Après une nouvelle fusillade qui a fait deux morts à Marseille sous fond de trafic de stupéfiants, quel réel bilan peut-on tirer de la politique anti-drogue de l’exécutif ? Malgré des chiffres rassurants sur le démantèlement des points de deals et un nombre de saisies toujours record, le trafic reste en bonne santé.
La diminution des points de deal : une illusion ?
Le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, se vante d’une réduction significative du nombre de points de deals en France, passant de 4 034 à 3 000 entre décembre 2020 et juin 2023. La pénalisation des consommateurs, avec près de 370 000 amendes forfaitaires distribuées en trois ans, et les saisies, atteignant plus de 70 tonnes de cannabis et près de 14 tonnes de cocaïne au premier semestre 2023, semblent indiquer une politique de lutte anti-drogue efficace.
Cependant, une analyse plus approfondie révèle que la situation est plus complexe. Dans certaines régions, comme les Bouches-du-Rhône, bien que le nombre de points de deal ait diminué de moitié en trois ans, le trafic s’est simplement déplacé et concentré. Les enquêteurs soulignent que la fermeture d’un point de deal ne signifie pas nécessairement moins de ventes, car les concurrents se développent rapidement pour attirer les clients. Ainsi, l’éradication des points de deal peut être une bataille nécessaire, mais elle ne résout pas le problème du trafic de stupéfiants dans son ensemble.
Le défi des ventes en ligne
Depuis la crise du COVID-19, une nouvelle tendance émerge : la livraison à domicile, souvent surnommée le « uber-shit ». De plus en plus de consommateurs préfèrent commander leurs produits depuis chez eux, évitant ainsi de se rendre dans les banlieues des grandes villes. Les messageries cryptées comme Telegram, Snapchat ou Signal regorgent de points de deals virtuels, ce qui rend leur démantèlement très difficile.
La surcharge de travail des enquêteurs
Malgré les efforts déployés par le gouvernement, les enquêteurs se retrouvent avec des piles de dossiers toujours plus importantes. Certains rapportent qu’ils doivent traiter en moyenne jusqu’à 300 dossiers simultanément, voire davantage. Cette surcharge de travail signifie que de nombreux dossiers ne seront jamais ouverts et finiront par être prescrits.
En outre, les enquêteurs font face à une montée en flèche de la violence de la part des dealers et des trafiquants. Les homicides et les tentatives d’homicides entre criminels ont augmenté de plus de 70% par rapport à l’année précédente, avec des auteurs de règlements de compte de plus en plus jeunes et inexpérimentés.
Un combat difficile, voire impossible ?
Jacques Dallest, ancien juge d’instruction et procureur expérimenté, estime que la lutte contre le trafic de stupéfiants est un combat difficile et en constante évolution. Il salue les efforts pour démanteler les réseaux de haut niveau, mais il reste lucide quant à la persistance du trafic de drogue.
Selon lui, le trafic de drogue est un « puits sans fond » qui ne peut être éradiqué de manière permanente. Tant que la demande demeure forte et que l’opportunité de gagner de l’argent facile existe, il y aura toujours des trafiquants prêts à prendre le risque. En 2021, les stupéfiants ont rapporté près de 3 milliards d’euros aux trafiquants en France, selon l’INSEE.
En conclusion, bien que les statistiques sur la réduction des points de deals et les saisies massives puissent donner l’impression que la lutte contre le trafic de stupéfiants est un succès, la réalité est beaucoup plus nuancée. Les nouvelles tendances, comme la vente en ligne, et la surcharge de travail des enquêteurs montrent que le trafic de drogue reste un défi complexe et persistant pour les autorités françaises.
LIRE AUSSI :
Pour mettre fin à la guerre aux drogues, il faut commencer par légaliser le cannabis
Pour mettre fin à la guerre aux drogues, il faut commencer par légaliser le cannabis
Narcotrafic : Darmanin et son inefficace «guerre contre la drogue»