Publié le 07/02/2020
Publié le 07/02/2020 à 12h15
Mathias, 21 ans, fait partie des rares épileptiques pharmaco-résistants qui peuvent recourir au cannabis thérapeutique. Ce n’est autorisé en France que depuis janvier 2019. Récit d’un « avant » et d’un « après ».
Une personne sur cent est épileptique en France. Et dans cette longue cohorte de personnes pour qui le quotidien se complique, 150.000 malades résistent à tous les traitements.
Mathias Frelat est de ceux-là. Environ 75 crises par an jusqu’à l’année dernière : trois ou quatre par semaine !
Le jour où traverser la rue aurait pu lui être fatal
Dans son quotidien au nord de l’Auvergne, il y a non seulement les crises tonico-cloniques qui mettent directement sa santé en danger ou induisent des risques de blessures graves, mais aussi les épisodes où la conscience se déconnecte.
Elles arrivent sans prévenir et le laissent tomber – littéralement – dans des situations parfois critiques. Comme ce jour en sortant du lycée, où le seul fait de traverser la rue aurait pu lui coûter la vie : voiture et autobus roulaient lentement, heureusement.
« Il y a mieux comme vie pour un jeune »
Yannick, son papa, n’y va pas par quatre chemins. « Il ne doit pas rester seul. C’est trop dangereux. Même la nuit, une caméra veille dans sa chambre… Il y a mieux comme vie pour un jeune homme de 21 ans ».
En deux décennies, Mathias avait fait le tour des traitements possibles, jusqu’à porter un implant pour stimuler le nerf vagal en cas de crise.
Rien n’éloignait le spectre des crises.
En 2017, ses parents ont dû renoncer à un des deux salaires. Yannick a endossé le rôle d’aidant. Et il s’est mis à la tâche pour faire avancer l’usage du cannabis thérapeutique en France (1).
Parmi les premiers Français sous cannabis thérapeutique
Mathias fait aujourd’hui partie des quelque 400 personnes qui bénéficient, en France, d’une autorisation nominative temporaire d’utilisation de l’Epidyolex.
Le premier médicament à base de cannabis autorisé sur le territoire pour l’épilepsie, et seulement depuis janvier 2019 (2).
Sous forme de solution buvable à prendre deux fois par jour, il utilise le principe actif du cannabidiol (CBD), mais il est exempt de tétrahydrocannabinol (THC) connu pour ses propriétés psychoactives et addictives.
Avec un an de recul: 42% de crises en moins
Avec un an de recul seulement, père et fils se refusent à tirer des conclusions définitives et applicables à d’autres.
Pour eux, les crises sont toujours là, toujours aussi intenses, et toujours aussi imprévisibles avec ce que cela impose de vigilance. Mais le fait est que le nombre a diminué de façon spectaculaire : de 42% au décompte de Yannick.
« Je n’ai plus cette peur au réveil, où je me demandais quand la prochaine crise allait arriver ».
Mathias Frelat
La donne change
« Aujourd’hui le nombre de jour maximum sans crises est de 25 même s’il m’arrive encore d’en faire plusieurs par semaine », explique Mathias.
« Depuis que je prends du cannabidiol, je me sens plus serein par rapport à l’avenir. Même si je fais encore des crises, je peux constater que celles-ci sont plus espacées qu’auparavant. Je n’ai plus cette peur au réveil, où je me demandais quand la prochaine allait arriver, en sachant que je pouvais en faire plusieurs par jour. »
Mathias peut se lever avec autre chose à guetter : « un nouveau record de jours sans crise. »
Pour le père comme pour le fils, le cannabis thérapeutique représente clairement « un espoir pour toutes les personnes atteintes de cette maladie handicapante ».
D’autant plus que le bénéfice du cannabis thérapeutique est aussi non négligeable sur les troubles du comportement associés à la maladie et aux autres médicaments.
Les bénéfices du traitement selon son neurologue
Cette analyse positive est aussi partagée par Le Dr Sophie Mathais, chef de clinique et neurologue spécialisée en épilepsie qui suit d’autres patients épileptiques au CHU de Clermont-Ferrand.
« Les résultats sous Epidyolex sont vraiment intéressants, avec une nette amélioration du contrôle des crises pour certains patients, et des crises moins sévères avec une récupération plus rapide pour d’autres. »
Le médecin note surtout le bénéfice rapporté sur les troubles du comportement associés aux épilepsies. « On a pu diminuer, voire arrêter les traitements » .
En septembre, d’autres traitements à base de cannabis sont attendus.
2020 promet du nouveau sur l’Epidyolex
Seule molécule actuellement prescrite en France pour l’épilepsie, ce médicament ne bénéficie actuellement que d’une autorisation temporaire d’utilisation (ATU), sa prescription est donc très restreinte et encadrée. Même s’il n’entre plus sous le régime des stupéfiants depuis le 24 janvier 2020.
Une fois qu’un accord sera trouvé pour son prix de mise sur le marché, le produit pourra être délivré en officine publique.
Une subtilité qui change tout pour les malades éloignés des seules pharmacies hospitalières où l’Epidyolex doit être délivré.
D’autres traitements à base de cannabis attendus en 2020
D’autres médicaments pourraient obtenir une ATU cette année. Contrairement à l’Epidyolex, ils pourraient contenir de la THC avec cinq dosages différents.
Le Dr Mathais précise que ces médicaments restent des compléments thérapeutiques à associer, par exemple, à la Dépakine.
Prescrite correctement, malgré les problèmes (*) qui valent au groupe Sanofi d’être mis en examen, « cela reste un médicament efficace et très bien toléré ».
Lundi 10 février. Rencontres avec les professionnels et les associations, de 10 heures à 16h30 dans les halls du CHU de Clermont-Ferrand (sites Montpied et Estaing).
Table ronde. A 17 h 30, (gratuite, site Montpied). Avec : le Dr Sophie Mathais, neurologue au CHU de Clermont, le Dr Ganaelle Remerand, neuro-pédiatre, des médecins et infirmières du CHU Estaing; les associations ASEF, EPI, et la délégation du Puy-de-Dôme d’Épilepsie France.
(2) Il n’est prescriptible que pour deux formes rares d’épilepsie, le syndrome de Lennox-Gastaut et le syndrome de Dravet.
(1) Yannick Frelat est membre du Comité scientifique temporaire sur la pertinence de la mise en place du cannabis thérapeutique en France. Il est aussi le correspondant pour l’Allier de l’association Epilepsie France (Contact: yannick.frelat@epilepsie-
(3) Risques de malformation congénitale du fœtus en cas de prise par une femme enceinte.
Anne Bourges
anne.bourges@centrefrance.com
Source : lamontagne.fr