« Parquet national antistupéfiants », « DEA à la française »… La commission d’enquête parlementaire, qui rend publiques ses conclusions mardi 14 mai, émet trente-cinq recommandations pour rendre plus efficace la lutte contre le trafic de drogue.
Disséminées au fil des 603 pages du rapport publié mardi 14 mai, les 35 recommandations des sénateurs membres de la commission d’enquête sur le trafic de drogue sonnent comme un appel à la mobilisation dans la lutte antistupéfiants. Elles ont notamment pour objectif de renforcer l’arsenal législatif, de donner des moyens supplémentaires aux enquêteurs, mais aussi de refondre les services spécialisés (parquet, cours de justice, police, renseignement).
Un parquet et des cours d’assises spécialisés
Le garde des sceaux, Eric Dupond-Moretti, avait devancé la sortie du rapport en promettant la création d’un Parquet national anticriminalité organisée, chargé des affaires de trafic de drogue. Ce projet, pensé « sur le modèle du PNAT [Parquet national antiterroriste] et du PNF [Parquet national financier] », est une pierre angulaire des recommandations des sénateurs. Mais sous un autre nom : Parquet national antistupéfiants (Pnast). Cette « chaîne pénale spécialisée » devrait aussi compter des « cours d’assises spéciales pour les assassinats et meurtres commis en bande organisée », ainsi que des juges de l’application des peines spécialisés.
Un arsenal pénal étoffé
Inspirés par la législation antimafia italienne, les sénateurs souhaitent « la création d’un crime d’association de malfaiteurs en vue de la préparation d’un des crimes relevant de l’article 706-73 du code de procédure pénale ». C’est aussi du côté de l’enquête et de l’instruction que doit être mis l’accent, avec l’instauration d’un « dossier coffre », une procédure dont le contenu restera secret pour les avocats, sous le contrôle de la chambre de l’instruction de la cour d’appel, visant à protéger l’efficacité de certaines techniques spéciales d’enquête. Objet de discussions tendues lors des auditions, le régime des nullités de procédure est appelé à être « mieux encadré ».
Un recours étendu aux repentis
Les sénateurs voient dans les informateurs et les repentis des alliés précieux pour les enquêtes antistups. Les différentes modifications proposées à leurs statuts vont dans le sens d’un rôle accru, selon un « véritable statut » favorisant, sous l’égide du futur « Pnast », la création d’une « infiltration civile » pour les informateurs, ainsi que des réductions de peine et des moyens de protection pour les collaborateurs de justice.
La confiscation des avoirs criminels facilitée
« Frapper les narcotrafiquants au portefeuille » : ce slogan, répété lors des auditions comme dans le rapport, se traduit par la proposition d’instaurer « une procédure d’injonction pour richesse inexpliquée », d’« instaurer une procédure de gel judiciaire et de saisie conservatoire des biens des narcotrafiquants » ou encore d’« autoriser la confiscation civile sans condamnation pénale ».
L’Office antistupéfiants transformé en « DEA »
Fer de lance de la lutte contre les trafics, l’Office antistupéfiants n’échappe pas aux suggestions des sénateurs. Ils visent à en faire « une véritable DEA à la française », en prenant ainsi pour modèle l’agence américaine, la Drug Enforcement Administration. Il est question de lui donner « une véritable autonomie d’action et de décision », en le dotant notamment d’un pôle renseignement, et d’un algorithme de détection des consultations anormales de fichiers.
La direction générale de la sécurité intérieure comme protagoniste de la lutte antistups
Le renseignement est au cœur des réflexions des sénateurs pour rendre plus efficace la lutte contre le trafic de drogue et les violences qu’il génère. A ce titre, le rapport invite à « donner à la DGSI [direction générale de la sécurité intérieure] les moyens d’être pleinement mobilisée dans la lutte contre le narcotrafic ». La transmission d’informations entre les juridictions et services de renseignement doit être accrue, au moyen d’un « dispositif de feed-back inspiré de celui qui a été mis en place dans la lutte contre le terrorisme ».
En outre-mer, des contrôles « à 100 % » Les outre-mer figurent parmi les priorités des sénateurs. L’initiative en cours à l’aéroport de Cayenne, visant à contrôler 100 % des passagers et bagages, pour assécher les voyages des mules, est appelée à être pérennisée et « étendue aux Antilles ». Cette surveillance accrue est soumise à l’accroissement des moyens humains et matériels (radars, scanners mobiles, échographes…).
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