Grande victoire pour l’industrie française du CBD : l’interdiction des fleurs est officiellement supprimée, mais la réponse du gouvernement suggère que le problème est loin d’être résolu.
La plus haute juridiction de France, le Conseil d’État, a officiellement annulé une tentative d’interdiction de la vente de fleurs et de feuilles de CBD.
Les détaillants de CBD et les bureaux de tabac à travers la France, dont des milliers reçoivent plus de la moitié de leurs revenus de la vente de fleurs de CBD brutes, ont salué la décision après des mois de commerce dans l’ombre de l’interdiction potentielle.
Alors que beaucoup pensent que cette décision va mettre un terme au problème et aider à relancer les investissements dans l’industrie française du CBD et du chanvre, une réponse du gouvernement publiée plus tôt cette semaine semble suggérer le contraire.
Alors qu’il est question de créer un nouveau « cadre réglementaire permettant le développement sécurisé de nouvelles activités économiques liées au chanvre », et que la rhétorique politique continue de faire écho à la guerre contre les drogues, le gouvernement pourrait encore fournir de nouveaux obstacles à ce secteur en plein essor.
Une interdiction controversée
Le 30 décembre 2021, le gouvernement français a adopté un décret révisant la réglementation applicable à la culture, à l’importation et à l’utilisation du chanvre.
Ce décret interdit effectivement la vente de fleurs et de feuilles brutes sous toutes leurs formes, seules ou mélangées à d’autres ingrédients, ainsi que leur détention.
Cette mesure controversée a été présentée comme une mesure de santé publique, car les autorités ne seraient pas en mesure de déterminer quelles fleurs contiennent des niveaux élevés de THC et quelles autres en contiennent moins de 0,3 % et sont officiellement classées comme du chanvre.
Ses ramifications auraient été dévastatrices pour l’industrie du CBD du pays qui, selon Aurélien Delecroix, président du Syndicat professionnel du chanvre (SPC), comprend des milliers de détaillants qui reçoivent « 50 à 70 % » de leur chiffre d’affaires de la vente de fleurs de CBD.
Quelques jours seulement après l’adoption du décret, le Conseil d’État, dirigé par la juge Mme Von Coester, a entendu les contestations juridiques d’organismes tels que le SPC et l’Union des professionnels du CBD (UPCBD).
Fin janvier, le Conseil d’État a jugé que le décret « ne résulte pas de l’enquête que les fleurs et les feuilles de chanvre dont la teneur en THC ne dépasse pas 0,3 % seraient nuisibles à la santé au point de justifier une interdiction générale et absolue de leur vente ».
L’interdiction a ensuite été « temporairement suspendue », ce qui a permis aux détaillants de continuer à vendre des fleurs de CBD jusqu’à ce que le Conseil d’État rende son verdict final sur le décret.
S’adressant à Libération, M. Delecroix a déclaré que l’industrie s’est retrouvée avec » une épée de Damoclès » suspendue au-dessus de leurs têtes pendant des mois, » paralysant l’industrie » et rendant les marques réticentes à s’engager à référencer des produits qui pourraient être rappelés au pied levé.
Un très bon jugement
Le jeudi 29 décembre 2022, le Conseil d’État a rendu son verdict final, jugeant que l’interdiction était » disproportionnée » et que » la nocivité des autres molécules présentes dans les fleurs et les feuilles de cannabis, notamment le CBD, n’est pas établie « .
Non seulement le Conseil a maintenu le jugement de la Cour de justice de l’Union européenne dans l’affaire Kanavape de 2020, qui a ouvert les portes de l’industrie française du CBD après une longue bataille juridique, mais il a également rejeté d’emblée les affirmations du gouvernement selon lesquelles la police est incapable de faire la différence entre des fleurs à forte teneur en THC et en CBD, en soulignant que des tests rapides sont disponibles depuis plusieurs années.
Le Conseil d’État français a maintenant annulé son interdiction des fleurs #CBD .
Le PDG de @AugurAssociate
a salué la nouvelle, mais souligne que #France vient « de revenir là où nous aurions dû être en 2018 ».le @gouvernementFR ⬇️ pic.twitter.com/FsNj2bxj0H
— Galia Veridis (@GVeridis) January 5, 2023
Sa décision a naturellement été saluée par le secteur, notamment par l’Association française des producteurs de cannabinoïdes (AFPC), qui a déclaré dans un communiqué : « En tant que représentant de plus de 300 exploitations agricoles impliquées dans la production de chanvre actif, l’AFPC se félicite de la décision du Conseil, qui permettra à tous les acteurs de la filière française du CBD, qui compte actuellement plus de 30 000 emplois, de développer sereinement leurs activités. »
Benjamin-Alexandre Jeanroy, du cabinet de conseil en cannabis Augur Associates, basé à Paris, a expliqué que cette décision « aurait pu aller dans les deux sens », mais qu’il était « plutôt rassurant » que le tribunal français se réfère à des preuves scientifiques pour prendre sa décision, ce que « peu de régulateurs font ».
« Le fait que la France aille dans ce sens est quelque chose de positif, et tout le contraire des décisions prises en Allemagne, par exemple. »
En octobre, la Cour fédérale de justice allemande a confirmé les condamnations de deux accusés reconnus coupables d’avoir vendu de grandes quantités de fleurs de CBD, une décision qui a eu des implications majeures pour le marché du CBD du pays.
« Dans le jugement, il était mentionné que le CBD était bon pour certaines choses. Il a été démontré qu’il ne crée pas de dépendance et qu’il n’est pas toxique. Ce n’est pas eux qui l’ont inventé, cela vient d’études scientifiques, de la décision de l’OMS et d’autres sources.
« Ces éléments sont disponibles dans d’autres pays ; il s’agit simplement de les prendre en compte, et la France vient de commencer à le faire. Pour la première fois, ils fondent leurs arguments sur des résultats très tangibles et sur la littérature scientifique et politique existante. »
Qu’est-ce que cela signifie pour l’industrie française du CBD ?
Si les détaillants ont pu continuer à vendre leurs produits depuis la suspension temporaire de l’interdiction, cette nouvelle « stabilité juridique » devrait encourager des acteurs plus importants à entrer sur le marché.
Selon M. Jeanroy, il s’agit d’une arme à double tranchant, qui signifie plus d’opportunités et de capitaux affluant sur le marché, mais aussi plus de concurrence pour les petits acteurs.
« C’est une victoire pour les plus petits acteurs du secteur, notamment les agriculteurs, qui peuvent désormais vendre directement. Leurs produits ne doivent plus faire l’objet d’un contrat spécifique conclu avec un autre acteur industriel pour l’extraction.
« Mais cela les met en porte-à-faux avec des acteurs plus importants, qui vont venir sur le terrain de jeu maintenant. Cela fait quatre ans que je dis à mes clients que c’est le moment idéal pour entrer sur le marché car ce n’est pas super clair juridiquement. C’est une opportunité car seuls les petits acteurs prendront le risque.
« Maintenant que nous avons ouvert la porte, il se peut que nous ayons plus de concurrence ».
Cependant, suite à la réponse du gouvernement au jugement, M. Jeanroy pense que cette bataille est « loin d’être terminée ».
Lorsque ce décret a été suspendu l’année dernière, on pensait que le gouvernement mettait en avant sa position ferme sur les drogues en raison de l’imminence des élections.
Bien que les élections se terminent au premier semestre 2022, M. Jeanroy affirme que « la ligne politique n’a pas changé », mais que cela pourrait aider à avoir une discussion plus stable sur le sujet.
Bien que la réponse du gouvernement n’ait pas apporté grand-chose de nouveau en termes de position, elle sert à « confirmer qu’ils ne sont vraiment pas contents et qu’ils feront de leur mieux pour compliquer les choses à l’avenir, donc nous sommes loin d’être en sécurité pour le moment ».
Elle fait également référence à Novel Foods, et à l’EFSA pour la première fois, qui a effectivement arrêté toutes les demandes de CDB en cours en juin 2022 jusqu’à ce que » de nombreuses lacunes dans les données » aient été comblées, ce qui n’a guère donné lieu à des progrès significatifs depuis. Cela conduirait à une « interdiction de facto » jusqu’à ce que ces problèmes réglementaires soient résolus.
« Cela pourrait potentiellement se transformer en de nouvelles réglementations sur une certaine dimension, seul le temps nous le dira. »