L’état de New York vient d’atteindre un jalon marquant dans l’histoire de la régulation du cannabis : un milliard de dollars de ventes au détail depuis la légalisation en mars 2021. Cette étape témoigne de la robustesse et de la vision inclusive de l’approche new-yorkaise. La gouverneure Kathy Hochul a salué cet accomplissement comme une victoire non seulement économique, mais aussi sociale.
Une stratégie axée sur l’égalité sociale et économique
Contrairement à de nombreux États qui ont légalisé le cannabis, New York a mis un point d’honneur à créer une industrie qui favorise les groupes historiquement marginalisés. Plus de la moitié des licences de vente ont été attribuées à des entrepreneurs issus de minorités ethniques ou à des femmes, consolidant l’engagement de l’état envers une équité sociale réelle. Cette stratégie audacieuse vise à réparer les torts causés par des décennies de prohibition, qui ont souvent ciblé de manière disproportionnée ces communautés.
Kathy Hochul a déclaré dans un communiqué : « Notre approche combine croissance économique et opportunités pour les communautés marginalisées. Ce succès prouve que l’égalité et le progrès économique peuvent aller de pair. »
Un marché diversifié et en pleine expansion
Avec plus de 500 marques et 275 points de vente légaux, le marché du cannabis à New York est déjà l’un des plus diversifiés des États-Unis. Cette variété reflète la demande croissante des consommateurs et leur confiance dans un système réglementé. Felicia A.B. Reid, directrice exécutive par intérim de l’Office of Cannabis Management (OCM), a souligné : « Les consommateurs comptent sur notre marché réglementé et nous restons attachés à une approche inclusive. »
Cette diversité est une clé majeure du succès, en permettant d’offrir une gamme étendue de produits tout en soutenant une vaste communauté d’acteurs économiques.
L’Office of Cannabis Management (OCM) prévoit l’ouverture de plus de 350 dispensaires en 2025 et anticipe des ventes pouvant atteindre 1,5 milliard de dollars.
La gouverneure Kathy Hochul a salué ces résultats, attribuant la hausse des ventes légales à une intensification de la lutte contre les marchés illégaux. Toutefois, des critiques pointent des difficultés dans le soutien aux petites entreprises et la gestion des fonds d’équité sociale.
Des impacts positifs pour la santé publique
La légalisation ne se limite pas à des résultats économiques. Elle a également permis d’améliorer la santé publique en réduisant les risques liés à la consommation de produits issus du marché noir. Les contrôles de qualité sur les produits réglementés garantissent une sécurité accrue pour les consommateurs et contribuent à limiter les méfaits.
Investissements dans les communautés et lutte contre le marché illégal
Les revenus générés par les ventes de cannabis — dont 80,2 millions de dollars de recettes fiscales prévus d’ici à 2024 — ne se limitent pas à enrichir les caisses de l’État. Ils sont aussi réinvestis dans les communautés les plus durement touchées par l’ancienne prohibition. Le programme de réinvestissement communautaire, par exemple, finance des projets dans des quartiers sous-financés, apportant un soutien à des populations longtemps négligées.
Parallèlement, l’État a intensifié ses efforts pour combattre le marché illégal. L’année dernière, 16 000 kilos de produits illégaux ont été saisis, représentant une valeur marchande de 68,5 millions de dollars. Tremaine Wright, président de l’Office de contrôle du cannabis, a expliqué : « Nous construisons un marché qui non seulement offre des opportunités économiques, mais contribue également à la sécurité et au bien-être de nos communautés. »
Le Marché du cannabis à New York vers de nouvelles restrictions ?
De nouvelles propositions de loi pourraient bientôt restreindre certains aspects de cette légalisation. Phil Steck, membre démocrate de l’Assemblée, a déposé deux propositions visant à limiter la teneur en THC des produits à base de cannabis et à encadrer davantage sa consommation.
Limitation de la teneur en THC
Le projet de loi A977 vise à plafonner la concentration de THC delta-9 à 15 % pour les fleurs de cannabis et à 25 % pour les concentrés et produits dérivés du chanvre. Le dépassement de ces limites constituerait un délit de classe B, passible de 90 jours de prison et d’une amende de 500 dollars. Selon Steck, l’absence de limite de puissance est une lacune majeure de la légalisation actuelle. Il cite des données indiquant une augmentation des réactions indésirables, notamment dues aux produits comestibles.
Cependant, cette proposition suscite des critiques. L’organisation NORML dénonce des limites arbitraires qui risquent de pousser les consommateurs vers le marché illégal, maintenant ainsi la demande pour des produits plus puissants hors du circuit réglementé.
Restrictions sur la consommation proche des enfants
La seconde proposition, A1007, interdirait de fumer ou vapoter du cannabis à moins de 3 mètres d’un enfant ou d’un lieu fréquenté par des enfants à des fins récréatives ou éducatives. Cette restriction s’appliquerait même à l’intérieur des résidences privées si des enfants vivent à proximité. Les récidivistes risqueraient des poursuites plus sévères, les infractions répétées étant requalifiées en délit de classe B.
Le mémo législatif défend cette mesure en soulignant les dangers de la fumée secondaire de cannabis pour les enfants. Toutefois, des voix s’élèvent pour dénoncer une intrusion dans la vie privée des citoyens.
Les enjeux de régulation et de santé publique
L’équilibre entre santé publique, libertés individuelles et développement économique est au cœur des débats. Si la protection des enfants et la réduction des risques sont des objectifs louables, des mesures trop restrictives pourraient fragiliser le marché légal et favoriser les circuits parallèles.
Le CIRC rappelle qu’au moment de la fin de la prohibition de l’alcool aux États-Unis, les autorités n’ont pas seulement légalisé les bières et alcools légers, mais aussi les spiritueux et autres alcools forts afin de ne pas laisser ces marchés aux mains des organisations criminelles comme celles d’Al Capone.
Une mise en perspective européenne
En Europe, certains pays comme Malte, l’Allemagne et le Luxembourg s’apprêtent à expérimenter des modèles de régulation du cannabis inspirés de l’expérience nord-américaine. Ces initiatives soulignent l’isolement de la France, où l’approche prohibitionniste persiste malgré ses effets contre-productifs.
Une leçon pour la France
Face à ce succès, il est légitime de s’interroger sur la politique française en matière de cannabis. Alors que New York récolte les fruits économiques et sociaux de la légalisation, la France persiste dans une prohibition qui enrichit les narcotrafiquants tout en stigmatisant les consommateurs. Les recettes fiscales considérables, les investissements dans les communautés et la réduction du marché illégal outre-Atlantique contrastent vivement avec l’immobilisme français.
Le CIRC insiste : la légalisation n’est pas qu’un échec à corriger, mais aussi une solution pragmatique à adopter. Les consommateurs français, qui représentent une demande massive, ne sont pas responsables de la violence liée au narcotrafic. Ce sont les choix politiques — ou leur absence — qui maintiennent cette situation criminogène. New York démontre qu’il est possible de transformer une problématique complexe en un moteur de croissance et de justice sociale. La France ferait bien de s’en inspirer rapidement !
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