuvre de politiques en matière d’addictions, Lausanne offre un cadre propice à la mise en place d’un projet pilote au même titre que Berne, Genève ou Bâle. Grâce notamment à sa taille, sa diversité de population, mais aussi grâce à l’existence d’un solide réseau d’acteurs actifs dans les domaines de la prévention, de la santé, de la sécurité ou encore du social, qui travaillent ensemble depuis de nombreuses années. En outre, la ville partage une vision commune dans ce domaine avec les autorités cantonales. Le terreau n’en est que plus favorable. Les organes législatifs communaux et cantonaux sont aussi au diapason, par le dépôt de postulats et motions qui appellent à cette expérimentation.
Lausanne sera prête à déposer une demande à l’OFSP lorsque la nouvelle loi sera adoptée. Sur la base d’une étude réalisée par Addiction Suisse, les travaux sont déjà en cours pour développer le modèle le plus adapté dans le contexte actuel. Avec le futur cadre législatif fédéral, Confédération, cantons et communes pourront aligner leur politique en matière de cannabis. Après soixante ans d’interdiction qui n’ont rien résolu, il est temps de changer de cap!