Par Angeline Montoya
Publié le 7 février
ENQUÊTE Le pays a été le premier au monde à légaliser la culture et la vente de la marijuana pour tous les usages, en 2013. Depuis, des délégations du monde entier, à l’instar du Canada, sont venues à Montevideo pour s’inspirer de ce modèle.
Une odeur âcre flotte sur l’esplanade de la mairie de Montevideo. Quelques dizaines de jeunes sont venus montrer leur soutien aux manifestations au Chili. Parmi eux, Valentina Almiron, 29 ans, et Justino Muñiz, 28 ans. Ils s’échangent une calebasse de maté, l’indispensable infusion locale, et un joint de cannabis consciencieusement roulé sous le nez des policiers postés à quelques mètres de là. Valentina et Justino ne se souviennent pas d’avoir jamais dû se cacher : la consommation du cannabis a été dépénalisée dès 1974, en pleine dictature militaire.
Ce qui a changé, c’est la façon de s’en procurer. « Avant, j’allais dans une “boca”, un point de vente illégal, auprès d’un dealer de quartier, se rappelle Valentina. Aujourd’hui, je vais à la pharmacie. » En 2013, l’Uruguay est en effet devenu le premier pays au monde à réguler la culture, la production, la distribution et la vente sur son territoire du cannabis – y compris récréatif.
La loi 19.172, votée le 20 décembre 2013, prévoit des usages récréatifs, médicinaux, cosmétiques ou à des fins de recherche du cannabis, avec l’objectif de « contrer les conséquences sanitaires, sociales et économiques dévastatrices de l’utilisation problématique de substances psychoactives, et réduire l’incidence du narcotrafic et du crime organisé. »
Cette loi, c’était le bébé de José « Pepe » Mujica, ancien guérillero devenu chef de l’Etat entre 2010 et 2015 et surnommé par la presse « le président le plus pauvre du monde » parce qu’il donnait 90 % de son salaire à des ONG, et parce que ses manières un peu frustes et son franc-parler choquaient la bourgeoisie. Le mariage pour tous, c’était lui. La légalisation de l’avortement, lui aussi. Pour le cannabis, il a dû ferrailler, et pas seulement dans son pays.
Aux Nations unies, la bataille a été rude. En avril 2014, Raymond Yans, alors président de l’Organe international de contrôle des stupéfiants (OICS), accusa les autorités uruguayennes d’adopter des « comportements de pirates » face aux accords internationaux. « Il faut dire à ce vieillard d’arrêter de mentir ! », répondit le président Mujica, qui a treize ans de plus que le fonctionnaire de l’ONU.
Priver les dealers de leur « produit de base »
Plusieurs facteurs expliquent le vote uruguayen de 2013. D’abord, la population de ce pays progressiste et laïque, très attaché aux libertés individuelles (l’Eglise et l’Etat sont séparés depuis 1918 et les femmes y votent depuis 1927), est traditionnellement plus consommatrice de cannabis que le reste de la région, explique Marcos Baudean, sociologue, professeur à l’université ORT d’Uruguay et membre de Monitor Cannabis – une équipe d’universitaires de la faculté de sciences sociales de l’Université de la République qui étudie l’application de la loi.
Ensuite, la mobilisation des consommateurs en faveur de la légalisation s’est intensifiée au début des années 2000. « Le troisième facteur, poursuit M. Baudean, a été l’augmentation des homicides liés au trafic de drogue à partir de 2011. Cette année-là, les gens ont été choqués par l’assassinat, en pleine rue, d’un narcotrafiquant – ce qui n’était jamais arrivé dans le tranquille Uruguay. »
En juin 2012, un comité de réflexion sur la sécurité préconisa 15 « stratégies pour la vie et le vivre-ensemble », parmi lesquelles « la légalisation régulée et contrôlée du cannabis, avec un rôle fort de l’Etat dans la production ». Le document provoqua un tollé au sein de la droite conservatrice. L’opinion publique était contre à 60 %, mais le débat était lancé, et la loi fut votée un an et demi plus tard.
« On voulait retirer aux dealers de cocaïne basée [sorte de crack, répandue dans la région] le marché de la marijuana, comme les Pays-Bas l’ont fait avec les dealers d’héroïne, explique Julio Calzada, secrétaire général du Conseil national des drogues (JND) entre 2011 et 2015. L’idée était de bloquer “l’effet gondole” : une épicerie attire le gros de sa clientèle par la vente d’articles de base tout en espérant que certains achèteront les produits plus chers qui lui permettent de faire des bénéfices. En enlevant au narcotrafic la marijuana, on le prive du “produit de base” qui draine les clients chez les dealers. »
La mise en application de la nouvelle législation a été progressive, cahotante, presque chaotique. Montevideo ne pouvait s’inspirer d’aucune autre législation similaire. José « Pepe » Mujica ne s’en est pas caché : il s’agissait d’une expérience qui pourrait servir au monde entier, face à l’échec global de la lutte contre la drogue. La loi pourrait être amendée, voire annulée si elle n’était pas concluante. « Vivre, c’est expérimenter, déclarait-il lors d’un entretien à la BBC en 2014. Seuls les dogmatiques, les sectaires et ceux qui s’opposent à tout changement peuvent être contre l’honnêteté du mot “expérience”. »
L’Uruguay est alors devenu, ainsi que le souhaitait M. Mujica, une sorte de laboratoire. Des délégations du monde entier ont convergé vers ce minuscule Etat pour étudier le phénomène et parfois tenter de le répliquer. En 2018, le Canada devenait le premier pays du G7 à légaliser la marijuana à des fins récréatives.
Quelque 50 000 consommateurs enregistrés
Mais six ans après le vote de la loi, il reste compliqué d’établir un bilan précis et chiffré. « Depuis 2017, relève Martin Rodriguez, directeur exécutif de l’Institut de régulation et de contrôle du cannabis (Ircca), nous avons arraché 29 millions de dollars (26 millions d’euros) au narcotrafic », sur un total d’environ 45 millions de dollars en Uruguay.
La culture à domicile est autorisée – six plantes femelles en fleur maximum par personne, soit une production d’environ 480 grammes par an –, ainsi que dans les clubs cannabiques, qui peuvent cultiver 99 plantes pour 45 membres maximum. Depuis le 19 juillet 2017, 17 pharmacies du pays sont habilitées à la vente, destinée aux résidents majeurs, qui peuvent acheter jusqu’à 40 grammes par mois.
Quatre variétés (de 2 % et 4 % de tétrahydrocannabinol ou THC, la substance psychoactive de la plante, un dosage très modéré par rapport aux variétés que les autocultivateurs ou les clubs font pousser) sont proposées en sachets de 5 grammes. Quel que soit le mode de consommation – on ne peut pas les cumuler –, il faut s’inscrire sur un registre de l’Ircca. Une formalité qui s’effectue au bureau de poste. Au 19 janvier 2020, 51 555 consommateurs étaient enregistrés, dont 39 423 clients en pharmacie, 7 834 cultivateurs et 4 298 membres de 145 clubs.
« Avant, on achetait au marché noir de l’herbe mélangée à des produits parfois toxiques. En pharmacie, j’achète de la fleur séchée pure, produite dans de bonnes conditions » Justino, consommateur de cannabis
Selon un rapport présenté, le 18 décembre 2019, par l’Observatoire uruguayen des drogues, qui dépend du JND, près du tiers des consommateurs de cannabis se sont fournis par les voies légales en 2018. « Avant, on achetait au marché noir du “prensado” en provenance du Paraguay : de l’herbe pressée et mélangée à des produits parfois toxiques, assure Justino, le jeune consommateur rencontré devant la mairie de Montevideo. Alors qu’en pharmacie, j’achète de la fleur séchée pure, produite dans de bonnes conditions. » Julio Rey, militant historique, cultive des plantes chez lui, à Florida, petite ville à 120 km au nord de Montevideo. Pour lui, « la pire des fleurs est meilleure que n’importe quel “prensado”. Cela limite considérablement les accidents ».
Aujourd’hui, la marijuana est partout : cosmétiques, savons, boisson au maté (sans THC)… En décembre 2016, un Musée du cannabis a ouvert en plein centre de Montevideo. Les craintes d’une augmentation exponentielle de la consommation ne se sont pas concrétisées. Le taux de consommation a augmenté de 9,3 % en 2014 à 14,6 % en 2018, soit un accroissement « comparable à celui du monde occidental où la marijuana est interdite », assure Diego Olivera, actuel secrétaire général du JND. Bien en deçà d’autres drogues légales telles que le tabac ou l’alcool.
Concernant la violence, les résultats sont moins probants. Les homicides ont explosé : + 45,8 % entre 2017 et 2018, surtout des règlements de comptes entre trafiquants de cocaïne et des assassinats par tueurs à gages. « Il était naïf de croire que la régulation du cannabis allait entraîner une baisse automatique de la violence, remarque le sociologue Marcos Baudean. Actuellement, elle s’explique par l’existence d’autres marchés de drogues illégales qui possèdent leur propre dynamique, avec des luttes de territoires entre trafiquants de cocaïne, pour lesquels l’Uruguay est devenu une plaque tournante pour des raisons géopolitiques qui dépassent la loi sur le cannabis. »
Julio Calzada, ancien patron du Conseil national des drogues, souligne que les consommateurs de marijuana ne sont plus exposés à la « violence symbolique » que représentait l’approvisionnement clandestin auprès d’un dealer. « Pas seulement symbolique, corrige Yanina Torres, docteure spécialisée en néonatologie et fondatrice du club cannabique Flowers. Je suis consommatrice depuis longtemps et cette loi a tout changé. Avant, on était confrontés à des situations délicates, des endroits pas sûrs du tout, surtout pour les femmes. »
Rien, dans la rue, n’indique la présence du club de Mme Torres, qui a ouvert le 15 mai 2019 dans un quartier résidentiel de Montevideo. La loi interdit de promouvoir le cannabis récréatif – à l’instar du tabac. Repérer les clubs cannabiques, par le bouche-à-oreille ou sur Facebook, n’est pas chose aisée. On pénètre dans le club Flowers par une porte de garage, surveillée par des caméras de sécurité. Yanina Torres reçoit avec, entre les doigts, un joint gros comme un cigare qui contient, prévient-elle, 30 % de THC. « Les cambriolages sont courants, on est obligés de se barricader », explique-t-elle en montrant avec fierté ses plantes cultivées sous la lumière crue des néons.
Transactions en liquide
La production par les entreprises sous-traitantes et la vente en pharmacie ont été compliquées à mettre en place. Les officines étaient réticentes à vendre une drogue récréative et redoutaient de voir débarquer une foule de jeunes en état manque, potentiellement violents. Il n’en a rien été.
Le problème majeur qui s’est posé est en fait venu des Etats-Unis. Très vite, les pharmacies qui avaient accepté de vendre du cannabis ont vu leur compte bancaire fermé à cause du Patriot Act, loi américaine votée en 2001, obligeant les banques à effectuer des contrôles sévères sur les capitaux susceptibles de provenir du trafic de drogue notamment. L’Uruguay étant un pays très dollarisé – le peso n’inspire pas confiance –, les banques sont dépendantes de ce qui se décide sur les places financières de New York et de Washington.
Pour éviter d’être accusées de participer au trafic de drogue, elles ont préféré fermer les comptes des sociétés faisant commerce du cannabis. Paradoxalement, alors que la marijuana devait s’éloigner du crime organisé grâce à la loi de régulation de 2013, c’est le système bancaire qui l’a contrainte à l’opacité des transactions en liquide… Plusieurs pharmacies ont renoncé à en vendre. Celles qui ont continué n’acceptent que du cash.
Le président Tabaré Vazquez s’est lui aussi montré réticent. Elu en 2015 à la suite de José Mujica et bien que faisant partie de la même coalition de gauche, le Frente Amplio, M. Vazquez, oncologue de profession et farouche ennemi du tabagisme contre lequel il a mené une lutte sans merci, était personnellement opposé à la vente de cannabis en pharmacie, qu’il avait qualifiée d’« insolite ». C’était lui qui devait la mettre en œuvre. Il l’a fait, mais en traînant des pieds. « On a perdu quatre ans entre le vote de la loi et le début de la vente en pharmacie en 2017 », regrette Julio Calzada.
A peine la vente pour usage récréatif a-t-elle été autorisée que les files d’attente, de parfois 150 personnes, se sont formées devant les pharmacies
Autre difficulté, la production de cannabis par deux entreprises mandatées par l’Etat n’est pas suffisante. A peine la vente pour usage récréatif a-t-elle été autorisée que les files d’attente, de parfois 150 personnes, se sont formées devant les pharmacies, à chaque arrivée de stock. « Cela a causé des problèmes avec les voisins, riverains ou commerçants, raconte une employée de la pharmacie Antartida, dans le centre de la capitale. Et quand arrivait le tour des derniers clients, on n’avait souvent plus rien. »
En avril 2018, cinq des sept pharmacies de Montevideo ayant adhéré au programme ont tenté d’améliorer la situation par un système de réservation sur Internet et via une application, ReservarCannabis. Sans parvenir à résoudre la frustration engendrée par la faiblesse de la production : deux tonnes par an, pour les deux entreprises agréées, ce n’est pas suffisant. Résultat, plus de la moitié des consommateurs se fournissent ailleurs. L’Ircca a lancé un nouvel appel d’offres en décembre 2018, remporté par trois entreprises.
Chacune pourra produire deux tonnes de cannabis par an, élevant la production régulée par l’Etat à dix tonnes.
Peur d’être fichés
Certains, notamment la génération qui a connu la dictature des années 1970, continuent à préférer les chemins de traverse de peur d’être fichés. Le marché noir ne récupère pas forcément ces récalcitrants – ni les touristes, qui depuis 2017 se rendent en Uruguay pour acheter du cannabis alors que l’approvisionnement légal en pharmacie ne leur est pas ouvert. Selon le sociologue Marcos Baudean, « certains des cultivateurs enregistrés et des clubs cannabiques produisent davantage que la quantité à laquelle ils ont droit, et revendent ce surplus illégalement » : un marché « gris » et pacifique toléré par les autorités.
Le cannabis « légal » reste cher (6,4 euros le sachet de 5 grammes) et ouvrir un club cannabique n’est pas à la portée de tous. « On ne peut cultiver qu’en intérieur avec des règles strictes en termes de ventilation, de lumière, de sécurité ; nous avons déjà dépensé au moins 7 000 dollars », explique Yanina Torres, du club Flowers.
A Uruguay XXI, l’organisme chargé de promouvoir les exportations et l’image du pays, on regrette que les touristes n’aient pas accès au cannabis en pharmacie. « On perd un grand business », confie un responsable sous le couvert de l’anonymat. Dans ce pays qui dépend des investissements étrangers, « business » et « exportation » sont les mots magiques qui ouvrent – presque – toutes les portes. Ce pragmatisme met en général tout le monde d’accord, à droite comme à gauche. Si la vente aux touristes n’est pas encore à l’ordre du jour, Montevideo commence à entrevoir une autre opportunité d’affaires : celle du cannabis thérapeutique.
Selon certaines estimations, son marché mondial se situe au-dessus de 340 milliards de dollars. Pour l’instant, c’est le Canada, l’un des premiers pays à avoir légalisé le cannabis médicinal en 2001, qui le domine. Mais l’Ircca estime que 3 000 à 4 000 postes de travail pourraient être créés ces prochaines années en Uruguay. Les plus optimistes tablent sur une augmentation d’un ou deux points du PIB.
Le cannabis médicinal peut-il devenir le nouvel or vert de l’Uruguay ? C’est ce que pense Jordan Lewis, PDG américain de Fotmer Life Sciences, qui a déjà investi entre 15 et 20 millions de dollars dans ce pays. Son entreprise, installée sur deux hectares à Nueva Helvecia, petite localité à 120 km à l’ouest de Montevideo, et sur le Parque de las Ciencias, une zone franche pour entreprises pharmaceutiques et de biotechnologies, proche de l’aéroport international de Carrasco, cultive 27 variétés de plantes cannabiques : 300 plantes mères qui ont produit 20 000 clones dans un laboratoire de haute technologie ultra-sécurisé.
« L’Uruguay est en meilleure position concurrentielle que le Canada, assure M. Lewis, qui a commencé par investir dans l’industrie du cannabis médicinal dans l’Etat du Colorado, aux Etats-Unis, au début des années 2010. La main-d’œuvre y est très qualifiée, les coûts de production y sont moins élevés, le climat est plus favorable et on est exempté d’impôts en zone franche. L’avantage qu’avait le Canada commence à se dissiper. » En envoyant, en octobre 2019, 10 kg de fleurs séchées à fort taux de THC en Australie, Fotmer a fait de l’Uruguay le premier pays latino-américain à exporter du cannabis.
Un seul médicament autorisé
Là encore, les entreprises ont été confrontées à la réticence des banques. Fotmer a contourné le problème en faisant transiter l’argent par le Canada. « Aux Etats-Unis, quand le Colorado et Washington ont légalisé le cannabis récréatif en 2012, c’était la même chose : des liasses d’argent liquide circulaient, faute de comptes en banque, se souvient Jordan Lewis. Le problème perdurera jusqu’à ce que l’industrie se développe, et là, ça s’ouvrira. » De fait, le 25 septembre 2019, la Chambre des représentants américaine a voté une loi, le SAFE Banking Act, qui doit permettre aux banques d’échapper aux sanctions – le Sénat ne s’est pas encore prononcé.
Une cinquantaine de pays sont à présent dotés de lois régulant à différents niveaux le cannabis thérapeutique : 33 Etats aux Etats-Unis, 21 pays de l’Union européenne, six d’Amérique latine. La France, elle, va en expérimenter l’usage, en 2020, durant deux ans auprès de 3 000 patients.
Le retard pris par l’Uruguay sur le développement du cannabis thérapeutique est aussi à mettre sur le compte de la prudence – la frilosité, diront certains – du ministère de la santé en termes d’autorisations de mise sur le marché de nouveaux médicaments qui n’ont pas fait l’objet d’essais cliniques. Ainsi, alors qu’un décret autorisait dès 2015 les médecins à prescrire des produits contenant du cannabis, un seul médicament, l’Epifractan, a été autorisé. Il n’est pas remboursé par la Sécurité sociale et son prix est prohibitif : le flacon contenant 5 % de cannabidiol (CBD, autre molécule active, sans effets psychotropes) coûte 5 600 pesos, soit 130 euros. Le salaire minimum en Uruguay est de 380 euros.
Julia Galzerano, médecin interne et présidente de la Société uruguayenne d’endocannabinologie, reconnaît que, faute de mieux, elle prescrit parfois des huiles artisanales, surtout aux enfants souffrant d’épilepsies réfractaires, pour lesquelles le cannabis a un effet spectaculaire. Là encore s’est formé un marché « gris », très accessible sur les marchés artisanaux ou en ligne.
Finalement, le 10 décembre 2019, après une lutte acharnée d’associations de patients – notamment la fondation Batar –, le Sénat a approuvé la « loi intégrale pour le développement et l’accès au cannabis médicinal et thérapeutique ». Elle précise les modalités de l’usage médicinal autorisé par la loi de 2013 en prévoyant le remboursement des médicaments à base de cannabinoïdes, un système de certification et de contrôle de qualité ainsi que la formation de médecins.
Cette nouvelle loi a été adoptée juste après la victoire de la droite à la présidentielle, le 24 novembre 2019. Le président élu, Luis Lacalle Pou, qui prendra ses fonctions le 1er mars 2020, avait critiqué, en son temps, la régulation de la marijuana par l’Etat, sans remettre en cause sa légalisation. Il a même été l’auteur d’un projet de loi, dès 2010, qui autorisait la culture à domicile. Il a pourtant été élu grâce au soutien, au second tour, du parti d’extrême droite Cabildo Abierto (CA), qui a remporté onze sièges de députés et trois au Sénat. « Nous ne voulons pas de drogue légale en Uruguay », avait clamé Guido
Manini Rios, candidat de CA à la présidence, qui promettait d’abolir la loi de 2013. Peu d’analystes, cependant, pensent que M. Lacalle Pou pourrait suivre cet encombrant allié sur ce terrain. « Le moindre retour en arrière, ne serait-ce que sur la vente en pharmacie, pourrait effrayer les investisseurs dans l’industrie du cannabis médicinal, estime Oscar Bottinelli, directeur de l’institut de sondages Factum. Il est improbable qu’ils défassent tout ce qui a été fait. Le cannabis est en Uruguay pour rester. »
Angeline Montoya
Montevideo, envoyée spéciale
Source : Lemonde.fr